Luc 11 1-13 / Quand vous priez, dites / Une homélie

Qui n'a pas dit ou entendu dire : « Moi, je ne prie plus parce que ça ne sert à rien. On peut toujours prier, Dieu est sourd et on n'obtient jamais ce que l'on demande ». Je ne parle pas de demandes anodines, je parle des prières qui engagent nos vies : je t'ai prié Seigneur, et pourtant celui que j'aimais n'a pas échappé aux souffrances de la maladie, je t'ai prié et pourtant cet enfant est parti, je t'ai prié et pourtant rien ne soulage ma douleur...
Alors quoi ? Le ciel serait vide ? Dieu serait sourd ? Indifférent à nos vies ? Et il faudrait croire à l'Evangile quand il nous dit « quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on ouvrira » ?!

(...)

Nous sommes là devant une question vertigineuse et nous ne pouvons l'aborder qu'en tremblant et parce que l'évangile nous y invite.
Voyez la fin du texte : « Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui le lui demande ».
Et si à toutes nos demandes, le Père ne pouvait donner qu'une seule chose ? Toujours la même : L'Esprit-Saint.
Le texte place l'Esprit comme le don parfait. Le seul qui comble la faim de ses enfants... Toutes leurs faims.
Le Père répond à toutes nos prières.
Pas une ne se perd dans le silence.
A toutes nos prières, Dieu donne tout ce qu'il peut donner, absolument tout, c'est à dire lui-même.
Dieu n'est qu'amour, il ne peut que donner son amour.
Et il le donne à qui le lui demande sans pudeur. Il le donne sans mesure...
Le voilà le troisième pain ! C'est celui de la surabondance, celui qui dépasse la demande, celui pour la joie de la fête.

Peut-être que pour découvrir que Dieu a répondu à toutes nos prières, il faut changer notre regard. « Vous étiez des morts et Dieu vous a donné la vie » !
Si nous sommes déjà passés de la mort à la vie et que nous l'ignorons,
nos prières, sans que nous le sachions, ont peut-être gagné la Vie de celui que nous avons vu mourir.
Nos prières ont peut-être obtenu la réconciliation de ceux que nous avons vu s'éloigner,
nos douleurs ont peut-être reçu toutes consolations ??
mais nous l'ignorons.

Ne cessons pas de demander, prions sans cesse et sans fatigue, prions avec impudence, avec maladresse, demandons le plus gros, le plus grand, l'impossible, prions en fils et en disciples.
« quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on ouvrira » !

Amen
Sylvain, diacre

Luc 10 38-42 / La bonne part / Une homélie


Dans la lettre de Paul aux Colossiens une phrase est particulièrement troublante.

« Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous. Car ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l'accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l'Eglise »

A la suite de St Paul , faudrait-il donc se réjouir de souffrir pour ajouter notre petite participation à, l'oeuvre incomplète du Christ? Est-ce qu'il nous faut rechercher ou consentir la souffrance pour gagner le paradis comme nous avons parfois pu l'entendre ? Évidemment ce genre de proposition n'est pas acceptable.
Et lorsque Paul écrit au colossien il est en prison à cause de son propre témoignage comme disciple. Paul ici revendique d'être ministre, c'ad d'avoir reçu une mission de l’Église. Tout simplement à son tour il accomplit sa mission personnelle de témoignage, d'éveilleur et d'éducateur de la foi au Christ. Il s'engage de tout son être, il y consacre sa vie. C'est ce qu'il appelle achever dans sa chair. Cette mission , comme la mission de tout disciple, comporte des souffrances , et il est heureux d'être capable par la force de l'Esprit, reçu sur le chemin de Damas, de pouvoir participer au nom du Christ à son oeuvre , c'est là sa joie.
Paul après avoir été visité par le Seigneur est devenu un combattant de la foi, et il nous rappelle que nous avons un devoir d'agir au nom de notre foi.  Au nom de notre baptême nous sommes invités à être serviteur du projet de Dieu qui nous visite chaque jour.
Et aujourd’hui il nous visite sacramentellement dans cette eucharistie où nous l'accueillons par grâce.
Les autres textes de cette liturgie nous nous rejoignent en évoquant la joie de recevoir, et la joie de servir. Deux visitations nous sont racontées
La première est celle que Dieu fait à Abraham et Sarah son épouse stérile et dans l'évangile la visite de Jésus à Marthe et Marie.
Chaque fois cette visite donne lieu à un repas. Comment ne pas penser justement au repas eucharistique.
Il y a dans les deux situations des similitudes frappantes.
D'abord le service :
A l'heure la plus chaude de la journée, l'heure de la sieste, Abraham s'active, cherche de l'eau pour les ablutions des visiteurs ; et Sarah prépare un plantureux repas, qui lui donne bien du souci.
Marthe est accaparée par les multiples occupations du service. S'agissant de son activité elle utilise je terme de "diaconie" C'est sa façon de concevoir le service du Seigneur. Et elle le fait bien !

