Les béatitudes / homélie de la Toussaint 2019

"Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait" encore une lapalissade semble-t'il. Comment enseigner sans ouvrir la bouche ?
Mais des lapalissades, il n'y en a point dans les Évangiles. Comme le dit le père Alain Dagron, c'est dans les petits mots, les évidences que se cache souvent le souffle du texte.
Ce matin, pour ce jour de la Toussaint, je propose de chercher pourquoi Jésus ouvre la bouche pour enseigner.
"Voyant les foules, Jésus gravit la montagne" Jésus voit dans les foules. Jésus plonge son regard dans le regard de ceux qui composent les foules et soudainement, sans que cela semble préparé, Jésus décide de donner un enseignement à ses disciples.
Il s'assied et il livre à ses disciples ce qu'il a vu dans les foules. Et pour cela il ouvre la bouche. Il dit à ses disciples, il nous dit à nous ses disciples ce qu'il voit dans les foules car il ne voit pas des foules informes et anonymes.
Dans les foules, il voit des pauvres de cœur, des gens qui pleurent, des doux, des combattants pour la justice, des gens prompts à pardonner, des pacifistes et des persécutés.
Voilà ce que Jésus voit quand il plonge son regard dans celui de ceux qu'il croise. Il voit des états qui révèlent toute la diversité des êtres humains et surtout toutes leurs faiblesses. Et de ces faiblesses, il en fait une richesse, il en fait une force.
Car ce n'est pas rien d'avoir le royaume des cieux à soi, d'être consolé, d'être pardonné ou d'obtenir la justice.
Et tout cela, le Christ l'enseigne à ses disciples, il nous l'enseigne à nous ses disciples. Avons-nous cette aptitude quand nous croisons les foules ? Reconnaissons-nous dans ceux que nous croisons l'état et la faiblesse qui deviennent une force ?
Et surtout, dans toutes ces situations, Jésus voit de quoi se réjouir. Heureux ne cesse-t'il de proclamer. Heureux, non pas d'être pauvre de cœur mais à cause de cela d'avoir le royaume des cieux comme ceux qui ont été persécutés. Heureux non pas de pleurer mais parce que c'est la consolation qui vient. Heureux d'être rassasié de justice.
Heureux parce que dans chaque rencontre, Jésus y perçoit le souffle de Dieu. Voilà une des raisons pour laquelle l'évangéliste signale que Jésus ouvre la bouche pour enseigner.
Quand Jésus enseigne, l'Esprit saint enveloppe ses interlocuteurs de son souffle pour les saisir.
Et nous même ce matin sommes saisis, par ce souffle toujours présent dans ce texte. Ce souffle nous enveloppe.
C'est un peu comme une pentecôte en présence du Fils qui se produit sur la montagne. Nous ne savons pas comment les disciples reçoivent cet enseignement sur l'instant. En revanche, nous pouvons l'imaginer en mesurant l'impact de ce texte sur nous. Nous ne pouvons pas rester indifférents à ce texte des béatitudes. Il nous touche mystérieusement.
Lorsque Jésus ouvre la bouche pour livrer son enseignement c'est un peu le miracle de la genèse qui se reproduit comme quand Dieu souffle dans les narines d'Adam pour le réveiller.
Ainsi sur la montagne, Jésus souffle dans les narines de ses disciples quand il ouvre la bouche. Il réveille cette part d'humanité qui est cachée dans la chair des disciples et qui est marquée de l'image de Dieu. Cette marque fait de chacun un être humain aimé de Dieu.
Et c'est un peu ce que nous pouvons ressentir. Si ce texte des béatitudes nous prend dans son souffle, c'est parce que nous sommes baptisés et que ce souffle a déjà pénétré notre corps.
Si Jésus ouvre la bouche pour enseigner c'est que son enseignement n'est pas de nous donner une ligne de conduite. Ce n'est pas de nous apprendre à respecter des valeurs. Ce n'est pas pour nous apprendre à compter ou à hiérarchiser.
L'enseignement de Jésus c'est de toucher nos corps et de réveiller dans notre chair une nouvelle humanité qui s’épanouit dans la rencontre. Une rencontre avec l'Esprit Saint qui nous appelle à poser un regard juste sur celui que je croise, un regard qui suscite de la joie.
Ainsi, l'enseignement de Jésus n'est pas intellectuel mais charnel. Il nous enveloppe de son souffle.
Les béatitudes révèlent en nous la présence de Dieu qui fait de nous des saints. C'est ce qui me permet de souhaiter une bonne et heureuse fête à nous tous.
"Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père
pour que nous soyons appelés enfant de Dieu – Et nous le sommes. "
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.

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