Jérusalem, c'est nous / Epiphanie du Seigneur / Une homélie

Aujourd’hui, je vous propose un voyage.
C’est saint Bernard qui m’a donné l’idée.

Pour Bernard, quand Jésus vient dans la chair, c’est en notre chair qu’il vient.
Nous sommes le lieu de l’accomplissement de la Parole. Noël n’est pas l’anniversaire d’un évènement passé, c’est la célébration en nous de la naissance du Sauveur.
Les lieux de l’écriture, c’est nous : quand Jésus naît à Bethléem, c’est en nous qu’il vient naître… Bethléem, c’est nous*.
En fait, l’idée de saint Bernard n’est pas nouvelle, c’est exactement ce que nous vivons à chaque eucharistie.

Alors, aujourd’hui, je vous propose de voyager dans l’évangile de l’épiphanie en suivant l’intuition de Bernard :
Jérusalem, c’est nous.
C’est chacun de nous… et comme c’est une ville, c’est probablement aussi nous tous ensemble.
La Jérusalem qui doit quitter sa robe de tristesse, ce n’est pas la ville du moyen-orient, la Jérusalem qui était dans la nuit et sur qui se lève la clarté du Seigneur, c’est nous !

Jésus surgit en nous.
Il se fait tout petit, en nous.
Quelque part dans les dédales de nos ruelles intérieures.
Car il y a de tout dans notre Jérusalem intérieure, c’est encombré de plein de choses, de plein de monde… parfois, ça ressemble d’avantage à Capharnaüm.

Dans la nuit de notre Jérusalem, pointe une lumière. Avec cet enfant, apparaît une étoile.
C’est en chacun de nous que cette petite lumière cherche à trouver sa place.
Et voilà que nous sommes visités par des voix étrangères. Des voix que l’on attendait pas. Des voix venues d’on ne sait où, de très loin, des voix familières des mystères du ciel.
Ces voix viennent pour adorer l’enfant, pour se prosterner devant cette lumière naissante.

Le problème, c’est que dans notre Jérusalem intérieure, quelqu’un règne.
Il y a déjà un roi… appelons-le Hérode, mais il se pourrait qu’il porte nos propres noms.
Je me suis beaucoup interrogé sur ce personnage d’Hérode.
De quoi Hérode est-il la figure en moi ?
Qu’est-ce qui, en moi, tient la place d’Hérode ? fonctionne comme Hérode ?

Nous hébergeons en nous un roi, une puissance qui règne, à laquelle nous nous soumettons sans trop de résistance.
C’est peut-être cette voix intérieure qui passe son temps à nous assurer que tout en nous est « sous contrôle », que notre vie nous appartient, que c’est nous qui menons la barque !
Et même si c’est le grand bazar dans nos vies, nous continuons à faire confiance à notre petit Hérode intérieur. Ce petit tyran intérieur qui nous ressemble et qui nous rassure.

Et voilà que ces voix venues de loin, ces voix venues d’ailleurs, ces voix qui viennent nous parler d’une lumière dans nos vies, viennent annoncer un autre roi !
Imaginez la panique qui règne alors dans notre Jérusalem intérieure !
Voilà que notre petit Hérode qui se croyait seul à la barre, apprend que nous avons un autre roi… un roi qui est un nouveau-né et qui est plus puissant que lui !

Regardons bien comment fonctionne ce petit Hérode qui habite en nous : connaît-il les Ecritures ? Non. Mais il connaît des gens qui les connaissent.
Alors il les fait lire à sa place.
Et que disent les écritures ? Elles confirment : oui, un Seigneur vient qui n’est pas Hérode.
Alors Hérode assure qu’il ira se prosterner devant lui… plus tard… mais il n’y va pas.
Parce-qu’il a peur.
Parce-qu’il est terrifié par ce roi qui vient
Et bientôt, il mettra tout en œuvre, y compris le pire, pour éliminer cet enfant qui vient régner en nous.

Oui, il y a en nous une force qui refuse la venue du Fils.
Il y a en nous quelque chose qui se fait passer pour puissant et qui résiste de toutes ses forces à la lumière.
Il y a en nous un petit roi qui refuse de lire les Ecritures ! Qui ne veut pas se pencher sur l’évangile, de peur d’y perdre son trône !
Parce que c’est bien l’œuvre de la lecture (c’est aussi celle des sacrements) : nous faire découvrir un règne nouveau, un Royaume dans lequel nous ne sommes pas rois,
dans lequel le sens ne règne pas, face auquel le savoir ne sert de rien.
Ceux qui ont l’expérience de la lecture en groupe savent de quoi je parle : ce moment où, dans le trouble de la lecture, ce que l’on croyait stable, solide, installé, « régnant », se met à vaciller, à s’effriter, pour laisser la place, parfois (pas toujours) à la fragilité d’une étincelle.

Chers amis, vous finirez ce voyage chez vous, sans moi.
Vous chercherez en vous, au plus profond de vous, ce que peuvent bien être l’or l’encens et la myrrhe…. ces dons ne sont pas pour d’autres que pour vous.
Chacun reçoit ces dons pour le petit enfant qui s’est blotti en lui, au profond de sa chair, le soir de Noël.
Chacun porte en lui cette étoile, non pas pour décorer le sapin, mais pour éclairer ses ténèbres intérieures.
Chacun doit découvrir et accepter qu’il abrite un petit Hérode caché en lui. Cette force cruelle et bête dont le Christ vient nous libérer.
Ne laissons pas Hérode régner en nous, ou du moins n’en soyons pas esclaves.
Contrairement à lui, lisons ! Le temps se fait court, nos vies sont comme un souffle.
Les chrétiens complotistes (puisqu’il paraît qu’il y en a de plus en plus), ne sont pas du Christ, puisque le Christ est Vérité, ils sont d’Hérode ! Ils alimentent la ténèbre.

Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Nous ne sommes pas spectateurs… tout ça se joue dans nos chairs,
pas seulement le dimanche à la messe, mais à chaque instant, en Vérité,
pas seulement pour notre Salut, mais pour le Salut du monde.

Amen !
Sylvain, diacre
*Par exemple, dans le premier sermon de la vigile de Noël p.207 in Sources Chrétiennes n°480

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