Et il y un autre versant
Pendant que les visiteurs d'Abraham mangeaient celui-ci se tenait auprès d'eux sous le chêne de Mambré.
Pendant que Marthe s'affaire Marie s'étant assise aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole.

Que pouvons-nous entendre dans les réactions de Jésus devant l'agacement de Marthe
Jésus ne demande pas à Marthe d'arrêter ce qu'elle fait. « Marthe, Marthe, tu te soucis pour bien des choses,une seule est nécessaire » Simplifie ta façon de servir, Marthe, et choisit aussi la bonne part. N'oublie pas la bonne part. Contrairement à ce que laisse supposer la traduction liturgique, Jésus n'établit pas de hiérarchie entre le service de Marthe et le choix de Marie.
Nous entendons aujourd'hui cet appel, nous qui sommes dans un monde enfiévré, une société où l'on s'agite beaucoup.
Et nous savons nous agiter, dans les multiples projets personnels, dans les projets ecclésiaux, jusque dans nos activités liturgiques. Ce ne sont pas bien sûr les activités ou les projets eux-mêmes qui sont en cause, mais notre façon de les mener.'
Merci Marthe : ta réaction d'humeur dévoile combien les excès de notre générosité active tourne parfois à l'oubli du don de Dieu et de son projet pour les hommes. Merci Marie : ton attention à la Parole attire la nôtre sur l'inestimable cadeau de la proximité sacramentelle avec Jésus.
Il est heureux que ces choses nous soit rappelées au moment où nous allons nous unir dans cette Eucharistie au sacrifice du Seigneur et où nous sommes invités à choisir la Bonne Part pour participer aujourd'hui à l'œuvre du Christ pour le monde en son corps qui est l'Eglise..

«  Dieu très bon, reste auprès de ton peuple, car sans toi notre vie tombe en ruine ; fais passer à une vie nouvelle ceux que tu as initiés aux sacrements de ton royaume » AMEN


Robert Zimmermann
Diacre

Suis-moi / Luc 9 51-62 / Une homélie

Suivre le Christ.
Il y a cinq hommes confrontés à cette question : trois qui ne sont pas encore en marche et deux, Jacques et Jean, déjà sur la route.
Chaque cas est différent et pour les trois premiers, on ne saura rien de ce qu'il adviendra de ces hommes, si ils se mettront en marche ou pas... aucune importance. Nous sommes ces trois hommes. Ils sont comme les échos d'une même histoire, et cette histoire c'est la notre.
On pourrait dire que Jésus pointe ce qui chez nous pourrait retarder ou empêcher que nous nous mettions à sa suite.
(...)


Il se pourrait que « mettre la main à la charrue » pour le royaume, ce soit travailler notre terre, en ouvrir la surface close pour que la semence puisse s'y glisser et faire son œuvre jusqu'au fruit à venir.
C'est inscrire, imprimer sa propre ligne sur la terre, permettre à la Parole de la pénétrer, l'aérer pour que quelque chose du ciel se mêle à cette terre, que le domaine des oiseaux rencontre celui des renards !
Pour creuser ce sillon, il faut voyager léger, laisser les morts être les morts, abandonner nos maisons de certitudes, et ne pas espérer le repos.
Pour creuser ce sillon, pas besoin de regarder en arrière pour vérifier s'il est droit... cela ne nous regarde pas, il sera comme il sera, peut-être sinueux, peut-être chaotique, certainement dérisoire... mais le semeur saura quoi en faire !

