C’est d’abord l’histoire d’une dépression : le prophète Elie fuit au désert et choisit de se laisser mourir parce que le chemin est trop long pour lui…(1R 19)
Baisser
les bras face à ce qui reste de nos vies, trouver que le chemin est
trop long pour nous, et vouloir simplement s’asseoir et attendre la
mort.
Mais
une voix se fait entendre : « Debout ! Mange »
Il
y a ensuite ceux qui ne voulaient pas mourir. Ceux qui marchaient
dans le désert et qui ont mangé un pain tombé du ciel… un pain
sans nom, une croûte déposée sur le sol avec la rosée du matin.
Ils
ont mangé, mais ils sont morts.
Il
y a enfin ceux que le Père attire, ceux qui entendent sa voix et qui
devront, à cause de cela, partager un pain vivant descendu du ciel.
Un pain qui a à voir avec le don que nous fait le Fils d’une chair
mêlée de Verbe.
Et
ceux-là ne mourront pas.
L’expérience
de la manne au désert était celle des Pères de la première
alliance, elle ne se reproduira plus. Il se pourrait par contre que
nous soyons concernés au plus près par les deux autres cas de
figures :
Pour
peu que nous trouvions le chemin long et désespérant, pour peu que
nous soyons tentés de nous asseoir en attendant la mort : nous
aurons à entendre la voix qui ordonne « debout ! mange ».
Pour
peu que nous ayons des oreilles pour entendre, pour peu que nous nous
soyons laissé attirer par le Père, pour peu que nous ayons mis
notre confiance dans le Fils : nous avons à faire avec ce pain
descendu du ciel.
Quel
est-il ce pain ?
L’Eucharistie
semble-t-il nous en donne l’expérience sacramentelle. Elle nous en
donne un avant-goût : C’est
un pain descendu.
La
manne était un pain tombé du ciel, le pain vivant descend.
C’est
un pain dont le mouvement est pour toujours un mouvement descendant. C’est
peut-être à ça d’abord qu’on doit le reconnaître.
Un
pain descendu.
Un
pain qui descend, qui condescend.
Un
pain qui s’abaisse, un pain qui se penche.
Un
pain qui refuse la hauteur,
qui
choisit le ras de terre,
qui
choisit le très bas de nous.
Dans
un instant nous verrons le prêtre lever le pain. Alors n’oublions
pas que s’il l’élève c’est pour le redescendre. S’il
l’élève c’est pour que nous puissions le voir dans sa
descente. Et si nous nous inclinons, c’est pour épouser sa
chute. C’est devant cette descente, qui est sa vrai nature, que nous
nous inclinons…
▬
Le
week-end dernier je profitais de l’hospitalité d’une famille de
mes amis.
Le
fils de la famille, un grand adolescent de 16 ans, passionné
d’internet, enthousiasmé par la science et ses progrès, me
prenait alors à partie plus ou moins dans ces termes :
«
Un jour c’est sûr, la science aura percé tous les mystères, y
compris celui de la mort et nous serons enfin libérés du discours
religieux qui veut nous faire croire à un au-delà radieux. A
quoi ça sert de croire encore dans ces contes de fée d’un autre
âge ? Faut-il être naïf pour avoir besoin de croire pour
consentir à sa mort ? »
...
Belles
et bonnes questions en vérité !
A
quoi sert notre foi dans ce pain descendu ? Comment croire que
ceux qui y ont part ne mourront pas quand notre mort est
certaine ? Avons-nous besoin de tout cet attirail pour apprendre
à mourir ?
« Debout !
Mange »
Si
nous mangeons ce pain, ce n’est pas pour éviter la mort, c’est
pour apprendre à vivre. Si nous accueillons ce pain qui descend
jusque dans la nullité de nos mains, c’est que c’est de lui que
nous tenons la vie, c’est de lui que nous tenons d’être des
hommes et des femmes debout. C’est lui qui nous sauve de la
tentation de nous asseoir dans la mort.
A
quoi ça sert ?
A
rien.
Aucune
utilité, simplement se tenir debout et vivre
Et
tenter de vivre "dans l’amour"(Ep 4)…
par
amour de son amour*.
╬ Amen
Sylvain
diacre
*Prière de St François
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