Des graines / Mc 4 26-34 / Une homélie

Nous n’irons pas dans le Royaume de Dieu
Aucun de nous n’ira dans le Royaume
Parce que le royaume de Dieu n’est pas un lieu.
Il n’a pas d’adresse

Deux paraboles aujourd’hui pour dire le Royaume

● Dans la première, il s’agit d’un homme qui jette une semence, non pas « en terre » comme nous l’avons entendu, mais « sur la terre », et qui laisse faire jusqu’à la moisson.
Dans nos jardins, dans nos royaumes, pour obtenir du fruit, il faut enfouir, il faut travailler, il faut prendre soin… aller jusqu’à la moisson est un métier, un savoir-faire complexe, un travail risqué.
Dans le royaume de Dieu, la semence est « jetée sur », posée là, et ça fait…. Ça fait tout seul. La semence unique, la semence inconnue, indéterminée, fait un champ de blé. Et reste à y mettre la faucille.

Le Royaume n’est pas un lieu, c’est une énergie vitale, une dynamique de croissance, un scénario de fructification. Le Royaume est un mouvement qui fait d’une semence jetée sur la terre une moisson. Le royaume est croissance sans travail, sans ampoules sur les mains, sans mal au dos, sans désherbant et sans labours, sans grêle et sans limaces. Le royaume est croissance gracieuse, gratuite, inexorable.
La semence touche terre et tout est enclenché, et rien ni personne ne peut plus empêcher la moisson…

● Dans la deuxième, une graine à nouveau, posée elle aussi sur la terre (et pas dedans). Une graine de moutarde.

A l’automne 2019, pour illustrer une homélie de Dominique, nous vous avions distribué des graines de moutarde. Et quelques-uns les avaient plantées et quelques-uns les avaient vu pousser. Et je crois que personne, même les meilleurs jardiniers, n’avaient vu surgir le plus grand de tous les légumes avec des branches sous lesquelles venaient s’abriter les oiseaux.

Dans nos jardins, dans nos royaumes, la graine de moutarde donne une moutarde : une tige toute fine et tendre avec de belles fleurs jaunes en bouquet.
Dans le royaume de Dieu, la graine de moutarde donne une plante immense avec des branches hospitalières aux oiseaux. Ce n’est pas que le royaume ait de meilleurs engrais, un meilleur climat, de meilleurs jardiniers. C’est que le royaume fait d’une graine de moutarde autre chose que de la moutarde. Il fait d’une graine connue, un arbre inconnu.

Certains parmi nous fêtent leur anniversaire de mariage…
Mais tous ceux qui sont mariés fêtent chaque jour leur anniversaire de mariage… Ceux qui se sont mariés hier fêtent leur premier jour de mariage, d’autres leur demi-siècle…
Qu’est devenue la graine tombée sur terre le jour de cette union ?
On croyait peut-être la connaître cette graine, on s’en était parlé, on avait imaginé ce qui pouvait en sortir… mais cinquante ans plus tard, il se pourrait que nous soyons surpris de l’aspect de l’arbre inattendu qui s’est levé !
Il est peut-être un peu penché, un peu tordu, il a probablement perdu des branches qui manquent pour toujours, il a peut-être fallu l’élaguer ici où là, mais, vieillissant, il fructifie encore. Et les oiseaux du ciel viennent s’y abriter.

Mais il n’est pas besoin d’être mariés pour être pris dans la poussée du Royaume ! Et tant pis si l’on n’a pas pu ou pas su y rester à deux… Qu’importe, puisque la graine de moutarde du royaume, c’est chacun de nous. Minuscule, insignifiante et jetée sur la terre.
Qu’elle le veuille ou non, de jour comme de nuit, dans le secret d’elle-même, sans travail, sans effort, sans engrais, elle grandit et devient plus que ce qu’elle est.
Elle se croit légume, elle devient arbre.
Elle se croit banale, elle devient « la plus grande »
Elle se croit inutile, elle protège les oiseaux du ciel. Elle accueille les habitants du ciel

Nous n’irons pas dans le royaume de Dieu car nous y sommes déjà
Nous sommes pris, que nous le voulions ou non, dans la puissance inexorable de la croissance du fruit qui vient.
Nous sommes inscrits, que nous le voulions ou non, dans la transformation de notre nature de légume en arbre, baignant ses branches dans le ciel.

Nous n’irons pas dans le royaume de Dieu car le royaume c’est nous
Plantés dans les parvis du Seigneur,
nous grandirons dans la maison de notre Dieu.
Vieillissant, nous fructifierons encore,
nous garderons notre sève et notre verdeur
pour annoncer : « Le Seigneur est droit ! »

╬ Amen
Sylvain diacre

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