[ Conclusion pour le jubilé de Jean-Pierre Duplantier
Il y a 50 ans , un jeune homme recevait le sacrement de l'ordre et devenait prêtre.
Mais sa décision de suivre le Christ est bien plus ancienne ! On ne consent pas à recevoir ce ministère si l'on n'est pas déjà en marche à la suite du Christ, si l'on ne brûle pas déjà du désir de celui qui nous précède.
Ce jeune homme, je ne sais rien de lui, son histoire lui appartient.
Ce que je sais par contre c'est qu'il n'a pas refusé sa main à la charrue.
Comme pour tous ceux qui suivent le Christ, cette charrue, elle est sa joie et sa souffrance.
Pour ce jeune homme d'il y a 50 ans, pas question aujourd'hui de regarder en arrière pour mesurer le sillon et tirer le bilan ! Ce serait absurde !
Et puis imaginez un peu la longueur du sillon après 50 ans de labour !
Ce n'est pas pour le sillon que nous rendons grâce aujourd'hui, c'est pour cette main attachée à cette charrue.
Elle a fait ce qu'elle a pu, elle s'est blessée aux cailloux rencontrés, elle s'est soignée au baume des écritures, elle a ouvert la terre sèche et dure du monde pour que le Verbe et sa Joie trouve la faille et que la chair du Fils se faufile et croisse.

Les laboureurs pour le royaume n'ont pas de retraite, avant que le chemin ne se poursuive sur une terre nouvelle, reste encore quelques encablures de sillon à tracer !!

Jean-Pierre, prions aujourd'hui pour que les mots du psaumes soient les tiens :
Mon cœur exulte, mon âme est en fête, ma chair elle-même repose en confiance. ]


Amen

Sylvain diacre

La veuve de Naïm / Une homélie de JP Duplantier

Vous devinez que nous sommes très heureux de partager avec vous votre profession de foi. J'ai lu ce que vous allez déclarer devant Dieu et devant nous dans quelques instants. Je reprends les mots que vous avez choisi : «Je n'imagine pas mon parcours de vie sans Jésus à mes côtés... Je sais au fond de moi que Dieu nous a créés... Je crois que Jésus guide mes pas et mon chemin... Je sais que Jésus me donne chaque jour la force de parler de Lui... Je ne pourrais pas vivre sans le soutien de Jésus... Je crois que Jésus m'accompagnera durant mon chemin, même dans les moments difficiles. » C'est Jésus qui a mis ces mots dans votre cœur et sur vos lèvres. Et cela nous fait chaud au coeur, parce que nous sommes comme vous. Nous avons cela en commun.
 
Vous avez donc déjà un bout d'histoire avec Jésus. Comme chacun de nous ici, cette étrange rencontre avec le Christ nous est arrivée par les paroles et les gestes de notre entourage, vos parents, certains de vos amis. Et vous l'avez accueilli. Jésus est venu à vous par ce que vous avez vu et entendu. Et maintenant, il a fait sa place dans votre vie, dans votre cœur. Les apôtres ont vécu cela. Pierre, Jean et les autres. Ils disaient : Jésus a planté sa tente parmi nous. Personne ne sait exactement ce que nous avons vu et entendu de Lui. Mais il est là. Il a installé en nous une sorte de zone spéciale, physique, où habite l'histoire d'un premier rendez-vous, l'attente qu'il revienne, et un mystérieux désir de Lui.
 
Vous avez, la semaine dernière, passer un peu de temps sur l'aventure de Pierre. Son chemin, son expérience, est précieuse. Il a commencé par découvrir en Jésus quelqu'un d'exceptionnel. Sa manière de parler, de s'intéresser aux gens qu'il rencontrait, de les écouter, de les soigner, de les guérir souvent, de les secouer aussi, quand ils se prenaient pour des gens qui savent tout, et qui jugent tout le monde. Puis les événements ont tourné mal. Jésus a été contesté, moqué, arrêté et mis à mort. Et le troisième jour, il est venu à eux, vivant, « en chair et en os ». Cela l'a complètement désorienté, lui et tous ses amis. C'est à partir de ce moment-là qu'ils ont entendu une autre musique. Elle a secoué leur maison, comme un feu qui se posait sur eux : Jésus était beaucoup plus grand que ce qu'ils avaient compris au début.
 
