Le pain descendu / Jn 6 41-51 / une homélie


C’est d’abord l’histoire d’une dépression : le prophète Elie fuit au désert et choisit de se laisser mourir parce que le chemin est trop long pour lui…
(1R 19)
Baisser les bras face à ce qui reste de nos vies, trouver que le chemin est trop long pour nous, et vouloir simplement s’asseoir et attendre la mort.
    Mais une voix se fait entendre : « Debout ! Mange »

Il y a ensuite ceux qui ne voulaient pas mourir. Ceux qui marchaient dans le désert et qui ont mangé un pain tombé du ciel… un pain sans nom, une croûte déposée sur le sol avec la rosée du matin.
    Ils ont mangé, mais ils sont morts.

Il y a enfin ceux que le Père attire, ceux qui entendent sa voix et qui devront, à cause de cela, partager un pain vivant descendu du ciel. Un pain qui a à voir avec le don que nous fait le Fils d’une chair mêlée de Verbe.
    Et ceux-là ne mourront pas.

L’expérience de la manne au désert était celle des Pères de la première alliance, elle ne se reproduira plus. Il se pourrait par contre que nous soyons concernés au plus près par les deux autres cas de figures :
Pour peu que nous trouvions le chemin long et désespérant, pour peu que nous soyons tentés de nous asseoir en attendant la mort : nous aurons à entendre la voix qui ordonne « debout ! mange ».
Pour peu que nous ayons des oreilles pour entendre, pour peu que nous nous soyons laissé attirer par le Père, pour peu que nous ayons mis notre confiance dans le Fils : nous avons à faire avec ce pain descendu du ciel.

Quel est-il ce pain ?
L’Eucharistie semble-t-il nous en donne l’expérience sacramentelle. Elle nous en donne un avant-goût : C’est un pain descendu.
La manne était un pain tombé du ciel, le pain vivant descend.
C’est un pain dont le mouvement est pour toujours un mouvement descendant. C’est peut-être à ça d’abord qu’on doit le reconnaître.
Un pain descendu.
Un pain qui descend, qui condescend.
Un pain qui s’abaisse, un pain qui se penche.
Un pain qui refuse la hauteur,
qui choisit le ras de terre,
qui choisit le très bas de nous.
 
Dans un instant nous verrons le prêtre lever le pain. Alors n’oublions pas que s’il l’élève c’est pour le redescendre. S’il l’élève c’est pour que nous puissions le voir dans sa descente. Et si nous nous inclinons, c’est pour épouser sa chute. C’est devant cette descente, qui est sa vrai nature, que nous nous inclinons…

Le week-end dernier je profitais de l’hospitalité d’une famille de mes amis.
Le fils de la famille, un grand adolescent de 16 ans, passionné d’internet, enthousiasmé par la science et ses progrès, me prenait alors à partie plus ou moins dans ces termes :
« Un jour c’est sûr, la science aura percé tous les mystères, y compris celui de la mort et nous serons enfin libérés du discours religieux qui veut nous faire croire à un au-delà radieux. A quoi ça sert de croire encore dans ces contes de fée d’un autre âge ? Faut-il être naïf pour avoir besoin de croire pour consentir à sa mort ? »
       ...
    Belles et bonnes questions en vérité !

A quoi sert notre foi dans ce pain descendu ? Comment croire que ceux qui y ont part ne mourront pas quand notre mort est certaine ? Avons-nous besoin de tout cet attirail pour apprendre à mourir ?

« Debout ! Mange »
Si nous mangeons ce pain, ce n’est pas pour éviter la mort, c’est pour apprendre à vivre. Si nous accueillons ce pain qui descend jusque dans la nullité de nos mains, c’est que c’est de lui que nous tenons la vie, c’est de lui que nous tenons d’être des hommes et des femmes debout. C’est lui qui nous sauve de la tentation de nous asseoir dans la mort.

A quoi ça sert ?
    A rien.
Aucune utilité, simplement se tenir debout et vivre
Et tenter de vivre "dans l’amour"(Ep 4)
    par amour de son amour*.

╬ Amen
Sylvain diacre
*Prière de St François

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire