Le seigneur appelle. On appelle ça :
« vocation ». La racine de ce mot, c’est
le mot « voix ». Une vocation, c’est
d’abord une voix qui se fait entendre.
La Voix, elle résonne partout
dans l’Ecriture pour peu qu’on arrête de parler à sa place. La Voix, c’est aussi celle
de nos frères, les mille voix qui nous guident et nous rassurent. Pour l’entendre, il faut
avoir des oreilles de brebis.
Une brebis, ça ne réagit pas
aux grands discours. Un beau sermon très émouvant,
un raisonnement brillant, une belle leçon de théologie, tout ça
est inutile pour faire bouger une brebis. La brebis n’a que faire des
mots qu’elle entend. La brebis entend le son d’une
voix, sa musique, sa vibration. C’est à cette voix qu’elle
répond, et sa réponse c’est de se mettre en mouvement, c’est de
suivre celui qui marche devant. Elle ignore tout de sa
destination.
Bien souvent, nous confondons
« vocation » et « élection »
Ceux qui, dit-on, auraient eu
« la vocation », seraient élus, choisis par Dieu… Et on a pris l’habitude de
réduire cette vocation à l’élection des pasteurs, au
surgissement des prêtres. L’Église, quand elle prie
pour les vocations, prie d’abord pour que de jeunes hommes
deviennent prêtres. On comprend bien pourquoi, on
ne peut pas lui en vouloir, et on ne peut que la suivre dans ce désir
nécessaire et brûlant.
Mais ne penser qu’à ça,
c’est un peu court, c’est méconnaître la puissance de la voix,
c’est sous-estimer la finesse des oreilles de brebis. C’est aussi prendre le
risque de se croire exempté… pas concerné…
Quelque chose de nous est
connu du Fils, quelque chose de nous recevra de lui la vie, quelque
chose de nous est donné au fils par le Père, quelque chose de nous
s’est mis à la suite du Fils… Ce quelque chose de nous est
dans la main du Fils. Et ce qui est dans la main du
Fils est aussi dans la main du Père et nul ne peut l’en arracher. Ce quelque chose de nous,
porte le nom de "Brebis".
Et la brebis n’est pas le
pasteur. La brebis ne peut pas se
prendre pour le berger.
Ce discours peut nous sembler
étrange au lendemain de l’élection d’un Pape.
Comment peut-on dire que notre
vocation première et commune, c’est d’être brebis quand on met
tant d’énergie à trouver des pasteurs, quand on supplie l’Esprit
saint lui-même de nous donner un berger ?
Peut-être simplement que l’on
se trompe sur ce qu’est un Pape.
Peut-être que l’on se
trompe sur ce qu’est un évêque ou un prêtre…
Peut-être que l’on oublie
ce qu’est le berger tel que le Christ nous le révèle.
Nous l’avons pourtant
entendu dans le texte de l’Apocalypse :
« l’Agneau qui se
tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux
sources des eaux de la vie. ». Le Pasteur c’est l’agneau. Les brebis ne sont pas
conduites par le super-berger, les brebis sont conduites par l’agneau. Par le plus petit d’entre
elles. Par l’enfant en elles
Méfions-nous des images,
méfions-nous des beaux vitraux : celui qui prend soin des
brebis, c’est bien le Christ, mais le Christ c’est l’Agneau. L’Agneau aux noces duquel
nous sommes maintenant les invités.
Pour finir, pardonnez-moi si
je m’arrête sur une anecdote un peu ridicule.
Jeudi, comme beaucoup, je
travaillais avec un œil distrait posé sur la fameuse cheminée du
conclave. Et mon attention a été
retenue par les goélands qui venaient se poser sur le toit de la
Sixtine. On a vu s’installer autour de la cheminée deux goélands
et leur petit. Un poussin goéland, avec son plumage gris tout
vilain, ses pas mal assurés, réclamant sa nourriture à ses
parents, trébuchant entre les tuiles. Et c’est exactement à ce
moment que la fumée blanche est sortie de la cheminée.
Je ne crois pas beaucoup aux
signes, mais je n’ai pu m’empêcher de me dire que celui que
désignait cette fumée avait à voir avec une figure d’enfance.
Ce n’est pas un héros qui a
été élu, ce n’est pas le pasteur des pasteurs, ce n’est pas le
patron des bergers, c’est le serviteur de l’Agneau.
╬ Amen, Alleluia
Sylvain diacre
Un poussin goéland au moment de la fumée blanche :
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