Les pelerins d'Emmaüs / Luc 24 13-35 / Une homélie

L’événement est passé, la rencontre est terminée, et les disciples s'interrogent :
notre cœur n'était-il pas brûlant ? Qu'est ce que ça peut vouloir dire un cœur brûlant ? avons-nous connu dans nos vies ce phénomène étrange d'avoir le cœur qui brûle ? (...)
On pourrait se dire que c'est une simple formule de style, de la littérature, mais voilà que c'est aussi du côté du cœur que Jésus vient nous chercher:
"Comme votre cœur est lent à croire !"
Le texte dit mot à mot "sans intelligence et lent de cœur"
Il est donc juste de nous poser la question de l'état de notre cœur.
(...)
Un inconnu les rejoint, il les rejoint là où ils en sont sur leur chemin mais aussi dans leur désarroi, dans cette mécanique de la tristesse qui nous fait tourner en rond, dans ce goût que nous avons à toujours nous redire nos échecs et nos défaites.
Il les rejoint et interroge leur cœur : cœurs sans intelligence et lents à croire !

Mais qu'est-ce qui brûle ainsi leur cœur ?
- la voix de l'ami retrouvé ?
non puisqu'ils ne savent pas qui il est.
- Le réconfort reçu de cet inconnu ?
non, il n'a aucune parole de réconfort, il ouvre les Ecritures.

Ce qui brûle leur cœur, c'est l'Ecriture elle-même.
L'Ecriture ouverte, l'Ecriture dépliée, habitée, l'Ecriture qui ne cesse de parler de lui,
l'Ecriture qui ne parle pas de ce Jésus que les deux hommes regrettent tant, mais qui révèle le Christ.

Il y a un autre texte dans la bible où il est question d'un cœur qui brûle, c'est dans le Prophète Jérémie, il dit : « Je ne penserai plus au Seigneur, je ne parlerai plus en son nom. » Mais la parole était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir. (Jr 20-9)
La Parole comme un feu brûlant dans mon cœur.

Comment croire à la résurrection ?
Comment comprendre le tombeau vide du matin de Pâques ?
Devant ces questions,
Que nous dit notre cœur ?
Comment brûle-t-il ?
Laissons tomber notre cerveau et observons notre cœur !
L'intelligent dans cette affaire, c'est lui.
"même la nuit mon cœur m'avertit" a-t-on chanté dans le psaume.

Il ne s'agit pas d'en faire une affaire de sentiment à l'eau de rose,
il ne s'agit pas de refuser le travail de notre intelligence, mais il s'agit d'éveiller l'intelligence de notre cœur, une intelligence plus profonde, plus intime...
Il s'agit de prendre au sérieux l'étrange joie de notre cœur.
Pas une joie de guimauve, pas une joie de façade, pas une joie obligatoire qui nous contraindrait à afficher "l'air joyeux"...
Une joie au plus profond, une joie grave, une joie en vérité, une joie qui consume et qui brûle au risque de faire mal.

N'attendons pas que nos yeux nous renseignent, ils sont disqualifiés pendant tout le texte : ils ne s'ouvrent que pour voir le Christ disparaître.
N'attendons pas que nos raisonnements nous éclairent, ils sont trop verrouillés par nos scénarios et nos logiques humaines.

Si nous voulons faire le grand passage avec Jésus et marcher avec le Christ, penchons-nous sur notre cœur. Et mesurons sa température !

Et s'il nous semble un peu froid, ouvrons ensemble les Ecritures !
le feu est là qui nous attend.
Comme sur la route d'Emmaüs, il faut lire à plusieurs, il faut faire cette expérience de la lecture commune, parce qu'alors nos cœurs se frottent et le feu grandit.

Le Seigneur est ressuscité, il est vraiment ressuscité, même la nuit notre cœur nous en avertit, écoutons-le !

Alléluia, Amen
Sylvain, diacre

Homélie du matin de Pâques

Quoi dire après ce texte ? Quoi ajouter après avoir vécu ensemble cette semaine ? Quoi chercher à comprendre ? Qu'y a-t'il à comprendre ?

"Il vit, et il crut." Le premier arrivé au tombeau, le second à entrer dans le tombeau est de fait le premier croyant en la résurrection de Notre Seigneur. Marie-Madeleine qui l'a précédé au tombeau n'est pas entrée, elle s'est arrêtée à la porte certaine que le corps de Jésus a été enlevé. Pierre, lui, nous semble perplexe dans son silence et son inaction. C'est pourtant lui qui le premier pénètre dans le tombeau. Il reste sans voix tandis qu'une foi brûlante envahit
Jean, une certitude le tient solidement au corps.
Jean est le premier croyant au Christ ressuscité. Il devient donc une sorte de modèle pour nous qui fêtons aujourd'hui la résurrection du Christ.
Et au fond de nous, naît secrètement et mystérieusement cette prière : "Seigneur donne-moi la grâce de croire dans ta résurrection aussi certainement et soudainement que ton disciple Jean."
Alors, nos yeux fouillent dans le texte et nos oreilles se tendent pour mieux comprendre.

Mais que voit Jean pour qu'il croie si soudainement ?
Notre première réponse, Jean voit des linges disposés apparemment d'une manière étrange. Toutefois c'est ce que voit Pierre qui nous donne la description la plus précise : "il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place."
Nos esprits cartésiens, notre soif de preuves, notre besoin de comprendre logiquement, nous poussent à nous dire que Jean voit la même chose. Jean voit lui aussi les linges posés à plat et le suaire roulé à part à sa place. C'est logique.
Mais la question qui vient aussitôt : "pourquoi la disposition des linges saisit Jean au point qu'il crut aussitôt ? Et pourquoi Pierre qui pour le coup on en est sûr voit la disposition des linges, resta-t'il figer dans le silence ?
Et si Jean et Pierre ne voyait pas la même chose ?
Pierre, on vient de le préciser, voit les linges pliés et rangés d'une manière particulière.
Et si ce que Jean voyait, c'est tout simplement le tombeau vide ?
Et si Jean ignorait tout simplement les linges ?
Et si le regard de Jean traversait les linges pour ne voir que la pierre nue, froide, vide ?
Et si Jean à travers l'absence d'un corps percevait déjà une présence tout autre ?
Les linges sont les objets des soins qu'on porte à un mort, au matin de Pâques, ils n'ont plus aucune utilité. S'en préoccuper, c'est encore tourner son regard vers ce qui plonge vers les ténèbres.
L'histoire qui commence ce matin, c'est l'histoire d'un Vivant. L'histoire d'aujourd'hui c'est la victoire de la vie.
Aujourd'hui, nous nous mettons en route à la suite du Christ. Et comme nous le dit la bénédiction solennelles de la veillée pascale : "Ils sont finis les jours de la Passion, suivez maintenant les pas du ressuscité : suivez-le désormais jusqu’à son royaume où vous posséderez enfin la joie parfaite."
Alors, on comprend mieux que les vêtements mortuaires ne sont plus de ce qui nous questionne ce dimanche de la résurrection. Ils sont du passé. Ils sont de l'avant de la résurrection.
Jean ne les voient pas ou plutôt il les ignore, ce qui le touche sur l'instant, c'est le tombeau vide.
Il ne cherche pas d'explications. Il ne se demande pas qui a pris le corps ? Et pourquoi, on a bien plié les linges ?
Non rien de tout cela, tout son corps est pris dans l'aventure de la résurrection. Il n'y a pas de raison. Rien ne peut expliquer la foi. Jean croit et c'est tout.
Pierre, il lui faudra plus de temps pour qu'il croît avec tout son être et plus seulement avec sa tête. Il faudra que Jésus, le ressuscité, lui demande par trois fois : "m'aimes-tu ?" pour qu'il s'abandonne totalement à son Seigneur. Et ainsi comme nous l'avons écouté dans la première lecture, Pierre prend la parole et annonce : "Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance".
Pierre ne parle plus des linges, il nous entraîne à suivre le Christ directement de la croix à la résurrection.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Homélie du vendredi Saint

Mon serviteur réussira dit le Seigneur; il montera, il s'élèvera, il sera exalté. 
Ce sont les premiers mots de la première lecture.
Ce soir nous célébrons donc une réussite, pas un échec.
L'exaltation du serviteur, annoncée dès le commencement.

Il y a une croix.
(...)

Une fois encore, ce sont nos oreilles qui vont apprendre à nos yeux à voir.
Nos oreilles entendront : "voici le bois de la croix qui a porté le Salut du monde !"
Il faudra qu'elles entendent trois fois :
"voici le bois de la croix qui a porté le Salut du monde !"
Il faudra que nos yeux s'habituent à voir ce que nos oreilles leur diront.
Petit à petit, petits morceaux par petits morceaux.
A la fin, le voile n'y sera plus et nos yeux verront.
Nous verrons que cette croix, c'est l'instrument de notre Salut
Nous verrons que cette croix, c'est l'irruption de la Joie dans nos vies
C'est l'irruption de la Vérité dans nos vies
C'est la possibilité du pardon dans nos vies
(...)
Venez, adorons !

Amen
Sylvain, diacre

homélie du Jeudi Saint

« Sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout » 

Une traduction plus fine nous ferait dire « il les aima jusqu'au terme, jusqu'à l accomplissement ».
L'Evangile parle de passage et non de mort. Jésus sait « qu'il est venu de Dieu et qu'il retourne à Dieu » Il a conscience , et Jean le souligne, qu'il a été envoyé pour témoigner dans le sens fort (martyria) de l' amour stupéfiant et pour nous incompréhensible par lequel Dieu se tourne vers l'humanité entière, vers chaque femme et chaque homme avec le désir de le relever et de l' élever, de leur partager sa vie.

Nous ne rendrons jamais assez grâce pour cet amour de Jésus pour nous, amour puisé dans la Miséricorde du Père.
Au cours de ce dernier repas avec eux , Jésus permet aux disciples d'être associés à son sacrifice. Les disciples sont dispersés pendant la passion et la mort de Jésus. Mais ici au cours du repas il sont rassemblés et ils deviennent des participants à l 'action du Christ , une participation sacramentelle : Le sacrement c est l' œuvre de Dieu en nos chairs et dans notre existence mortelle. En mangeant le pain, corps du Christ livré et en buvant le sang du Christ versé ils vont, comme nous le dit st Paul « annoncer la mort du Seigneur » et participer à l' acte définitif qui se déroulera le lendemain. Et en instituant ce geste sacramentel, le Christ ouvre une voie destinée à se développer jusqu'à la fin des temps selon le commandement que Jésus a laissé "Faites ceci en mémoire de moi.» (1CO 11,24) « chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à, cette coupe, nous proclamons la,mort du Seigneur. » (1CO 11,26) non pas comme un simple évocation mais comme une participation réelle à l événement par le signe sacramentel de l'eucharistie.Chaque fois nous ravivons en nous la grâce baptismale et entrons dans le dynamisme de la résurrection pour faire surgir à travers les divers aspects de notre existence, de notre vie ordinaire, les fruits de cette résurrection, c est à dire une existence qui n'est plus voué à la mort mais à la vie. Cette évocation du dernier repas est réinterprété dans l'Evangile de St Jean à travers un autre geste celui du lavement des pieds.Jean ne cite pas les Paroles sur le pain et le vin,(que j appellerai les paroles eucharistiques) mais c est bien au cours du même repas que Jésus lave les pieds de ses disciples. Nous pourrions penser que c'est anecdotique et secondaire par rapport aux Paroles « eucharistiques ».( une fois par an!!!)

Trois phrases de l'Evangile de ce jour contredisent cela
« Si je ne te lave pas, tu n'auras pas part avec moi. » Le geste de Jésus n 'est pas simplement un geste d'humilité, ou d'abaissement, mais ce qui est en cause c'est le lien avec Jésus, « avoir part avec lui » nous introduit dans l'eucharistie. 
« Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l' alliance puissions nous être uni à la divinité de celui qui a pris notre humanité » . Quelle intimité !!
Et Jésus précise « Vous m'appelez « Maitre et Seigneur » et vous avez raison je le suis ».Le geste de service de Jésus et un geste du Seigneur et Maître . Le Maître et le serviteur sont indissociable en Jésus Christ, le maître et le serviteur sont sur le même pied ! Dernière Parole : « C'est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez , vous aussi, comme j ai fait pour vous » le parallèle de - "Faites ceci en mémoire de moi"

L 'exemple du Seigneur et Maître donne une dimension particulière à notre participation sacramentelle à l'eucharistie.Ce geste du lavement des pieds est un vrai geste ,comme la fraction du pain, c est un geste de fondation.
Nos pieds comme tout notre corps sont marqués de l'empreinte du Seigneur Maître et serviteur. Et avoir part avec Jésus c'est laisser nos pieds marcher à sa suite au service de ce pourquoi il donne sa vie, le salut du monde. Il ne s'agit plus simplement de nous unir dans l'offrande du Christ, mais il s agit de reproduire dans notre vie cette mission du service que le Christ accomplit.
Que signifierait de célébrer le mémorial et l' actualité du don du Christ si cette participation ne s'accompagnait pas d'une conversion de notre manière de servir. Servir comme le Christ,Seigneur et Maître. Aller à la messe ce n'est pas trop difficile, mais lier ensemble notre union au Christ et le service du frère dans la charité, un amour vrai, cela demande que nous allions puiser à la source de la grâce qui nous est donnée à chaque messe.

En lavant les pieds de ses disciples Jésus prends soin de ceux qui vont marcher et porter l'Evangile pour prendre soin à leur tour d'un corps nouveau qui naît, l’Église .Jésus les investit comme Apôtres. En nous demandant de faire de même nous sommes à chaque eucharistie, envoyés au monde à la suite des Apôtres.

Alors , en raison même de notre baptême et de cet envoi qui nous est adressé , notre présence aux femmes et aux hommes de ce temps ne peut pas être n'importe quelle présence, notre parole devant les événements de notre histoire ne peut plus être n'importe quelle parole, mais celle d'un disciple du Christ.Nos relations sont des relations de disciple.Nos choix ne peuvent pas ne pas être marqués de notre oui lorsque nous acceptons l' envoi du Seigneur …. «nous rendons grâce à Dieu » notre dernière parole à la fin de l'eucharistie Laissons nous toucher au plus profond de notre être, par les Paroles et les Gestes de Jésus ; Entrons avec foi dans les jours de Pâques.

Robert Zimmermann diacre

Homélies des Rameaux 2017

Après la lecture de tous ces textes, ce qui frappe l'esprit, c'est ce contraste entre la joie, la ferveur de l'entrée de Jésus dans Jérusalem et la violence de la crucifixion. Le contraste entre l'acclamation de la foule digne d'un roi et l'image d'un homme juché sur une ânesse et son ânon. Le contraste entre l'avilissement de Jésus par les crachats, la torture et son élévation sur la croix où paraît déjà sa transfiguration.

Il y a de quoi être décontenancé par ces lectures successives.
Il y a de quoi être décontenancé par ce que nous propose la liturgie pour la semaine qui vient.

Aujourd'hui, notre église se pare de verdure. Et bientôt, notre église sera dépouillée de tous ses ornements.
Aujourd'hui, notre église s'emplit des froufrous des rameaux et bientôt, notre église va laisser le silence l'envahir.
Mais, la liturgie ne fait rien sans que la tradition vivante, éclairée par l'Esprit, ne nous invite à entrer dans le mystère de Dieu.

Si aujourd'hui c'est jour de fête, si aujourd'hui nous nous réjouissons du retour de Jésus à Jérusalem, c'est parce que nous savons qu'il est en route pour l'établissement de son royaume, le royaume des cieux.
Mais le royaume ne vient pas sans dépouillement.
Un royaume où le roi est serviteur de ses sujets.
Un roi qui ne va pas en carrosse mais sur une ânesse et son ânon.
Un roi dont la force se révèle dans la faiblesse.

Alors, frères et sœurs, comme nous l'invite l'Eglise, maintenant, avançons comme les foules de Jérusalem heureuses d'acclamer le Messie.
Suivons son parcours cette semaine et comme lui essayons de nous dépouiller pour retrouver l'essentiel de ce qui fait nos vies.

Evacuons ce trop-plein de richesses, ce trop-plein de nous-même.
Préparons-nous à contempler notre Dieu, glorieux sur la croix comme nous l'avons acclamé aujourd'hui humble roi sur sa monture.
Laissons l'Espérance gagner nos cœurs pour nous mettre dans la dynamique de résurrection.

C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom,
Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers,
Et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

Dominique Bourgoin, diacre
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Voilà que les portes de la semaine sainte sont ouvertes.
Avez-vous vu le roi de gloire y entrer ?
Qui avons-nous acclamé avec nos rameaux ?
Où était-il le roi de gloire ?

Il était sur la croix.
Sur la croix qui marchait devant nous, sur la croix qui est entrée avant nous dans l'église.

