Un coeur vivant /Marc 10 2-16 / Une homélie

Aujourd’hui les textes que nous propose l’Eglise risquent fort de susciter de l’incompréhension.
Comment recevons nous aujourd’hui la Parole tranchante de Jésus dans l’Evangile.
Comment conjuguer l’attention et la compassion requises dans les situations pastorales et sociales, humaines de notre temps et la force de la Parole de Dieu.
On pourrait se contenter de voir dans le dialogue entre Jésus et les pharisiens  une confrontation de juristes et lorsque nous lisons que les pharisiens l’interrogent pour mettre Jésus à l’épreuve nous pensons de suite que c’est pour le piéger. Ne sont ils pas simplement enfermés dans la Loi et soucieux de s’y conformer à la lettre ?
Nous voyons que Jésus ne leur réponds pas sur le plan de la Loi, mais il parle des cœurs endurcis ; le texte original parle de la « sclérose des cœurs », d’une absence de vie et une impossibilité d’accueillir une parole, de l’entendre, c’est à dire de se prêter à l’œuvre de vérité qu’elle peut accomplir dans une vie. Jésus pose ainsi la question des effets de la Loi sur le cœur ; va t’elle ouvrir,  écorner la suffisance d’un homme ou simplement renforcer son orgueil et sa violence par le jeu du permis et du défendu ?
Est ce que l’Eglise ne nous invite pas à faire preuve de courage  pour aller chercher dans le projet de Dieu nos règles de vie.
Or ce projet de Dieu Jésus le fait sien en  reprenant à son compte le récit de la Création. 
« Au commencement de la création il les fit homme et femme. » Cette phrase dit beaucoup plus que le début d’une histoire, elle dit que depuis l’origine l’humanité est « mâle et femelle » (vrai terme biblique et c’est important de le préciser) et que c’est comme cela qu’elle est dans le projet de Dieu et que c’est comme cela qu’elle est à son image. Oui, Dieu et masculin et féminin.
Lorsque des fiancés prennent ce texte pour leur mariage et qu’ils l’approfondissent ils découvrent que ni les femmes toutes seules, ni les hommes tout seuls ne font l’humanité mais que ce qui les conduit l’un vers l’autre c’est cette recherche de l’unité en Dieu. Que leur alliance est le signe de Dieu qui est masculin et féminin. L’humain séparé en masculin et féminin, en mâle et femelle, tend vers une promesse d’unité, vers une seule chair. C’est la chair du Seigneur.  L’acte créateur induit  le mouvement qui porte l’un vers l’autre, hors de ses bases. Faire une seule chair ce ne se réduit pas à l’union des corps que nous appelant la  sexualité, qui est elle aussi un don du Créateur.
Contrairement à ce que nous disons couramment, par le sacrement de mariage  on ne célèbre pas d’abord l’amour humain, qui peut prendre tant de formes diverses, mais nous célébrons  l’alliance…
En effet la tradition des apôtres comme celle des pères de l’Eglise, ne réduit pas à la seule unité conjugale cette parole biblique : « Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas. » Saint Paul la commente ainsi lui-même : « Ce mystère est grand, je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Eglise. » C’est pour cette raison que le mariage chrétien est un sacrement, un signe réel de l’alliance. L’alliance de Dieu avec l’humanité, l’alliance du Christ (masculin) avec l’Eglise (féminin). Quand un homme et une femme sont liés dans ce sacrement sous l’unique joug du Seigneur (conjugal) quelque chose d’autre est né. Cela repose sur la marque du créateur dans chacun des deux corps. Ce lien est de Dieu. Il dépasse de beaucoup ce que l’on peut en dire ou en faire.
Mais cela ne signifie pas que le mariage chrétien serait le seul chemin vers l’unité en Dieu. Qu’en serait il des gens non mariés, qu’en serait il de ceux qui sont célibataires par choix ou par force. Cela ne signifie pas non plus que tout chemin  humain différent du nôtre, lorsqu’il est vécu et mené en vérité, ne puisse trouver grâce devant le Seigneur.

Une chose m’a frappé dans le texte liturgique. C’est que s’agissant de l’adultère on nous propose l’expression «il est coupable d’adultère». Or le mot «coupable» n’est pas dans la traduction de la Bible. C’est dire la façon moralisante dont on lit spontanément ces versets ! Nous y cherchons une condamnation.
Or Jésus dit simplement : il y a adultère car la situation contredit la fidélité sans retour de Dieu à l’égard des hommes. Et finalement il ne porte pas un jugement. Il continue plutôt à parler de la vérité du lien entre les corps de chair quand il est fondé sur Parole. Jésus sait bien que nos histoires humaines peuvent être chaotiques, et que dans toute situation c’est dans nos limites et nos faiblesses que nous pouvons découvrir avec émerveillement l’amour absolument infini et fidèle de Dieu.
Nous ne pouvons pas exiger de tous nos frères humains de partager notre foi et nos convictions. Et particulièrement sur cette question de l’amour, Car notre cœur serait sclérosé et nous serions sourds à la parole de la lettre aux hébreux : «Car Jésus qui sanctifie, et les hommes qui sont sanctifiés ( par sa mort et sa résurrection) sont de la même race, et pour cette raison il n’a pas honte de les appeler  ses frères »  A l’exemple de Jésus, St Paul, que l’on dit si rigide ne fait pas de distinction entre les frères.

Mais notre situation de disciple du Christ nous donne de ne pas dénaturer le projet de Dieu sur l’humanité. C’est notre mission ; elle est exigeante. Elle demande de la persévérance et aussi une compassion fraternelle au nom de Jésus.
Nourris de sa Parole et de son corps et de son sang nous demanderons « un cœur vivant ».

Robert Zimmermann
diacre
Gradignan les 6 et 7 octobre 2012
27e dimanche TO B
(Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2, 9 -11 ; Mc 10, 2 – 16)

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