La vie publique de Jésus commence, dans l'évangile de Jean, par une des circonstances les plus joyeuses de la vie humaine. Les Noces de Cana... (Jn 2, 1-12) Dès le verset 5, je bute sur un problème. La présente traduction et beaucoup d'autres font dire à la mère de Jésus : « Tout ce qu'il vous dira, faites-le. » Eh bien, c'est une erreur, à la fois matérielle et spirituelle si je puis dire.
Une erreur matérielle d'abord : le mot « tout » ne figure ni dans le premier texte grec, ni dans la Vulgate latine, ni dans d'autres traductions (anglaises, allemandes, etc.). Il disparaît aussi dans certaines traductions françaises plus récentes... J'ose dire que ce « tout » est une erreur. Ici, je n'interprète pas, je constate.
Le texte original comporte en revanche un petit mot, une particule ‘an’ qu'on traduit rarement, mais qui donne à la phrase la couleur de l'éventualité : « le cas échéant » ... On peut entendre, me semble-t-il : « Ce qu'éventuellement il vous dira » (O ti an lege) : “Ce qu'il pourrait vous dire”...
Une erreur matérielle d'abord : le mot « tout » ne figure ni dans le premier texte grec, ni dans la Vulgate latine, ni dans d'autres traductions (anglaises, allemandes, etc.). Il disparaît aussi dans certaines traductions françaises plus récentes... J'ose dire que ce « tout » est une erreur. Ici, je n'interprète pas, je constate.
Le texte original comporte en revanche un petit mot, une particule ‘an’ qu'on traduit rarement, mais qui donne à la phrase la couleur de l'éventualité : « le cas échéant » ... On peut entendre, me semble-t-il : « Ce qu'éventuellement il vous dira » (O ti an lege) : “Ce qu'il pourrait vous dire”...
Fine charnière du texte, le mot employé « quoi que », ou « tout » est à mon sens une erreur spirituelle - et là, j'interprète. Il me semble que l'obéissance « totale » n'est pas du goût de Marie, ne correspond pas à ce que par ailleurs il est dit d'elle. Même l'archange Gabriel s'y est frotté : il lui a d'abord proposé de concevoir elle seule un fils de Dieu : « Voici : tu concevras dans ton sein et tu enfanteras un fils, et tu appelleras son nom : Jésus. [...] il sera appelé fils du Très-Haut [...] Il règnera sur la maison de Jacob pour l'éternité. (Lc 1, 31-33) » Or, elle ne dit pas son fameux « fiat » à ce moment-là, elle ne succombe pas à cette tentation de toute-puissance. Elle lui oppose au contraire (littéralement) : « Comment cela sera-t-il, puisqu'un homme je ne connais pas ? » Elle veut de l'autre. Alors, l'ange change de discours. Apparaît bien un autre, annoncé ainsi : « Un esprit saint viendra... » Elle ne concevra pas toute seule. Marie n'a donc pas commencé par dire oui. Elle interroge et oppose l'impossible.
Revenons à ce mot apparemment anodin ajouté par les traducteurs : « tout ». Pourquoi Marie demanderait-elle aux serveurs une obéissance totale qu'elle-même n'a pas pratiquée, même envers un messager divin ?
Le lecteur pourrait m'objecter : est-ce que vous n'exagérez pas l'importance de ce petit mot : « tout » ? est-ce si grave ? Je vais citer un passage d'un théologien (Joël MOLINARO) qui s'est penché sur les abus sexuels dans l'Église : « Souvent la figure de la Vierge Marie est utilisée. Elle incarne, chez les abuseurs, l'obéissance servile à la volonté de Dieu, elle est celle qui dit toujours oui. Les prédateurs la transforment en une figure réclamant la soumission ("Tout ce qu'il vous dira, faites-le"), ce qui est très différent de l'obéissance librement consentie.... « Ce qu'il vous dira, éventuellement, faîtes. »
Marie BALMARY
Ce lieu en nous que nous ne connaissons pas.
Albin Michel 2024
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