Il eut faim / Matthieu 4 / Une homélie

"Il eut faim." Cela fait quarante jours que Jésus jeûne. Et au bout de ces quarante jours et quarante nuits Jésus a faim !
Jésus a faim. C'est par le biais de cette faiblesse que le diable s'approche et tente sa séduction.
Le diable brouille les pistes. Il s'adresse à Jésus par le titre de Fils de Dieu. Mais c'est quand Jésus a faim que le diable l'aborde. La faim, une sensation très humaine, très biologique.
C'est compliqué de contrôler sa faim, surtout après quarante jours de jeûne. Le corps veut vivre. Le corps répugne à s'attaquer à lui-même pour se nourrir et tirer de l'énergie pour avancer.
Pendant sa retraite au désert, on peut imaginer que Jésus a prié, on peut imaginer qu'il a médité, qu'il s'est préparé à la grande mission de son Père. Ce qui le divertit de sa prière, c'est la faim. C'est son estomac qui se rappelle à sa mémoire et le distrait.
Mais depuis quarante jours, que fait-il ? Que fait-il depuis qu'il s'est retiré? Il a dû méditer en profondeur la parole de Dieu. Il l'a tant méditée qu'elle s'est faite vraiment nourriture pour lui. "L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu."
Et le diable s'est approché de Jésus comme le serpent dans la Genèse, il lui propose de la nourriture comme il le fit aux premiers hommes dans le jardin.
Le texte de la Genèse évoque aussi une tentation autour de la nourriture, c'est par la nourriture que le péché entre dans le parcours de l'homme. C'est en mangeant du fruit de l'arbre défendu que l'homme chute. Mais, il n'est pas dit que ce soit la faim, celle de l'appel de l'estomac, qui pousse l'homme à manger. C'est plutôt le doute dans la parole de Dieu, l'homme croit dans ce que lui susurre le serpent. Car le serpent, il parle, et juste une parenthèse, le serpent y perd beaucoup dans l'histoire, il perd à la fois l'usage de la parole et les pattes qui lui servaient pour marcher.
Donc c'est dans le doute dans la parole de Dieu que l'homme chute, et c'est dans la foi dans la parole de Dieu que Jésus vient sauver l'homme.
La deuxième tentation du diable s'adresse encore à la nature humaine de Jésus bien qu'il l'interpelle encore avec la même expression de "Fils de Dieu". Dans cette seconde tentation, il lui propose de mettre en danger son corps, son intégrité humaine en l'incitant à plonger dans le vide depuis le lieu où les Juifs adorent Dieu.
Jésus respecte son corps. Son corps c'est Lui. Il n'habite pas un corps qu'il agiterait comme un pantin. Il est vrai homme.
La troisième tentation est certainement la plus humaine de toutes, car le diable s'adresse, à travers Jésus, à cette part en nous qui cherche le pouvoir sur les autres, sur le monde, sur les événements. Il fait croire que gouverner et se couvrir de gloire est chose facile.
Il fait croire que la gloire est à ceux qui se compromettent avec lui, le malin. C'est comme s'il n'y avait pas de chemin possible pour vivre dans le monde d'une manière juste et cohérente avec les commandements de Dieu, avec le soutien du Père.
"C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. "
Le diable attaque toujours là où il sent qu'il y a le plus de faiblesses.
Mais la force et la puissance de Jésus s'appuient, se fondent sur sa faiblesse. C'est en se faisant homme que Dieu vient nous sauver. C'est en rejoignant les pécheurs que Jésus vient guérir ce qui est perdu.
Aujourd'hui, nous célébrons le premier dimanche du carême, nous entrons dans le carême, et comme nous l'a dit Monseigneur Ricard lors de la messe des Cendres : "entrer en Carême, c'est donc partir au désert et vivre son Carême, c'est entrer dans l'expérience du désert."
Pour ce temps de carême, nous sommes invités à suivre le Christ au désert et à éprouver notre corps pour s'entrainer à résister à la tentation. Nous sommes invités à la suite de Jésus à nous appuyer sur nos faiblesses pour combattre ce qui nous plonge dans les ténèbres.
Mes amis, soutenons-nous les uns les autres dans la prière pour entrer dans le combat.
Mes amis, entrons au désert ensemble et partageons la parole de Dieu, pour qu'elle soit pour nous véritable nourriture.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.