Aimer Dieu / Mt 22 34-40 / Une homélie

Frère Luc, moine de Tibhirine

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit
Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

C’est un commandement qui nous est donné aujourd’hui.
Un commandement à l’amour, un amour qui a trois objets : Dieu, ton prochain et toi-même.
Jésus soude ces trois objets définitivement.

Voici donc la question que j’invite chacun à se poser : Est-ce que j’aime Dieu ?

Est-ce qu’une histoire d’amour est possible avec Dieu ?
Ça marche comment une histoire d’amour ?
Je ne suis pas bien placé pour parler de ça et j’imagine qu’elles sont toutes différentes, mais il doit bien y avoir du commun à toutes ces histoires….

Deux êtres se rencontrent, ils sont bien ensemble, il sont présents l’un à l’autre, parce qu’à être ensemble il y a de la Joie qu’on s’y sent profondément libres, forts, capables d’inventer des choses nouvelles pour nos vies.
Ces deux êtres se séduisent, se plaisent, se cherchent, ils voudraient être toujours plus intimes l’un à l’autre. Et puis un jour, c’est comme une évidence, ils n’imaginent plus pouvoir vivre l’un sans l’autre. Ils goûtent à ce lien où le regard de l’autre est sans jugement, où le regard de l’autre est une consolation.
Ils deviennent à chacun nécessaires, indispensables.
Et ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de fatigue, de colères ou de failles. Mais l’absence de l’un sera pour l’autre un manque à lui-même.
Cet amour leur donnera le désir fou et l’énergie nécessaire pour porter du fruit, le désir de s’ouvrir au monde et aux autres.
Au bout du bout, ils se peut qu’ils deviennent une seule chair.

Est-ce qu’une histoire d’amour est possible avec Dieu ?

Sera-t-on capable d’être des amoureux de Dieu ?
D’engager avec lui une histoire d’amour, celle que je viens de décrire :
Deux êtres se rencontrent, ils sont bien ensemble, la présence de l’un à l’autre devient comme une évidence….
ils se séduisent, se plaisent, se cherchent, ils voudraient être toujours plus intimes l’un à l’autre…..
l’absence de l’un sera pour l’autre un manque à lui-même….

J’entendais quelqu’un récemment qui me disait qu’il était triste en lisant notre feuille d’annonces paroissiales en voyant à la fin de chaque présentation de groupe ou d’activité, un petit refrain : « venez ! » « rejoignez-nous ! » « n’hésitez pas à venir ! » « venez ! »
C’était pour lui la marque un peu pathétique d’une Eglise qui n’arrive plus à fédérer autour de ses projets, qui ne trouve plus d’autres moyens que de mendier, qui lance des appels désespérés en sachant très bien que personne n’y répondra.
C’est vrai, ces « venez nous rejoindre » sonnent comme des bouteilles à la mer un peu dérisoires.

Mais qui suivrait quelqu’un qu’il n’aime pas ? Quelque chose ne tourne pas rond dans nos « venez nous rejoindre »: ce n’est pas nous qu’il faut rejoindre, c’est Dieu !
Si nous aimions Dieu, si nous vivions une histoire d’amour avec Dieu le prochain et soi-même, nous n’aurions qu’un désir : ce serait de le rejoindre Lui, de travailler à sa joie, de donner toutes nos énergies pour Lui, pour répondre à son amour !
Aimer Dieu n’est pas une théorie, ce n’est pas un délire mystique bon pour quelques carmélites illuminées du temps jadis, aimer Dieu son prochain et soi-même c’est un commandement !
Ce n’est pas de la sensiblerie, ce n’est pas de l’eau de rose, c’est Loi !
Et c’est important de le rappeler : si l’on aime Dieu, on ne commet pas de meurtre en son nom. Parce qu’aimer Dieu c’est aimer aussi l’autre et soi-même… sans distinction.

Certains me diront : « il vaut mieux aimer d’abord les hommes, après on verra pour Dieu... »
Voici un petit texte de Frère Luc, le moine médecin de Tibhirine :
« Les hommes croient qu’il faut d’abord aimer les hommes et ensuite Dieu. Moi aussi j’ai fait comme cela, mais cela ne sert de rien. Quand au contraire, j’ai commencé d’aimer Dieu, dans cet amour de Dieu j’ai trouvé mon prochain. Dans cet amour de Dieu, mes ennemis aussi sont devenus mes amis »

Est-ce que j’aime Dieu ?
Est-ce que je suis un amoureux de Dieu si je n’ai aucune envie de lire sa Parole avec mes frères, si je n’ai aucune envie de me plonger dans sa Parole pour savoir ce qu’il a à me dire ?
Quel genre d’amoureux suis-je si je n’ai aucune envie de venir le prier avec d’autres ? De passer une demi-heure par semaine devant sa croix, ou sous le regard de Marie, ou en oraison ?
Quel amoureux suis-je si je n’ai aucune envie d’aider mes frères, ceux qui ont besoin de moi ?
Quel amoureux suis-je si la beauté et la justesse de sa louange dans la liturgie n’ont aucun intérêt pour moi ?

Vous avez entendu peut-être les messages gouvernementaux contre l’épidémie : « Quand on aime ses proches, on ne s’approche pas trop»… et bien avec le Seigneur, pas de danger de le contaminer. Si on l’aime, on s’approche.

On ne peut pas se forcer à être amoureux. On ne peut forcer personne à aimer quelqu’un.
Mais c’est ici un commandement… un commandement au futur…. « Tu aimeras ».
Ne perdons pas espoir : un jour, c’est certain, c’est donné comme promesse : Un jour, chacun pourra dire : J’aime.

Je laisse la voix de frère Luc conclure :
« Je n’aime pas Dieu : même envahi de la conviction que Dieu est Amour,
je sens d’autant plus fortement que je n’aime pas ce Dieu qui m’aime.
L’aveu, c’est de découvrir cela et de le dire à Dieu.
Dans une humble confession :
Tu es l’Amour dont je suis tout incapable
si tu ne donnes la capacité de t’aimer. »

Amen
Sylvain diacre

 

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