Si nous cherchions un roi de gloire tel que le monde nous le vend chaque jour, c'est raté !
- Un puissant qui déclenche des guerres,
- un homme providentiel qui va reprendre en main le pays,
- un plus futé que les autres qui va trouver les solutions pour tous nos problèmes,
- un irréprochable qui va restaurer la morale
un qui va servir la vérité,
un qui va rétablir la puissance de nos valeurs....
Rien de tout ça pour nous chrétiens ! Nous savons ce qu'il y a dans l'homme.

Notre roi de gloire, notre maître et Seigneur, il entre acclamé à Jérusalem pour y mourir comme le dernier des derniers.
Notre roi de gloire, il est déjà ce matin sur le bois de la croix.
Sa gloire elle est là, nulle part ailleurs.

Ces rameaux que nous sommes venus chercher ce matin, ce ne sont pas des porte-bonheurs, des gri-gri magiques.
- Ces rameaux ils disent que nous reconnaissons le Christ comme notre roi et que sa gloire est notre joie.
- Ils disent que nous voulons le suivre, jusqu'au bout, jusqu'au matin de Pâques,
en étant là jeudi pour son dernier repas,
en étant là dans la nuit de jeudi pour sa nuit d'agonie
en étant là vendredi pour adorer le bois de la croix,
en étant là samedi soir pour fêter le grand passage,
en étant là encore dimanche matin pour être éblouis de la lumière de la résurrection.
- Ces rameaux, ils disent que nous ne serons pas comme ces foules qui après l'avoir acclamé réclameront sa mort.

La semaine sainte n'est pas un petit théâtre où nous transformerions la Passion en spectacle, où nous en ferions le mime... Aujourd'hui, la croix marche déjà devant nous.
Cette semaine, nos yeux vont réapprendre à voir, il y aura des voiles et des dévoilements. Nos oreilles vont réapprendre à entendre.

Ne lâchons pas l'affaire en route !
N'abandonnons pas le Christ en chemin !

Qu'il entre ce roi de gloire,
qu'il entre dans nos vies !
Amen
Sylvain, diacre

Il s’en alla et se lava ; quand il revint, il voyait / Jean 9 / Une homélie

Alors comment tes yeux se sont-ils ouverts ?


Décidément le sort s'acharne sur cet homme. Il est né aveugle et quand il retrouve la vue, il est harcelé, c'est tout juste si on ne lui reproche pas sa guérison.
Imaginons dans quelles dispositions se trouve cet homme après sa guérison.
Ces yeux s'ouvrent sur la lumière, il découvre les couleurs, il découvre les visages de ceux qu'il aime, il perçoit des détails dont il n'avait pas idée. Cet homme découvre le monde avec un œil neuf, l'expression n'a jamais été plus appropriée. Il aurait tant de choses à nous dire sur ce qui le surprend, nous qui avons le regard blasé la plupart du temps, nous qui recherchons le sensationnel pour nourrir notre émotivité.
Ce qu'il voit c'est un monde suffisant qui sait.

Il n'a pas de temps à consacrer à dévorer des yeux la beauté qui l'entoure. Il est aussitôt convoqué à se justifier. "On lui demandait: alors comment tes yeux se sont-ils ouverts ?" Il ne peut dire que ce qu'il sait : "L'homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue, il me l'a appliquée sur les yeux et il m'a dit va à Siloé et lave toi." Il ne sait même pas que Jésus a mêlé de sa salive avec de la terre pour faire de la boue, il ne l'a pas vu !
Il ne sait quasiment rien de Jésus hormis son nom. Alors, il semble répéter inlassablement le peu qu'il sait. Mais son propos ne satisfait pas. Il ne peut pas satisfaire les pharisiens car ils sont enfermés dans un paradoxe.
Le paradoxe peut se résumer ainsi : Rendre la vue à un aveugle est pour eux forcément une œuvre de Dieu. Car rendre la vue aux aveugles c'est une des prophéties du grand prophète Isaïe. Or il n'y a pas la possibilité d'accomplir l'œuvre de Dieu en trahissant le sabbat. Ceci est un commandement reçu de Moise. Les voilà devant un dilemme.
C'est aussi l'explication de la réponse de l'homme qui a retrouvé la vue. Pour lui Jésus est un prophète parce qu'il bénéficie d'une des annonces d'Isaïe.

