Vocation - Election / Jn10 27-30 / Une homélie

 Le seigneur appelle. On appelle ça : « vocation ». La racine de ce mot, c’est le mot « voix ». Une vocation, c’est d’abord une voix qui se fait entendre.
 
La Voix, elle résonne partout dans l’Ecriture pour peu qu’on arrête de parler à sa place. La Voix, c’est aussi celle de nos frères, les mille voix qui nous guident et nous rassurent. Pour l’entendre, il faut avoir des oreilles de brebis.

Une brebis, ça ne réagit pas aux grands discours. Un beau sermon très émouvant, un raisonnement brillant, une belle leçon de théologie, tout ça est inutile pour faire bouger une brebis. La brebis n’a que faire des mots qu’elle entend. La brebis entend le son d’une voix, sa musique, sa vibration. C’est à cette voix qu’elle répond, et sa réponse c’est de se mettre en mouvement, c’est de suivre celui qui marche devant. Elle ignore tout de sa destination.

Bien souvent, nous confondons « vocation » et « élection »
Ceux qui, dit-on, auraient eu « la vocation », seraient élus, choisis par Dieu… Et on a pris l’habitude de réduire cette vocation à l’élection des pasteurs, au surgissement des prêtres. L’Église, quand elle prie pour les vocations, prie d’abord pour que de jeunes hommes deviennent prêtres. On comprend bien pourquoi, on ne peut pas lui en vouloir, et on ne peut que la suivre dans ce désir nécessaire et brûlant.
Mais ne penser qu’à ça, c’est un peu court, c’est méconnaître la puissance de la voix, c’est sous-estimer la finesse des oreilles de brebis. C’est aussi prendre le risque de se croire exempté… pas concerné…
Quelque chose de nous est connu du Fils, quelque chose de nous recevra de lui la vie, quelque chose de nous est donné au fils par le Père, quelque chose de nous s’est mis à la suite du Fils… Ce quelque chose de nous est dans la main du Fils. Et ce qui est dans la main du Fils est aussi dans la main du Père et nul ne peut l’en arracher. Ce quelque chose de nous, porte le nom de "Brebis".
Et la brebis n’est pas le pasteur. La brebis ne peut pas se prendre pour le berger.

Ce discours peut nous sembler étrange au lendemain de l’élection d’un Pape.
Comment peut-on dire que notre vocation première et commune, c’est d’être brebis quand on met tant d’énergie à trouver des pasteurs, quand on supplie l’Esprit saint lui-même de nous donner un berger ?
Peut-être simplement que l’on se trompe sur ce qu’est un Pape.
Peut-être que l’on se trompe sur ce qu’est un évêque ou un prêtre…
Peut-être que l’on oublie ce qu’est le berger tel que le Christ nous le révèle.

Nous l’avons pourtant entendu dans le texte de l’Apocalypse :
« l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. ». Le Pasteur c’est l’agneau. Les brebis ne sont pas conduites par le super-berger, les brebis sont conduites par l’agneau. Par le plus petit d’entre elles. Par l’enfant en elles

Méfions-nous des images, méfions-nous des beaux vitraux : celui qui prend soin des brebis, c’est bien le Christ, mais le Christ c’est l’Agneau. L’Agneau aux noces duquel nous sommes maintenant les invités.
 
Pour finir, pardonnez-moi si je m’arrête sur une anecdote un peu ridicule.
Jeudi, comme beaucoup, je travaillais avec un œil distrait posé sur la fameuse cheminée du conclave. Et mon attention a été retenue par les goélands qui venaient se poser sur le toit de la Sixtine. On a vu s’installer autour de la cheminée deux goélands et leur petit. Un poussin goéland, avec son plumage gris tout vilain, ses pas mal assurés, réclamant sa nourriture à ses parents, trébuchant entre les tuiles. Et c’est exactement à ce moment que la fumée blanche est sortie de la cheminée.
Je ne crois pas beaucoup aux signes, mais je n’ai pu m’empêcher de me dire que celui que désignait cette fumée avait à voir avec une figure d’enfance.
Ce n’est pas un héros qui a été élu, ce n’est pas le pasteur des pasteurs, ce n’est pas le patron des bergers, c’est le serviteur de l’Agneau.
 
L’Agneau, unique pasteur qui conduira ce qui lui appartient aux sources des eaux de la vie.

╬ Amen, Alleluia
Sylvain diacre
Un poussin goéland au moment de la fumée blanche : 

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