Peu à peu, ils ont découvert un souffle, une force, qu'ils n'avaient pas encore vu et entendu dans ces gestes et ses paroles. Ils ont alors récent leurs souvenirs, dans les évangiles et les lettres qu'ils ont envoyées aux églises. Je vous propose de réécouter plus en détail ce qu'ils cherchent à nous dire dans le récit que nous venons d'entendre.
A la porte de la ville de Naïm, Jésus ressuscite le fils d'une veuve. C'est normal. Jésus est le Fils de Dieu. Il a la capacité de ressusciter des gens et lui-même est ressuscité. Pour beaucoup de nos concitoyens, c'est invraisemblable. Mais pour nous, chrétiens, c'est un acquis. On ne revient pas là-dessus. Pour les habitants de Naïm, ce fut un bouleversement. Pour nous, cette histoire a du mal à déclencher une secousse, un émerveillement. C'est comme si on s'était habitué à croire l'impossible.
 
Et pourtant, il y a tout ce qu'il faut pour entendre autre chose dans ce récit. Quand Jésus voit le cortège, le cercueil, et la mère en pleurs, on dit que Jésus est saisi de compassion. Mais ce n'est pas tout à fait ce qui est écrit. Il est écrit : il est remué aux entrailles ; c'est dans son ventre, dans son corps que ça bouge, pas seulement dans ses sentiments. Qu'est-ce qui bouge en lui ?
 
Ce sont les gestes qu'il fait, qui le racontent. Il dit à la mère : « ne pleure pas ». C'est donc à elle qu'il parle d'abord. C'est elle que le récit de Luc met au centre. Puis Jésus parle au fils qui est dans le cercueil : « Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi » Et le mort se dresse et parle. Alors Jésus le donne à sa mère. Il ne lui rend pas, il lui donne. Il lui donne qui ? Jésus donne à cette femme non plus le fils qui est sorti de son ventre, mais le fils d'homme qui vit et parle à la Parole du Seigneur. Un fils d'homme, comme le dit saint Jean, qui n'est pas né du sang, c'est-à-dire du ventre de sa mère, ni de la volonté de la chair, c'est-à-dire du désir d'enfant, ni de la volonté d'un homme, c'est-à-dire du désir d'une descendance, mais un fils d'homme qui est né de Dieu ! ».
 
Voilà ce qui a bougé dans le ventre de Jésus. Il voit des choses dans ce que nous vivons que nous ne voyons pas. Quand il a vu cet enterrement, et la douleur de la mère et l'émotion des gens autour, c'est la voix venue du ciel lors de son baptême qui a refait surface en lui : «Tu es mon fils bien aimé. En toi tout mon désir ! » Jésus a vu chez cette mère, et dans cette foule une force, une vie, qui débordait leur douleur et leur malheur : cette force, cette vie, c'est l'amour que Dieu nous porte. Nous sommes nés de Dieu, de son désir que nous devenions des fils qui portent sa ressemblance. Cela n'efface pas le reste, mais c'est comme une semence que Dieu a jeté dans notre aventure humaine depuis le commencement. Cette semence d'amour met du temps à pousser sur notre terre. Mais elle est là, tenace, dans le corps de chacun de nous.
 
Là est notre foi. Ce n'est pas d'abord une doctrine, un capital, des acquis religieux, une conviction humaine, c'est la manière dont nous faisons l'hospitalité à cette force vive, venue d’ailleurs, d'en-haut, à l'amour du Christ Jésus pour tous. Cela tiraille souvent entre notre soif de bâtir notre vie nous-mêmes, et ce que Dieu fait naitre en nous. C'est une épreuve, un combat souvent, avec des hauts et des bas.
 
Alors profitez pleinement aujourd'hui de ce que Dieu a semé chez vous. C'est un cadeau inestimable qu'il vous fait. Cela réveille chez nous ce que Dieu nous a donné. Vous n'êtes pas seuls et nous non plus. Merci à vous. Merci Seigneur.
 
