L'épiphanie / Une homélie

(...)
Qui sont ces mages venus d'orient ?
Quels liens avons-nous avec eux ?
Comment ça marche un mage ?

Un mage, ça marche les yeux au ciel.... Attentif aux étoiles.
Un mage, ça marche aussi à la joie.
Un mage ça marche au don. Devant ce petit enfant, ils ouvrent leur trésor et en tirent leurs cadeaux.
On a tout dit et tout écrit sur l'or l'encens et la myrrhe, mais j'étais surpris de voir que ce que la traduction nous donne comme « ouvrant leurs coffrets », c'est en fait « ouvrant leur trésor »... ce n'est pas du tout la même chose !
Le coffret, c'est à nouveau le santon de la crèche avec le cadeau bien à l’abri dans sa boite.
Le trésor, ça dit une grosse quantité, de laquelle ils vont tirer ce qu'ils donneront à l'enfant.
On pourrait supposer alors qu'ils n'avaient pas prévu à l'avance ce qu'ils allaient donner à cet enfant. Que c'est après l'avoir vu et s'être prosternés à ses pieds, qu'ils tirent de leur trésor ce qui leur vient, ce qu'ils ont maintenant envie de donner...
c'est la rencontre qui fait le cadeau, pas l'inverse.
Et puis je ne peux m'empêcher d'entendre en écho « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur »(Mt 6)... Si c'est de leur trésor qu'ils tirent leurs cadeaux, il les tirent de leur cœur.
Un mage, ça marche aussi au songe, au rêve.
(...)
On en fait souvent des scientifiques austères, le nez dans les grimoires et le compas à la main, mais se sont des poètes.

Des gens plongés dans les bouquins, il y en a aussi dans ce texte : les scribes et les prètres.
A la question d’Hérode « où doit naître le Christ ? », les scribes et les prètres n'hésitent pas une seconde ! Ils ont aussitôt la réponse : à Bethléem.
Ces gens savent, sans hésitation, où doit naître le Christ ! Et que font-ils ? Rien.
Ils savent parce que c'est écrit noir sur blanc dans un livre, mais ça n'a aucune incidence sur leur vie.

Autour de Jésus enfant se lèvent deux figures, deux manières de lire le monde :

- Il y a les scribes, ceux qui connaissent par cœur une écriture qui n'a plus aucune réalité pour eux. Les savants stériles et racornis pour qui les mots ne sont que des mots.

- Et il y a les mages, poètes, le nez en l'air, le nez au ciel, pleins de joie à la vue d'une étoile, se présentant naïvement devant les puissants sans la moindre crainte, puisant dans leur trésor pour un enfant dont ils n'attendent rien en retour, prenant leurs rêves bien plus au sérieux que la parole d'un roi.

Il ne s'agit pas de jeter les livres par la fenêtre et de se promener le nez au vent !
Il s'agit de savoir comment on lit ?
Comment on scrute la bonne nouvelle dans l'écriture et dans nos vies ?

Va-ton lire pour accumuler du savoir et du sens qui pourriront bien sagement sur les étagères de nos cerveaux ?
Va-t-on enfermer la Parole entre deux presse-livres ?

Ou est-on capable de lire l'évangile comme on regarde le ciel ? Lire en poète ? Lire en rêveur ? Y chercher l'étoile ? Avec pour bagages la joie et le trésor de nos cœurs...
Est-on capable de lire nos vies en poètes ? Les yeux au ciel ? Pour y chercher l'enfant, et lui ouvrir nos cœurs ? Et tant pis s'il n'en sort ni or ni myrrhe ni encens....

N'hésitons pas ces jours-ci à nous coiffer de couronnes en carton doré !
Elles se moquent de ceux qui se croient couronnés d'or,
Elles disent la royauté des mages, la royauté des poètes.
Amen
Sylvain, diacre
 Extrait de l'Evangile selon St Matthieu de PP Pasolini.
Peut-être la plus belle lecture de ce texte, avec des visages bouleversants d'humanité.

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