La veuve de Naïm / Une homélie de JP Duplantier

Vous devinez que nous sommes très heureux de partager avec vous votre profession de foi. J'ai lu ce que vous allez déclarer devant Dieu et devant nous dans quelques instants. Je reprends les mots que vous avez choisi : «Je n'imagine pas mon parcours de vie sans Jésus à mes côtés... Je sais au fond de moi que Dieu nous a créés... Je crois que Jésus guide mes pas et mon chemin... Je sais que Jésus me donne chaque jour la force de parler de Lui... Je ne pourrais pas vivre sans le soutien de Jésus... Je crois que Jésus m'accompagnera durant mon chemin, même dans les moments difficiles. » C'est Jésus qui a mis ces mots dans votre cœur et sur vos lèvres. Et cela nous fait chaud au coeur, parce que nous sommes comme vous. Nous avons cela en commun.
 
Vous avez donc déjà un bout d'histoire avec Jésus. Comme chacun de nous ici, cette étrange rencontre avec le Christ nous est arrivée par les paroles et les gestes de notre entourage, vos parents, certains de vos amis. Et vous l'avez accueilli. Jésus est venu à vous par ce que vous avez vu et entendu. Et maintenant, il a fait sa place dans votre vie, dans votre cœur. Les apôtres ont vécu cela. Pierre, Jean et les autres. Ils disaient : Jésus a planté sa tente parmi nous. Personne ne sait exactement ce que nous avons vu et entendu de Lui. Mais il est là. Il a installé en nous une sorte de zone spéciale, physique, où habite l'histoire d'un premier rendez-vous, l'attente qu'il revienne, et un mystérieux désir de Lui.
 
Vous avez, la semaine dernière, passer un peu de temps sur l'aventure de Pierre. Son chemin, son expérience, est précieuse. Il a commencé par découvrir en Jésus quelqu'un d'exceptionnel. Sa manière de parler, de s'intéresser aux gens qu'il rencontrait, de les écouter, de les soigner, de les guérir souvent, de les secouer aussi, quand ils se prenaient pour des gens qui savent tout, et qui jugent tout le monde. Puis les événements ont tourné mal. Jésus a été contesté, moqué, arrêté et mis à mort. Et le troisième jour, il est venu à eux, vivant, « en chair et en os ». Cela l'a complètement désorienté, lui et tous ses amis. C'est à partir de ce moment-là qu'ils ont entendu une autre musique. Elle a secoué leur maison, comme un feu qui se posait sur eux : Jésus était beaucoup plus grand que ce qu'ils avaient compris au début.
 
Peu à peu, ils ont découvert un souffle, une force, qu'ils n'avaient pas encore vu et entendu dans ces gestes et ses paroles. Ils ont alors récent leurs souvenirs, dans les évangiles et les lettres qu'ils ont envoyées aux églises. Je vous propose de réécouter plus en détail ce qu'ils cherchent à nous dire dans le récit que nous venons d'entendre.
A la porte de la ville de Naïm, Jésus ressuscite le fils d'une veuve. C'est normal. Jésus est le Fils de Dieu. Il a la capacité de ressusciter des gens et lui-même est ressuscité. Pour beaucoup de nos concitoyens, c'est invraisemblable. Mais pour nous, chrétiens, c'est un acquis. On ne revient pas là-dessus. Pour les habitants de Naïm, ce fut un bouleversement. Pour nous, cette histoire a du mal à déclencher une secousse, un émerveillement. C'est comme si on s'était habitué à croire l'impossible.
 
Et pourtant, il y a tout ce qu'il faut pour entendre autre chose dans ce récit. Quand Jésus voit le cortège, le cercueil, et la mère en pleurs, on dit que Jésus est saisi de compassion. Mais ce n'est pas tout à fait ce qui est écrit. Il est écrit : il est remué aux entrailles ; c'est dans son ventre, dans son corps que ça bouge, pas seulement dans ses sentiments. Qu'est-ce qui bouge en lui ?
 
Ce sont les gestes qu'il fait, qui le racontent. Il dit à la mère : « ne pleure pas ». C'est donc à elle qu'il parle d'abord. C'est elle que le récit de Luc met au centre. Puis Jésus parle au fils qui est dans le cercueil : « Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi » Et le mort se dresse et parle. Alors Jésus le donne à sa mère. Il ne lui rend pas, il lui donne. Il lui donne qui ? Jésus donne à cette femme non plus le fils qui est sorti de son ventre, mais le fils d'homme qui vit et parle à la Parole du Seigneur. Un fils d'homme, comme le dit saint Jean, qui n'est pas né du sang, c'est-à-dire du ventre de sa mère, ni de la volonté de la chair, c'est-à-dire du désir d'enfant, ni de la volonté d'un homme, c'est-à-dire du désir d'une descendance, mais un fils d'homme qui est né de Dieu ! ».
 
Voilà ce qui a bougé dans le ventre de Jésus. Il voit des choses dans ce que nous vivons que nous ne voyons pas. Quand il a vu cet enterrement, et la douleur de la mère et l'émotion des gens autour, c'est la voix venue du ciel lors de son baptême qui a refait surface en lui : «Tu es mon fils bien aimé. En toi tout mon désir ! » Jésus a vu chez cette mère, et dans cette foule une force, une vie, qui débordait leur douleur et leur malheur : cette force, cette vie, c'est l'amour que Dieu nous porte. Nous sommes nés de Dieu, de son désir que nous devenions des fils qui portent sa ressemblance. Cela n'efface pas le reste, mais c'est comme une semence que Dieu a jeté dans notre aventure humaine depuis le commencement. Cette semence d'amour met du temps à pousser sur notre terre. Mais elle est là, tenace, dans le corps de chacun de nous.
 
Là est notre foi. Ce n'est pas d'abord une doctrine, un capital, des acquis religieux, une conviction humaine, c'est la manière dont nous faisons l'hospitalité à cette force vive, venue d’ailleurs, d'en-haut, à l'amour du Christ Jésus pour tous. Cela tiraille souvent entre notre soif de bâtir notre vie nous-mêmes, et ce que Dieu fait naitre en nous. C'est une épreuve, un combat souvent, avec des hauts et des bas.
 
Alors profitez pleinement aujourd'hui de ce que Dieu a semé chez vous. C'est un cadeau inestimable qu'il vous fait. Cela réveille chez nous ce que Dieu nous a donné. Vous n'êtes pas seuls et nous non plus. Merci à vous. Merci Seigneur.
 
Jean-Pierre Duplantier