Le prophete Elie / 1Roi 19 / Une homélie de JP Duplantier

La Parole de Dieu qui nous est adressée aujourd’hui commence par le récit de la déprime du prophète Elie : « maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » C’est quoi la déprime d’un prophète ? Il croit en Dieu, lui. D’accord il a des adversaires, et une en particulier, la reine Jézabel, qui veut sa peau. Mais il a un rocher auquel s’accrocher dans la tempête.
Il croit en Dieu. Justement c’est peut-être là le problème. Dieu, le Père, personne ne l’a jamais vu, comme dit Jésus. Bien sur Jésus est venu ; il est venu de Dieu et il le connait Lui. Mais Jésus est mort. Oui mais il est ressuscité et il est apparu à ses apôtres et à bien d’autre, en chair et en os. Oui, mais il nous a été enlevé. Alors, au bout du compte, quelle relation nous reste avec Lui et par lui avec son Père.
 
Nous aimons Jésus. En tout cas nous le voulons. Mais pour ce qui de ce que je ressens pour Lui, de ce que je vois ou entends de Lui, c’est pas joué. Combien de fois est revenue la souffrance de constater que nous ne savons pas vraiment ce que veut dire aimer le Seigneur. Où est donc un vrai sentiment à son égard ; une véritable écoute de sa Parole vive ? J’ai beau dire et redire, avec le psaume 21 : « o toi mon Dieu, toi qui demeures en la louange, ne t’en va pas loin de mon cri. Ne t’en va pas des mots que je rugis le jour et qui la nuit me laisse sans repos. Ne t’en va pas. Ne sois pas loin », … c’est long de guérir. Il y  tant de contrefaçons de l’amour inscrites dans ma chair. Il y a bien quelques moments d’apaisement, de fulgurance même. Mais quand donc s’installera à demeure en moi l’amour qui ne passe pas, celui qui a sa source en Lui ?
 
Combien de fois nous nous sommes agenouillés devant lui, pour le supplier de se manifester plus distinctement, de nous montrer plus clairement quel est son œuvre en ce moment, qu’est-ce qu’il demande au juste. Certes il y a bien un certain consentement à faire ce que me demande l’Eglise, comme un fidèle serviteur. Mais il faut bien interpréter ces demandes. Reviennent alors, inlassablement, nos habitudes, nos propres manières de voir, nos stratégies préférées, et nos points d’honneur, comme disait Thérèse d’Avila. 
 
Bref, la déprime d’Elie, je connais et je ne suis pas les seul. J’essaie de m’en protéger, mais il y a des jours où, avec tout le monde autour de moi, j’entends : mais où est-il votre Dieu ? il est parti en vacances.
 
La relation au Christ, c’est bien une affaire de cœur, d’avoir des yeux pour le voir et des oreilles pour l’entendre. C’est notre chair en somme qui est malade.
Saint Paul écrit : «  amertume, irritation, colère, éclats de voix, insultes, méchanceté, tout cela doit être éliminé de votre vie ». D’accord il ne faut pas attrister l’Esprit saint. Mais, bon Dieu, comment çà marche.
 
            Elie a eu un ange, qui a lui a porté une galette, en lui disant : « lève-toi et mange ! il est long le chemin qui te reste. Et nous qu’avons-nous ?
C’est en cet endroit de notre vie que vient la parole de Jésus : « moi, je suis le pain de la vie ».
… et il faut que je vous en dise quelque chose. Alors je me risque et que l’Esprit fasse son travail. 
 
En premier ceci : Jésus est la Parole de Dieu. Mais, comme le dit Jean en toutes lettres, la Parole de Dieu ne parle pas, elle ne fait pas de discours, elle devient chair, elle agit, elle soigne, elle restaure des liens, elle accomplit l’œuvre du Père : faire de nous le corps du Fils qui porte son image.
 
Ceci suffit à tracer notre route : d’abord nous mangeons le pain et buvons le vin, comme il nous a dit de le faire. Puis nous écoutons : lève-toi, il est long le chemin qui te reste. Et sa présence vient, quand il veut, comme il veut, dans ce qui nous arrive dans notre chair, en famille, au travail, en vacances, et la nature de nos liens, heureux ou difficiles, quelques soient les circonstances, amis, étrangers, chrétiens, juifs, musulmans ou autres, brillants ou paumés, riches ou pauvres. 
 
A nous apprendre d’avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre les détails dans lesquels le Christ montre sa présence, sa miséricorde, la sienne. Un peu comme lors de l’Exode : le jour c’est la nuée qui conduit le peuple ; la nuée c’est-à-dire l’ombre portée de son intrusion dans nos relations, nos principes, nos habitudes. Cette ombre n’annonce pas forcément un orage, mais signale son passage. Et la nuit, c’est le feu qui conduit le peuple. Alors si dans vos insomnies, vos rêves fous ou vos cauchemars, le feu surgit, levez-vous, agenouillez vous, peut-être vous verrez le bras de Jésus sur les épaules de Jean, comme s’est sculpté sur le portail nord de notre cathédrale. Profitez-en.
 
Car il n’y a pas que des déprimes dans nos vies, il y a parfois des fulgurances, de jour comme de nuit, comme me disait l’une d’entre nous il y a quelques jours, des surprises venue du ciel, la lumière d’en-haut. Si vous vous en méfiez ou en avez peur, laissez-vous faire, une fois. C’est pas une affaire de sentiment de nous vers Lui, c’est son amour pour nous qui fait le déplacement. C’est sa chair qu’il donne pour la vie du monde.

Jean-Pierre Duplantier

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