Le parcours de cet homme dans ce texte est surprenant de vérité tant il se rapproche d'un chemin de catéchumène, du chemin de quelqu'un touché par la foi au hasard et qui cherche.
Cet homme est guéri comme si Jésus faisait une expérience ou une démonstration pour ses disciples qui l'interrogent. Jésus ne montre aucune empathie particulière vis-à-vis de cet homme qui est, comme je le disais, une sorte d'objet d'expérience, de démonstration.
C'est comme si ce qui se passe est à son corps défendant.

Il reçoit une onction du Christ lui-même. Celui-ci mêle la terre, symbole du monde, à sa salive, symbole de sa parole qui fait vivre et en oint l'aveugle. Jésus se révèle à cet homme avant même que l'aveugle-né ait exprimé une demande. C'est ainsi que se le vit le baptême. Nous sommes plongés dans les ténèbres et nous sommes sortis de l'eau, les yeux ouverts sur la lumière. Nous ne savons pas ce qui se passe, nous ne pouvons que décrire les gestes et les paroles. Nous ne pouvons décrire que des gestes et des paroles qui nous sont rapportés par nos parents parce que pour la plupart nous étions bébé lors de notre baptême.
Cet homme est interrogé un peu comme le sont les étudiants que je rencontre à l'aunônerie. Pensez-vous, il y a quelques soixante mille étudiants à Bordeaux et une petite centaine fréquente l'aumônerie étudiante. Inutile de dire, qu'ils éveillent la curiosité chez leurs camarades. Ils me disent souvent qu'ils sont questionnés sur leur foi et ils avouent souvent ne pas savoir quoi répondre.
Quand on nous demande : "qu'est-ce qui fait que tu es chrétien ?" Quoi répondre d'autre que le simple fait que nous avons été baptisés ? Que c'est inscrit en nous la foi dans un Dieu qui se fait homme pour mieux nous aimer ?

Le parcours de cet homme ne s'achève pas sans qu'il rencontre Jésus et plus précisément, sans que Jésus ne le rejoigne. Et l'ancien aveugle est touché au plus profond et reconnaît celui qui le sauve.

Jésus aujourd'hui vient à notre rencontre. Il nous rassemble aujourd'hui autour de son autel. Il vient encore inlassablement nous ouvrir les yeux à sa lumière. Le christ vient renouveler l'onction dont il nous a oints lors de notre baptême. Soyons dans l'accueil de sa parole, de sa présence révélée dans son corps et son sang. Soyons dans l'attente de sa rencontre, tournons-nous vers sa lumière.

Seigneur, pendant ce carême, donne-nous d'accepter notre aveuglement, pour nous ouvrir à ton pardon.
Seigneur, pendant ce carême, donne-nous la force de témoigner de ta lumière seulement en disant la joie de te rencontrer.
Seigneur, pendant ce carême, renouvelle en nous la force de notre baptême. 

Amen !
Dominique Bourgoin,diacre.

La transfiguration / Matthieu 17 / Une homélie

La transfiguration, c'est d'abord une histoire de lumière : 
"son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière".
Puis voilà qu'une nuée lumineuse prend les disciples sous son ombre.
(...)
Comment se fait-il que cette scène ne remplisse pas les disciples de terreur, ou au moins d'un peu de retenue ?
Mais la nuée lumineuse les prend sous son ombre et la voix retentit. 
C'est alors seulement, au son de la voix, que les disciples tombent face contre terre et sont saisis d'une grande crainte.
Il y a donc quelque chose pour les yeux et quelque chose pour les oreilles.
Et l'Evangile pointe ce avec quoi nous nous débattons en permanence dans notre foi : le voir et l'entendre.
Il y a d'abord le spectacle éblouissant de la gloire de Jésus.
Pas de mots pour le décrire, mais ce spectacle nous attire, nous voudrions voir.
Il y a du côté des yeux une part de jouissance qui, comme pour Pierre, nous fascine, nous invite à nous fixer, nous figer dans l'image.
Nous envions les disciples spectateurs de cette vision, mais cette vision se dérobe, elle n'est pas un lieu où demeurer.
Au moment du plus spectaculaire, il n'y a plus rien à voir ! 
Il n'y a rien à voir, il y a à entendre : 
"Ecoutez-le" conclue la voix. "Ecoutez-le", comme un commandement
La voix qui le désigne comme fils bien-aimé nous interdit de le contempler, elle le soustrait à la jouissance de nos regards, elle demande l'écoute.
Elle ferme les yeux, face contre terre, mais elle ouvre les oreilles.
On nous demande de demeurer dans la Parole, pas dans l'image.
Comme Marie la sœur de Marthe au pieds de Jésus, comme Abraham dans la première lecture, qui change sa vie à l'oreille, parce qu'il entend la voix qui lui dit "quitte ton pays et va".
(...)
Dans notre chemin vers le matin de Pâques, souvenons-nous de cette nuée lumineuse qui fait de l'ombre car bientôt ce qu'il y aura à voir va nous scandaliser, dans quelques semaines, au soir du vendredi saint : c'est un Christ crucifié, défiguré, souillé, sombrant dans la nuit qu'il nous sera donné de contempler.
Thérèse de Lisieux écrit : "Vivre d'amour, ce n'est pas sur la terre, planter sa tente au sommet du Thabor, avec Jésus, c'est gravir le calvaire, c'est regarder la croix comme un trésor".
- Devant la croix misérable du vendredi saint, souvenons-nous que s'y manifeste pour nous la plus haute gloire du Fils. Et que nous n'aurons rien d'autre à contempler.
- Pierre Jacques et jean seront les seuls témoins de la gloire et de la croix, parce que la gloire et la croix, c'est la même chose !
- La résurrection se fait sans témoin, dans le creux du rocher...
Rien pour les yeux dans la résurrection...
Mais nos oreilles ont de quoi faire, et ce sont elles qu'il réclame...

