Trinité / Jn 16 12-15 / Une homélie


Nous sommes en plein dans la période de préparation aux mariages.
Lors de la dernière rencontre avec un couple, au moment de se quitter, la fiancée, d’une quarantaine d’années, me demande un peu gênée si elle peut me poser une dernière question : comment fait-on le signe de croix ?
Cette question m’a beaucoup impressionnée. D’abord parce qu’après tout ce temps de travail commun, il fallait une grande humilité pour oser soulever ce problème que je n’avais même pas imaginé. Et puis je me suis demandé si, au fond, ce n’était pas la meilleure question qu’elle pouvait me poser, la meilleure préparation au sacrement :
Au nom du père, et du fils, et du saint-esprit.
Tout est là.
Tout est inscrit, là.
Notre foi toute entière, notre espérance, notre vie.
Nous nous tenons là, entre ces quelques mots incompréhensibles : Au nom du père, et du fils, et du saint esprit.

Quel est le sens de cette phrase ? Il lui manque un début. On ne peut pas commencer une phrase comme ça…. Quoi au nom du père, et du fils, et du saint esprit ? Ou alors il y aurait quelque chose après ? Au nom du père, et du fils, et du saint esprit… quoi ? Rien.
Au nom du père, et du fils, et du saint esprit. Et c’est tout.
Comme si ça suffisait, comme si tout était dit.
Et oui, ça suffit… et tout est dit.
La preuve c’est que nous répondons « Amen ». Vous vous souvenez ce que veut dire « Amen » ? Amen, c’est oui, mais c’est un oui qui a du poids, c’est « oui c’est vrai, c’est solide, oui je confirme »

Le père, le fils, et le saint esprit.
Le mystère de la Trinité. Cette histoire de Trinité à laquelle personne ne comprend rien, sur laquelle tout le monde se casse les dents : trois en un, distincts mais unis, unis mais pas confondus… sans écarts mais à distance, identiques mais différents, contemporains mais procédant les uns des autres…
Un Père qui crée sans engendrer, un fils engendré non pas créé, un Fils contemporain du Père, un esprit ― un souffle ― qui passe de l’un à l’autre tout en étant de l’un et de l’autre, un père qui est « paternité » avant d’être père, un fils qui est « filiation » avant d’être fils…
Pour parler d’eux, de lui, aucun verbe n’est approprié, aucune conjugaison n’est juste, puisqu’il échappe au temps et à l’espace…
 
Alors oui : Au nom du père, et du fils, et du saint esprit. Amen
Et en disant ça, on a tout dit. Plus besoin de verbe, plus besoin de conjugaison, il suffit de le nommer, de dire qu’ils ont un nom, un unique nom… un nom que nul ne peut nommer, car ce nom est un lieu. Au nom de… Dans le nom du père, et du fils, et du saint esprit.
A chaque fois que nous disons cette phrase qui est à peine une phrase, à chaque fois que nous l’entendons dire, nous posons nos deux pieds dans le vertige de la Trinité. Nous prenons place dans l’essence même de notre Dieu.
Plus besoin de chercher ailleurs. Plus besoin de grands discours. Lisez 2000 ans de théologie, étudiez tous les catéchismes, scrutez toutes les traditions, vous finirez là… au plus sec, au plus nu : Dans le nom du père, et du fils, et du saint esprit.

Vous vous préparez au baptême ?
        Entrez là et vous êtes arrivés.
Vous vous préparez à recevoir l’eucharistie ?
        Discernez ça et vous serez nourris.
Vous vous préparez à la confirmation ?
        Laissez-vous saisir par ça et vous serez témoins.
Vous vous préparez au mariage ?
        Entendez ça et vous deviendrez une seule chair.
Vous êtes pécheurs ?
        Accueillez ça et vous serez capables d’accueillir le pardon.
Vous êtes malades ?
        Soyez baignés de ça et vous serez soulagés.
Vous vous préparez à mourir ?
        Accrochez-vous à ça et vous passerez.
Et si l’on vous ordonne évêque, prêtre ou diacre, c’est là et seulement là que vous êtes ordonnés.

Inscrivons à nouveaux nos corps dans ce nom, il est inscrit partout, sur toute chose, sur tout ce qui vit, il nous rassemble et nous déborde. Par lui, nous entrons dans la sainte Trinité.
Au nom du père, et du fils, et du saint esprit,
╬ Amen
Sylvain diacre 

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