Jean-Pierre Duplantier

Diacre : un an après l'ordination / Diaconat / Sylvain

Il y a dans notre paroisse, des prêtres qui fêtent cette année un demi-siècle de sacerdoce, et c'est à moi que l'on demande un témoignage, pour mon unique année de diaconat !?
Comment rendre-compte de ces quelques mois quand tout est encore en devenir, en recherche, en attente ?

L'ordination vient nous saisir tout entier, dans notre vie en Eglise, mais aussi notre vie sociale et notre vie intime. Comme tout sacrement, elle vient marquer au plus profond.  Elle imprègne notre esprit et notre corps, et son travail en nous, pour l'essentiel nous échappe.
Difficile alors de mettre des mots dessus.
Il y a ce qui se voit : une place nouvelle en Eglise, une présence nouvelle en liturgie, des fonctions nouvelles dans le service des sacrements, des missions diocésaines qu'il faut tenter d'assurer...
Et il y a ce qui ne se voit pas : une manière différente de porter les prières des autres, une présence particulière à certaines souffrances qui nous sont confiées, des agacements plus douloureux devant certains visages d'Eglise...
Tout cela mêlé, tissé de la conscience toujours plus vive de notre impuissance et de nos petitesses.

Un an, ça suffit pour éprouver de grandes joies : par exemple celle d'ouvrir les écritures avec de jeunes fiancés et voir leur surprise, celle de redécouvrir sous un autre angle l'incroyable grandeur des liturgies de la semaine sainte, celle de se sentir profondément « ajusté », bien que profondément douloureux, en accompagnant les obsèques d'un jeune homme...
Et aussi de grandes tristesses : souffrir d'une Eglise souffrante et maladroite, mesurer sa propre inefficacité, sa propre incapacité à rejoindre les gens, à faire goûter la joie de l'Evangile,  perdre un frère d'ordination et s'apercevoir qu'on ne se connaissait pas...

Être Ordonné, ce n'est pas une question de fonction, c'est une question « d'être sacramentel », ne l'oublions jamais à l'heure où la question des ministères est soulevée dans l’Eglise. Ne nous trompons pas. Depuis un an, ce qui a changé, ce n'est pas que je puisse proclamer l'Evangile à l'ambon, c'est que je dois servir l'Evangile dans ma chair ! Ce n'est pas que je puisse baptiser des enfants, c'est que je suis signe du Christ pour ces enfants ! Ce n'est pas que je puisse soulever la coupe à l'autel, c'est qu'en la soulevant, je  manifeste la multitude des absents pour qui le sang est versé...

Rendez-vous dans quarante-neuf ans, nous verrons si le diacre que je suis aura enfin su se mettre au service « en vérité ». Au service du pauvre, au service de la Parole et de l’Eglise en prière... Tout reste à faire ! Il n'est pas interdit de prier pour les diacres !!
Sylvain

Qu'est-ce que l'Homme ? / Sainte Trinité 2016 /Une homélie

 Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui ?

Un fils d'homme que tu en prennes soucis ?

Il n'y a pas d'homme condamné,
Qu'est-ce que l'homme ?
Cette question, dans le psaume soulève le lien de Dieu avec nous.
Ce qui pourrait nous sembler une évidence : il est normal après tout que Dieu ait le souci de l'homme, devient une question centrale pour nos vies : Qui suis-je pour être aimé de Dieu ?
Pourquoi faudrait-il qu'il ait souci de l'homme ?
Aucune des vagues réponses que l'on pourrait donner ne tient debout, parce que son regard n'est pas le notre.
La question est : qu'est-ce que l'homme dans le regard de Dieu ?
(...)
Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu
le couronnant de gloire et d'honneur