Le Fils de l'homme s'avance vers la croix pour ressusciter d'entre les morts.
Ne nous trompons pas de trésor, n'espérons pas de spectacle...
Mais que nos oreilles se réjouissent

Écoutons-le

╬ Amen
Sylvain, diacre


Homélie du dimanche,
"Pour les enfants"
(...) On me dit que, parmi vous, il y en a qui s'ennuient à la messe ...
Alors, d'abord, je vous dis tout de suite que ça arrive à tout le monde, que les gens qui ne se sont jamais ennuyés à la messe, ils ne sont pas nombreux.
Ensuite, je vous dirai que ce n'est pas très grave... qu'on a le droit de s'ennuyer à la messe, mais que ce n'est pas une raison pour ne pas y aller!
Parce qu'on n'y vient pas pour nous, mais pour Jésus qui nous y invite, ce n'est pas notre plaisir que l'on vient chercher à la messe, mais le sien à Lui !
Je vous dis tout ça parce que je crois que dans ce texte de la transfiguration, il y a peut-être une piste pour moins s'ennuyer à la messe.
La messe, ce n'est pas un spectacle...
Il y a de la musique, mais elle n'est pas toujours merveilleuse ! il y a des types habillés bizarrement, sur une estrade qui ressemble à une scène, mais on peut pas dire qu'ils soient très beaux, ni très intéressants, ni qu'ils fassent des cascades très impressionnantes...
La messe, ce n'est pas un spectacle...
Si on vient pour assister à un spectacle pour réjouir nos yeux, comme on va à un concert ou au cinéma, là, c'est certain, on sera déçu...
Pourtant, il y a bien des choses à voir, mais elles sont toutes petites : des bougies, des fleurs, des morceaux de pain, des coupes de vin, des types habillés en blanc qui font des gestes, et chaque geste est important, et chaque geste veut dire quelque chose....
Et puis surtout, il y a vous.
Ce n'est pas un spectacle parce que ce sont les gens rassemblés qui sont les acteurs de la messe... tous... personne n'est en dehors.
Nous, ici nous ne sommes que les serviteurs de votre action à vous...
ce qui compte, c'est ce que nos oreilles entendent.
Ce sont nos oreilles qui apprennent à nos yeux la vérité et la beauté de ce qui se passe.
Que Jésus se mette à briller comme le soleil, c'est bien beau, mais Dieu ferme les yeux des disciples pour leur ouvrir les oreilles.
Il faut se méfier de ce que nos yeux voient et de ce qu'ils voudraient voir.
(...)
La messe, pour ne pas s'y ennuyer, il faut y venir souvent, parce qu'on est dur de la feuille et que nos yeux ont du mal à voir en vérité ce qui s'y passe.
Nous ne faisons pas du spectacle, si nous voulions en faire, nous mentirions.
Dieu ne veut pas que nous soyons fascinés par une image, mais que nous soyons ouverts à sa Parole.
Sylvain diacre
╬ Amen