La porte / Jn 10 1-10 / une homélie

Vous vous souvenez probablement que pendant la semaine sainte, la porte de cette église était décorée de rameaux, puis de fleurs (cf photo ci-dessus). Ceux qui étaient là le dimanche des rameaux l’ont vue s’ouvrir devant eux après la bénédiction sur la place.
Certains se sont posé la question : pourquoi porter une attention particulière à la porte ? Quel sens ça avait de la décorer ? De la mettre ainsi à l’honneur….
L’évangile d’aujourd’hui peut nous donner une piste pour répondre à ces questions.

On nous dit, c’est « le dimanche du bon pasteur », mais bizarrement la liturgie coupe le texte et passe sous silence toute la partie où Jésus se désigne comme le pasteur des brebis. Aujourd’hui, il y a bien un berger dans le texte, mais Jésus ne dit pas que c’est lui. Par contre le voilà qui affirme deux fois de suite : « Je suis la porte » ! On aurait dû appeler ce dimanche, le dimanche de la bonne porte.

L’affaire est délicate et il n’y a pas que les pharisiens qui soient perdus.
Il y a un espace qui s’appelle l’enclos des brebis, il y a des gens qui pénètrent cet enclos, en escaladant, il y a une porte aussi, et un portier qui ouvre au berger. Il y a des brebis enfin qui sortent, qui entrent, qui ont surtout l’oreille fine puisqu’elles marchent à la voix. Et dans tout ça, Jésus ne se pose pas comme le berger (il le fera plus tard) mais d’abord comme la porte.
Et une porte étrange puisque c’est la porte des brebis… pas la porte de l’enclos.

Nous ne sommes pas des brebis. Jésus ne nous prend pas pour des brebis. Il n’attend pas que nous ressemblions à des brebis.
Imaginons que ce qu’il nous décrive ce soit notre petit monde intérieur, notre paysage intérieur. Il y aurait, en chacun de nous, un lieu précieux, un lieu clos, bien protégé, dans lequel attendrait bien sagement ce qui appartient au Seigneur.
La part qu’il s’est choisie, la part qui le connaît depuis toujours, qui a les oreilles pour entendre et reconnaître sa voix.
Depuis notre naissance − probablement depuis avant notre naissance − il y a en nous quelque-chose qui est sensible à la voix du Seigneur, quelque chose de fragile, de doux et de docile qu’il aime particulièrement… imaginons que ce quelque chose en nous, il appelle ça : brebis.

Alors à nous de chercher si par hasard on ne verrait pas qui sont ces voleurs qui tentent de venir disperser ou faire périr les brebis ? n’y aurait-il pas en chacun de nous des forces de mort qui aimeraient bien voler au Seigneur ce qui lui appartient ? On pourrait appeler ça orgueil, envie, tristesse…

Mais revenons à la porte.
« Je suis la porte des brebis »
Cette part de lui en nous n’est pas destinée à rester enfermée. Il y a une porte. Et c’est une porte qui s’ouvre dans les deux sens : on entre et on sort ! Les brebis elles suivent la voix du berger, mais elles sont libres aussi d’aller et venir, d’entrer et de sortir. Ce qui compte, c’est de passer la porte, et la porte, c’est Jésus lui-même.

La porte n’est jamais la destination finale, la porte est toujours un passage entre deux espaces, elle est passage mais elle est aussi limite et on sait bien qu’on ne peut jamais demeurer dans la porte. Vous le vivez à chaque messe en arrivant ici : ceux qui restent dans la porte bloquent tout et empêchent tout mouvement !
Jésus est ce qui, en chacun de nous permet le mouvement, permet que nos vies intérieures ne soient pas closes, ne soient pas bloquées, que l’on puisse entrer et sortir, que l’appel de sa voix puisse non seulement être entendu mais qu’il puisse surtout se traduire en mouvement.

Et comme je parle d’appel, je voudrais finir sur la question de la vocation… puisque l’Église a fait de ce dimanche du bon pasteur le dimanche de prière pour les vocations.
Je l’ai dit : il y a en nous une part fragile, douce et docile dont les oreilles sont capables depuis toujours d’entendre et de reconnaître la voix du Seigneur.
La vocation, ce n’est rien d’autre que de lâcher les brebis, que de les laisser aller, que de les laisser répondre à cette voix. Ce n’est rien de spectaculaire, rien de mystique, ceux qui répondent ne sont pas des héros, ils ne sacrifient rien.
Il faut absolument arrêter de croire et de répéter que les prêtres donnent leur vie ! c’est faux ! Les prêtres, les diacres et les évêques ne donnent pas leur vie ! Il se la laisse ravir !! ils sont ravis de se la laisser ravir ! et ils reçoivent bien plus qu’ils ne croient perdre ! Seul Jésus donne sa vie ! (c’est la suite du texte)
Un ministre ordonné ou un séminariste qui vous dirait qu’il donne sa vie est bien malheureux… parce que le Seigneur ne la lui demande pas. Le Seigneur lui demande seulement de se laisser aimer par lui…

La voix du berger sonne aux oreilles de chacune de nos brebis intérieures.
Si elle sort de l’enclos, elle répond à sa vocation. Si elle passe par la porte, elle est sauvée. Ne prions pas pour que des jeunes hommes entendent des voix qui leur demandent d’entrer au séminaire. Prions pour que chacun, homme ou femme, jeune ou vieux, reste attentif à la voix. A la voix de celui qui le connaît, de celui qui a donné sa vie par amour pour lui, de celui qui saura vers quel pâturage il veut le conduire. Et ça passera peut-être par un séminaire...

Il était bon de décorer la porte. Pour qu’à chaque fois que nous passons dessous, pour entrer mais aussi pour sortir, nous nous souvenions d’ouvrir nos oreilles à la voix, la voix qui dit :
« Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait surabondante »

╬ Amen alléluia !
Sylvain diacre

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