Et moi je vous dis / Mt 5 17-35 / Une homélie

Jésus s'assoit au sommet de la montagne, et « ouvrant la bouche », il parle (...)
Qu'est-il en train de mettre en œuvre ? « Je ne suis pas venu détruire la loi et les prophètes, mais accomplir ». Il vient accomplir la Loi.

Avant lui donc, la Loi est incomplète, il lui manque quelque chose.

La Loi, c'est ce qui fait que nous pouvons vivre ensemble sans nous déchirer.
Elle est là pour rendre possible la société des Hommes, dans la justice, le respect et la paix.
Elle pose les limites symboliques nécessaires à ce que la vie des Hommes grandisse, à ce qu'il y ait une juste distance entre nous.
La Loi, elle est reçue de Dieu, par Moïse, au sommet d'une autre montagne.
La Loi, ce n'est pas qu'une affaire d'hommes à hommes, c'est l'alliance que Dieu désire établir avec les hommes. Jésus semble ajouter, coller des annexes à la Loi :
« tu ne tueras pas » avec « tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. »
« tu ne commettras pas d'adultère » et « tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur »

Tu ne tueras pas... ça va... je n'ai jamais tué personne... mais se mettre en colère contre son frère... alors là, ça se complique. 
Tu ne commettras pas d'adultères... très bien... mais regarder l'autre avec désir... ça demande réflexion.
Alors quoi ? Jésus viendrait sous prétexte de compléter la Loi, la rendre encore plus dure ? Encore plus difficile ? Il viendrait multiplier les occasions de chutes ? multiplier les radars qui nous prennent en défaut ? Instaurer une loi morale devant laquelle seuls les purs pourraient tenir ? En nous demandant une justice qui surpasse celle des scribes et des pharisiens, il nous demanderait d'être des super-scribes ? Des super-pharisiens ?
« Vous avez appris qu'il a été dit » / « mais moi je vous dis »
L'accomplissement de la Loi, il se fait là.
Dans cette bascule, dans ce changement de sujet.
Par le Christ, la Loi devient un corps qui parle. Il y a quelqu'un qui dit « je », qui a l'audace de dire « je ». Il ne s'agit plus de mots gravés sur une pierre, il s'agit de la vibration de la voix de quelqu'un (...).
Par ce glissement, la Loi est ouverte, dépliée, il ne s'agit plus de nous mettre à la suite d'un texte, même si ce texte vient de Dieu, il s'agit d'être rejoint par la voix d'un vivant qui nous parle. Qui nous parle aujourd'hui.
Surpasser les scribes et les pharisiens, ce n'est pas rajouter une couche de légalisme, c'est découvrir que quelqu'un parle dans la Loi.


Il ne lit pas la Loi, il n’interprète pas la Loi, il n'y colle pas de nouveaux articles,
il la dit, il la parle, il la fait passer dans un corps, dans une chair.
Ce qui manquait à la Loi, c'était le Corps
Alors tuer et « se mettre en colère contre son frère », c'est la même chose...
Et voilà pour la première fois dans l'évangile, le mot frère qui surgit.
En disant la Loi, Jésus nous donne des frères.
Alors commettre l'adultère et se saisir de l'autre par le regard, c'est la même chose...
L'adultère désormais se fait « dans le cœur ».
Alors jurer n'est plus possible parce que c'est se saisir de Dieu.

Sommes-nous capables dans nos vies, de discerner la voix de celui qui vient accomplir toutes choses ?
Sommes-nous capables d'entendre la voix qui vient ouvrir la Loi et lui donner la couleur de la grâce ?
Méliton de Sardes écrit au deuxième siècle :
« La Loi est ancienne, mais le Verbe est nouveau. La Loi est devenue le Verbe, et, d'ancienne, elle est devenue nouvelle, le commandement s'est transformé en Grâce, la figure en vérité, l'agneau est devenu fils, la brebis est devenue homme et l'homme est devenu Dieu »
╬ Amen

Sylvain diacre