l'Homme qui prie / Luc 18 1-8 / une homélie

Les premiers chrétiens se réunissent en cachette dans les sous-terrains de Rome et ils peignent les murs. Dans les premières représentations, avant celle du Christ-bon-berger, avant celle de la Vierge à l’enfant, bien avant celle de la croix, on voit apparaître celle d’un homme, ou d’une femme, debout, les bras étendus et les mains ouvertes. C’est la figure de « l’Homme qui prie ».

La première image des premiers chrétiens, c’est « l’Homme qui prie ».
Et un Homme qui prie, c’est un homme debout, parce qu’il est ressuscité, relevé pour toujours, et s’il a les bras ouverts c’est parce qu’il s’ouvre à ce qui vient, qu’il se rend disponible, qu’il se rend vulnérable, qu’il abandonne toute protection.

Aujourd’hui, le Christ nous rappelle qu’il est nécessaire pour nous de prier sans cesse. Soyons bien attentifs, prier toujours, c’est d’abord nécessaire pour nous. Avant de l’être pour ceux qui sont l’objet de nos prières, avant même de l’être pour Dieu. S’il nous demande de prier sans cesse, c’est qu’il est indispensable que chacun de nous devienne « l’homme qui prie » « la femme qui prie ».

S’il s’agit bien de cela, il n’est pas question de se décourager parce que nos prières ne serviraient à rien… ou ne se réaliseraient jamais… Depuis quand doit-on conditionner nos prières à leurs degrés d’efficacité ? Le Seigneur ne nous demande pas de vérifier que nos prières soient exaucées, il ne nous demande pas de ne prier que quand c’est utile… il nous demande de prier tout le temps… parce que c’est nécessaire à celui qui prie.
Il n’attend pas que nous fassions de belles phrases, que nous connaissions les belles formules, que nous trouvions des intermédiaires, il attend que nous criions vers lui jour et nuit jusqu’à l’assommer comme cette veuve insistante assomme ce mauvais juge.
C’est si facile de tourner en dérision nos intentions de prières… bien sûr elles sont toujours les mêmes, bien sûr elles sont naïves ou irréalistes, bien sûr on n’en voit pas les fruits… Mais si nous cessons de les exprimer, nous nous mettons en danger. Si nous les faisons taire du haut de notre orgueil, nous trahissons ce que nous sommes : ces hommes et ces femmes debout, bras ouverts, créés pour la prière.

Alors c’est difficile de tenir debout bras ouverts en tout temps. C’est un combat. Tout ceux qui prient savent que la prière est un combat.
Observons Moïse en son combat : debout, les bras levés, il fatigue. Ses bras se font lourds, et quand il baisse les bras, le combat est perdu.

● D’abord il va s’asseoir sur une pierre.
Nous aussi, pour prier sans cesse, asseyons-nous sur une pierre.
La pierre d’angle, la pierre qui soutient toute notre vie de prière. Asseyons-nous sur l’autel. Soyons clairs, ne venez pas vous asseoir sur cet autel la prochaine fois que vous prierez, ce que je veux dire c’est que l’autel est l’assise de toute prière.
Vous vous souvenez des mots de la prière de dédicace de l’autel :
« Qu’il soit la table du Seigneur où ton peuple viendra refaire ses forces. »
« sources des sacrements »
« Qu’il soit la table de fête où les convives du Christ afflueront en se déchargeant sur toi de leurs soucis et de leurs fardeaux »

● Ensuite, les bras de Moïse seront soutenus.
Que nos bras soient soutenus eux aussi pour ne pas faiblir.
Un bras soutenu par mes frères
Un bras soutenu par les anges
Comment prier sans mon frère ? Comment croire que je peux prier seul ? Sans les frères et les sœurs que le Père m’a donnés ?
Et comment prier sans la Parole elle-même, sans les mots de l’évangile ? sans le concours des mots même de Dieu ? Comment tenir sans le soutient de l’écriture quand on la laisse devenir réellement la voix des anges ?

Un saint* du XVème siècle écrivait : « Dieu a fait que la prière ait un goût tel qu’on y aille comme à une danse, et il a fait que la prière ait un goût tel qu’on y aille comme à un combat ».
Ne craignons ni la danse, ni le combat.
Soyons des hommes et des femmes de prières sans nous préoccuper des résultats, nous ne sommes pas des comptables, nous ne sommes pas des contrôleurs de travaux ni des gestionnaires de biens…. Nous sommes des bras levés jour et nuit. Nous sommes des cris insistants, inlassables dans leur nullité, infatigables dans leur humilité.

Nous sommes ces figures debout, les bras ouverts, créés à l’image du ressuscité.

╬ Amen
Sylvain diacre
* Nicolas de Flue
Catacombe de Priscilla IIIème siècle

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