Comment ? L'homme serait un peu moindre qu'un dieu ? Couronné de gloire et d'honneur ?
L'homme malade, perclus de douleurs dans son lit d’hôpital, le corps humilié par la maladie,

un peu moindre qu'un Dieu ?
L'homme seul dans la démence de sa vieillesse, l'homme ruiné par ses addictions, tiraillé par ses perversions,

couronné de gloire ?
L'homme broyé par un système économique qui retire toute dignité au précaire et au laissé pour compte,

couronné d'honneur ?
L'homme sur les chemins de l'exil qu'on entasse dans des camps indignes, soupçonné et rejeté partout

un peu moindre qu'un Dieu ?
L'homme qui si puissant qu'il soit, trafique avec le bien commun, bricole avec la justice, s'arrange avec la morale,

Couronné d'honneur ?
L'homme aveuglé de bêtise ou de haine qui se fait exploser à la terrasse d'un café,

un peu moindre qu'un Dieu ?
Celui qui détruit la nature
celui qui défigure l'enfance
celui qui souille l’Eglise...

Et bien, OUI.
Il nous faut l'entendre.
Et même si c'est inaudible à nos oreilles.
L'amour de Dieu pour l'homme va jusque là.
Il ne fait pas de tri dans les hommes, et son regard n'est pas le nôtre.
C'est peut-être ça la fameuse « miséricorde » dont on parle tant cette année, vous percevez que c'est bien au-delà du pardon ou de la pitié....
Nous sommes, chacun de nous, dans nos misères et nos défaillances, inscrits à la plus haute place dans le désir de Dieu.
Et si c'est vrai pour nous, c'est vrai pour tout homme !
Même ceux qui nous scandalisent, même ceux que nous sommes trop rapides à qualifier de monstres.
Il n'existe pas de monstres, tout homme est fils d'homme, tout homme est couronné de gloire et d'honneur. Soyons-y attentifs, nous qui avons une Maison d'Arrêt dans notre paroisse.

Dieu ne fait pas de tri entre les hommes, il fait du tri en l'homme.
Il vient trancher en l'homme, faire tomber la part du péché et sauver la part du fils.
Le Christ s'est fait homme pour ça,
Si il s'offre encore à nous dans un instant, c'est pour ça.
(...)
Amen
Sylvain, Diacre

Dimanche 8 mai 2016 / Une homélie de JP Duplantier

 Dans toutes les religions du monde, il y a un virus. Celui de penser et d’agir comme si la puissance de notre Dieu était un acquis. Un acquis à protéger, à défendre. Comme si notre seule responsabilité était de ne rien changer dans nos convictions, nos certitudes ou simplement nos habitudes. Or ce que nous venons d’entendre, dans le récit de la mort d’Etienne, dans les derniers mots du livre de l’apocalypse de Jean, et dans ceux de Jésus lui-même, c’est un cri, une prière, un désir : « viens Seigneur Jésus ! », et sur les lèvres de Jésus : « qu’ils soient un, comme Toi, Père, tu es en moi et moi en toi. » 
 
Les apôtres, et depuis eux, tous les disciples du Christ, n’en finissent pas de passer des seuils, de franchir des barrières, dans leur relation avec Dieu. Chacun d’eux a connu la surprise de la première rencontre avec Jésus, de la force qui venait de lui, de ses paroles de feu et de la lumière qu’il réveillait chez les gens. Chacun d’eux ont ensuite expérimenté les forces hostiles à ce qu’il faisait et disait. Chacun d’eux ont très mal vécu sa mort. Puis leur est venu l’étrange présence du ressuscité et la trouée qu’il faisait dans l’avenir du monde, et, quelques jours après, son ascension, comme nous disons. Jésus a beau nous avoir dit qu’il ne nous laisserait pas orphelins, ce n’est pas toujours facile de le vivre. Enfin il y eut l’irruption de l’Esprit, celui qui plane sur les eaux depuis le commencement, comme un aigle qui protège sa couvée.
 
Chaque année, tous les chrétiens passent et repassent par les hauts et les bas, les tours et les détours de cette aventure à sa suite, sur son chemin : la joie de sa naissance à Noël, sa façon de soigner, de guérir, de pardonner, sur les chemins de Palestine, puis le carême et la semaine sainte, et dans une semaine, la fête de la Pentecôte. Qu’est-ce qui nous fait tenir ? Qu’est-ce qui nourrit notre foi en Lui ? Qu’est-ce qui nous aide à continuer de nous aimer les uns les autres, comme il nous a aimés ? Quoiqu’il arrive…
 
On nous a enseigné, de génération en génération, que notre force, c’est l’Esprit saint. Pas ma force, mais sa force à Lui, en moi. Qu’elle parle maintenant, en moi, en vous.
Cette force c’est quand une parole, un regard, un geste vient se substituer à mes sentiments, mes projets, mes peurs, mes souffrances et installe dans mon corps de la lumière, de la paix ; une sorte de réconfort qui prend sa place chez moi, sans que j’ai été le chercher, comme une surprise heureuse. Cette force vient de l’extérieur ; elle vient de n’importe qui. Dans la Bible, comme dans la vie, ce sont des détails, qui tissent des fils inattendus, dans la trame de notre journée ; des fils d’argent ou d’or qui tirent de l’oubli des liens immémoriaux enfouis dans notre chair vive. Comme un discret souffle de vie qui réenchante ce quotidien que nous croyions déjà écrit, ordonné, programmé, inéluctable. Comme le retour d’une danse enfantine où un visage, un regard, une odeur émerveille notre âme jusqu’au bord de nos lèvres et de nos yeux. Elle vient d’un proche ou d’un étranger. Elle vient d’en-haut. Chacun de nous est équipé depuis toujours pour lui accorder l’hospitalité. Pour que nous reconnaissions qu’elle nous est envoyée, comme dit Jésus ; que nous sommes bâtis pour ce genre de visite. 
 
Nous chantons parfois ici un refrain qui en parle très bien : « L’amour jamais ne passera, l’amour demeurera. L’amour, l’amour seul, la charité jamais ne passera. Car Dieu est amour ». Cet amour-là n’est pas une conviction, un effort pour l’entretenir ; il est une expérience ; trop rare peut-être ; trop passagère le plus souvent ; mais personne ne peut dire qu’il ne l’a jamais senti passer, même si depuis trop de choses l’ont enfoui. Car cet amour-là n’habite pas seulement les églises. Il suffit, à l’hôpital, d’une visite pour que la douleur cesse d’être un diable qui dévore ce qui vous reste de force. Il suffit d’un moment d’attention pour un jeune devenu trop solitaire, pour que se réveille en lui le gout de vivre en plein vent que Dieu a semé en lui. Il suffit d’un sourire qui désobéit à la grisaille du temps, pour que revienne sur un visage sa lumière intérieure.
 
Nous nous souvenons aujourd’hui du 8 mai 1945. Le retour de ceux qui revenaient de la guerre ou des camps. La joie et l’incertitude de ceux qui étaient restés. En quatre années, nous changeons les uns et les autres. Mon père et ma mère s’aimaient encore, mais sans savoir c que l’autre avait vécu et ce qu’ils étaient devenus. C’est auprès d’eux que j’ai appris ce que la part d’amour qui leur venait de Dieu et de leur foi était capable de reconstruire. C’est tellement difficile et hasardeux de s’aimer à nouveau après une si longue absence. C’est fou et tellement heureux, lorsque les réalités d’en-haut se substituent aux réalités d’en-bas, celles de l’amour d’avant qui n’étaient plus comme avant. Je n’ai rien compris à cette époque. Mais c’est auprès d’eux que j’ai fait connaissance avec la force d’en-haut, celle qui réanime les liens qui avaient été malmenés. J’ai appris par la suite à quel point cette force était capable de restaurer des relations enfuies. Et ce n’était pas seulement dans les familles, mais en ville aussi et au travail. Et ce n’est pas seulement une histoire du passé. Elle a gardé toute sa force aujourd’hui, pour ceux qui s’y risquent.
 
Ceci est la technologie de l’Esprit saint. Elle passe de lui à nous, par nous, entre nous. Elle est entièrement disponible. Et l’énergie qu’elle dispense est la puissance même de la tendresse de Dieu pour nous. A nous de participer à son travail d’enfantement. 
 
Voilà ce que je lis dans la prière de Jésus : « Qu’ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en Toi. Pour que le monde croie que tu m’as envoyé, et que tu les as aimé comme tu m’as aimé. Je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi. »
Jean-Pierre Duplantier