L'antienne
de l'Evangile nous y a préparé : "Le peuple qui habitait
dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient
dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée."
Aujourd'hui,
une lumière se lève dans la synagogue de Capharnaüm. Les habitudes
sont rompues. La routine est grippée. Il y a du neuf. Un homme se
lève et parle avec autorité. Nous, nous savons qui est cet homme,
nous qui accueillons cette parole à la lumière de la résurrection.
Mais les fidèles de la synagogue, eux, ils ne connaissent pas la fin
de l'histoire. Alors ce qui est dit est nouveau, l'attitude est
différente. Marc nous dit : "On était frappé par son
enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas
comme les scribes."
Il
faut reconnaître que ce qui est dit n'est pas sympa pour les
scribes. Surtout que les scribes sont les spécialistes de
l'écriture, on les appelle aussi docteurs de la loi. Mais
apparemment, leur manière d'enseigner les écritures ronronne, ça
n'étonne plus, ça glisse sur les corps comme de l'eau sur des
plumes de canard.
Et là
voilà un enseignement qui traverse la surface des corps, ça pénètre
les cœurs, ça touche la chair. En fait, l'enseignement de Jésus
opère ce à quoi la parole vivante est destinée. On est vite pris
par l'habitude, pourtant la parole de Dieu est là pour nous tenir
éveillé, pour faire de nous des veilleurs à l'affût du passage du
Seigneur. Nous sommes bien trop confiant dans nos propres forces,
nous sommes sûr de nous, nous verrons de nous-même le passage du
Seigneur.
Pourtant,
c'est quand nous nous laissons faire, quand nous accueillons ce qu'il
y a de nouveau qu'il passe.
Et
parfois, ça fait des dégâts. Ça secoue tant, que ça résiste.
"Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté
par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus
de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ?"
Dis-nous Jésus, viens-tu briser notre quotidien bien réglé ?
Viens-tu rompre notre train-train bien huilé où chaque chose a sa
place, où rien ne bouge ? Viens-tu tout renverser ?
Oui
Jésus vient nous réveiller. Non, il ne change rien à la parole, il
la remet seulement en perspective. Dieu aime et veut nous sauver.
Je me
souviens du précédent synode appelé par Monseigneur Eyt. Je
participais à ce qu'on appelait alors un chantier. Et dans ce
chantier, il y avait une dame du secours catholique qui disait
souvent que nous chrétiens devons intervenir à temps et à
contretemps. A temps et à contretemps, je comprends mieux ce que
voulait dire cette dame.
Intervenir
à temps, c'est ce que nous faisons là dans cette église, nous
venons prier quand l'heure est venue parce qu'il faut des repères.
Et
intervenir à contretemps, il ne faut pas nous installer, il ne faut
pas nous laisser entraîner par le courant du monde qui a ses propres
exigences.
L'expression
du démon est révélatrice de ce monde qui résiste et qui a peur
d'être remis en cause : "Que nous veux-tu, Jésus de
Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ?" Le démon
a peur de l'effet d'une parole nouvelle qui révèle à chacun que le
royaume de Dieu est proche, qu'une autre perspective que celle
offerte par le monde s'offre à nous.
Nous
recevons bien trop souvent la parole par habitude. Avant de nous
laisser étonner, nous plaquons déjà notre interprétation sans
laisser la parole mûrir et donner du fruit. Nos idées prennent le
pas sur la fécondité de la parole. Le Seigneur passe et on regarde
ailleurs, on regarde vers où notre regard se porte par habitude.
C'est
ce qu'explique Marc au chapitre 4 quand il explique la parabole du
semeur : "Et il y en a d’autres qui ont reçu la semence
dans les ronces : ceux-ci entendent la Parole, mais les soucis
du monde, la séduction de la richesse et toutes les autres
convoitises les envahissent et étouffent la Parole, qui ne donne pas
de fruit."
Pour
ne pas entrer dans la routine, pour ne pas nous laisser guider par le
train du monde, l'Eglise nous offre tous les jours les textes de la
messe. Il suffit d'en prendre un, de le lire. De se laisser étonner,
amuser, révolter ou interroger par un mot ou une phrase. Et dans la
journée, le relire ou seulement y repenser, creuser ce passage qui
nous pose question.
L'étonnement,
le questionnement, l'amusement, la révolte, ce sont les clés que le
Seigneur donne à notre intelligence pour nous éveiller à sa parole
alors ne les laissons pas se rouiller.
Aujourd’hui
écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit.
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
comme au jour de tentation et de défi,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit.
Amen !
Dominique
Bourgoin, diacre.
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