Un nouveau-né emmailloté, couché dans une mangeoire / Luc 2-12


 Dans ce récit de Nativité dans l’évangile selon saint Luc, cette expression est répétée trois fois. Que nous révèle-t-elle ? C’est d’abord l’action de Marie, (v 7) puis l’annonce de l’ange aux bergers (v 12) puis ce que voient les bergers venus voir ce signe annoncé (v 16). En quoi ce signe donne à comprendre quelque chose de nouveau annonçant un sauveur ?

    ‘Un nouveau-né’, un tout petit bébé de quelques heures. Il n’a pas de nom. Il est seulement emmailloté. S’il est ainsi emmailloté c’est qu’il a été accueilli, apaisé, lavé, nourri, après ce moment inaugural de l’accouchement. Cette sortie des eaux maternelles qui fait entrer dans ce monde baigné de souffle.

    Le voici ‘emmailloté’, à la manière de l’époque, selon la tradition et la manière du pays qui l’accueille. Tradition que Marie a reçue de sa propre mère et cela de-puis des générations. Ce bébé est né dans une histoire et un pays très particulier. Petit pays au centre de fractures tectoniques et au carrefour de nations diverses : au sud, le désert, porte vers le continent africain, à l’Est les pays de l’Asie, au Nord les routes vers l’Europe et à l’ouest, la mer Méditerranée. Mais ce pays aussi est le lieu où cohabitent et s’affrontent des peuples aux multiples dieux et idoles et le peuple qui l’accueille, lui qui prie un dieu unique, « El », créateur de l’univers, le Dieu d’Abraham, Isaac et de Jacob.

‘Nouveau-né’, tu n’as pas encore de nom. C’est au huitième jour, le jour de ta circoncision que tu recevras ce nom annoncé par un ange à Joseph dans un rêve (Mt 1,21) et à Marie (Lc 1,31). Ce nom Jésus : ‘Dieu sauve’. Ce nom qui manifeste la présence de Dieu en toi, un Dieu qui agit pour sauver. Travail de guérison, de libération que tu auras à cœur de mettre à l’œuvre par tes paroles et par des mains, travail de pardon, de rédemption : chemin de résurrections.
    Nouveau-né, te voilà emmailloté, revêtu de tendresse et de culture, entrée dans l’histoire et dans le temps.
‘Couché dans une mangeoire’. Tu n’es pas donné à voir dans les bras de ta mère, mais à distance, couché. Marie ou Joseph ne te retiennent pas. Bien sûr, ils prennent soin de toi mais ne te gardent pas pour eux : ils te donnent au monde. Ils ont intégré ce qui a été révélé à Abraham sur la montagne lors du sacrifice d’Isaac. (Gn 22, 1-19)
 ‘Couché’ : Vivant et déjà dans cette position de ceux qui sont morts. Dans les icônes et les tableaux qui représentent ce moment, tu es emmailloté à la façon dont les morts le sont : entourés de bandelettes, comme les momies. Ce que l’Évangile veut nous faire entendre n’est pas seulement un évènement original d’un couple en voyage aux prises avec les vicissitudes de l’actualité mais une bonne nouvelle, celle du salut que ta naissance inaugure : mort et vie qui s’entremêlent, qui se disent dans un même élan. Couché pour un relèvement, endormi pour un réveil, mort pour la résurrection.
‘Dans une mangeoire’ : cela peut paraître étrange même si l’explication qui suit nous fait entendre le lieu où tes parents se trouvent. Un lieu pour les animaux de ferme. Une mangeoire fait ton berceau. Et c’est ainsi que nous te voyons dans les crèches de nos maisons et de nos églises, entouré d’un bœuf et d’un âne et de quelques moutons des bergers venus te voir. L’évangile ne parlent pas d’eux mais nous les imaginons volontiers comme le prophète Isaïe, figures du peuple d’Israël et des païens (Is 1,3). Car il s’agit bien ici de nourriture. Te voilà couché dans un lieu où l’on mange comme si c’était toi-même, déjà, la nourriture (Jn 6,55).
‘Couché dans une mangeoire’, te voilà décrit dans le sommeil de la mort et comme nourriture pour ton peuple et pour la multitude.
‘Un nouveau-né, emmailloté, couché dans une mangeoire’, en quelques mots, toute une théologie se déploie : c’est le signe donné à voir aux bergers, humbles représentant de ce peuple sans terre, peuple de veilleurs dans la nuit, peuple de marcheurs au rythme des troupeaux, des agneaux et des brebis qui allaitent, au rythme des enfants, des plus fragiles comme Jacob (Gn 33, 13-14). Jacob qui reçut de l’ange de Dieu ce nouveau nom ‘Israël’ et qui désormais boitera, blessé à la hanche.
Contemplons dans la prière ce moment de Noël d’un ‘nouveau-né, emmailloté, couché dans une mangeoire’. Il nous parle de naissance, de parentalité, de vie et de mort, de souffrance et de joie, de foi et d’espérance, de salut et de rédemption, d’eucharistie et d’humble chemin en présence de Dieu (Mi 6,8).

Vincent GARROS
Noël 2024

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire