Il arrive parfois avant la messe que l’on demande à tel ou tel « voulez-vous aider à la distribution de la communion ? » et, souvent, on reçoit en réponse « désolé mais non, je n’en suis pas digne ».
Je
ne suis pas digne de distribuer la communion... de recevoir l’hostie
dans la main… de faire une lecture… de préparer une liturgie…
de prendre une responsabilité dans la paroisse… Je ne suis pas
digne.
Alors
aujourd’hui, Jésus lui-même se tourne vers chacun de nous :
« Celui
qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de
moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est
pas digne de moi »
« celui
qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de
moi. »
Qui
aime le Christ plus que son père, sa mère ou ses enfants ?
Personne. Donc, personne n’est digne de Lui. Voilà
une manière très simple de résoudre la question.
Si
nous voulons être digne de Lui, si nous attendons d’être digne de
Lui pour nous y mettre, c’est perdu d’avance ! Sur le
terrain de la dignité, nous sommes tous disqualifiés ! Parce
que nous aimerons toujours plus nos enfants que nous ne l’aimons,
Lui.
Oui,
nous sommes tous indignes, et pourtant le Christ a besoin de nous.
Car
« qui vous accueille m’accueille ». Si nous
voulons que le Christ soit accueilli, il faut que nous nous laissions
accueillir… que nous nous laissions aimer comme nous sommes… pas
comme nous nous rêvons.
L’Église
sait depuis toujours que ses ministres sont tous indignes des
fonctions qu’ils assument. Un prêtre, un diacre, ou celui qui est
appelé à assumer un service n’est qu’un instrument dans les
mains de Celui qui a besoin de lui.
Qu’importe
que le tuyau soit d’or ou de plomb si l’eau coule à travers
lui*.
Consentir
à être l’instrument indigne dans les mains du Seigneur, c’est
peut-être ça « perdre sa vie ». « Perdre
sa vie », ce n’est pas « mourir », c’est
accepter qu’elle n’est pas à moi, qu’elle est à celui qui en
a besoin.
« Porter
sa croix », ce n’est pas être condamné à traîner pour
toujours sur son dos toutes ses douleurs, toutes les épreuves de sa
vie… c’est mettre en mouvement ce qui, normalement, est planté
en terre. Mettre en mouvement ce qui me paraît dressé devant moi
comme le point fixe de ma condamnation. Par exemple ? mon
indignité.
Se
saisir de ce lieu de mort, et se mettre en marche. Ne pas faire comme
s’il n’existait pas, mais ne pas se laisser arrêter par lui. Et
faire confiance au Christ qui marche devant.
Notre
indignité nous empêcherait d’agir pour le Seigneur ? Mais le
Seigneur n’en n’a que faire, et il se pourrait même que ce soit
cette indignité qui compte pour Lui : Dans la nuit de Pâques,
au tout début de l’exultet, le diacre qui chante s’adresse à
l’assemblée et dit : « Et vous, mes frères
bien-aimés, ne cessez pas d’en appeler avec moi à la bonté
du tout puissant. Il m’a choisi dans mon indignité pour être à
son service ».
Il
ne m’a pas choisi malgré mon indignité, il m’a choisi
dans mon indignité…. c’est là qu’il m’a
choisi, justement là. J’aurais été digne, il ne m’aurait pas
choisi !
Et
puis que disons-nous à chaque eucharistie quand nous disons
« Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit
seulement une parole et je serai guéri » ?
Nous ne sommes pas dignes, mais la parole est dite.
Allons-nous faire comme s’il n’avait rien dit ?
Quand
on vous demande « voulez-vous aider à distribuer la
communion ? », ne répondez pas « je n’en suis pas
digne »… ça, on le sait déjà… tout le monde le sait, le
Seigneur le sait.
Vous
pouvez nous dire « je n’ai pas envie », « je ne
sais pas faire », « ça me fait peur », « ça
ne m’intéresse pas »… mais pas « je ne suis pas
digne »
Le
Seigneur cherche un tuyau pour abreuver son peuple. Il se moque qu’il
soit en or ou en plomb. Acceptez simplement d’être tuyau.
Si
nous pensons que nos mains ne sont pas dignes de recevoir le corps du
Christ, nous oublions que nos langues le sont encore moins, elles qui
prononcent des horreurs. Nous oublions que c’est le corps du Christ
qui sanctifiera nos mains. Que c’est dans ce sens et uniquement
dans ce sens que ça fonctionne. Nos mains ne peuvent rien contre Lui
et il peut tout pour elles.
Si
l’on hésite à s’engager pour l’Église parce qu’on se
trouve indigne, souvenons-nous « il m’a choisi dans mon
indignité ». Sommes-nous indignes de donner un verre d’eau
à celui qui a soif ? Celui qui a soif, c’est le Christ.
Seigneur
je ne suis pas digne, mais tu as dis une Parole
Je
ne suis pas digne et tu es mort pour moi
Je
ne suis pas digne de te recevoir, mais ton amour pour moi a effacé
mon indignité
Reste
mon péché… mais
pour ça,
« pensez
que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus
Christ. »
╬ Amen
Sylvain
diacre
*
« Les ministres de l’Eglise agissent en vertu de la puissance
supérieure qui les fait mouvoir ils sont des instruments dans
l’administration des sacrements. Or dans un instrument il se
rencontre parfois quelque chose d’accidentel en dehors de ce
qu’exige sa nature. Que le corps d’un médecin pour nous servir
d’une comparaison soit sain ou malade, il peut également être
l’instrument de l’âme qui possède l’art de guérir. Un tuyau
peut très bien être d’argent ou de plomb et servir dans les deux
cas à conduire de l’eau. Il en est ainsi des ministres de
l’Église. Mauvais ou bons ils confèrent validement les
sacrements. »
Saint
Thomas d’Aquin Somme Théologique partie III question 64
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