Les futurs baptisés de Pâques

    Les adultes qui seront baptisés à Pâques 2025 étaient réunis à l'abbaye du Rivet pour une journée de partage sur l'engagement du baptême le samedi 21 septembre. Ils ont rencontré une sœur qui a témoigné de sa vie. Ils ont profité des journées du patrimoine pour visiter l'abbaye.

Occasion de chute / Mc 9 38-48 / Une homélie


Je travaille en ce moment sur un chantier dans la cathédrale de Bayonne. Dans ces cas-là, on se retrouve bien souvent dans les lieux aux heures où le public n’entre pas.
Ainsi, depuis plusieurs semaines, au petit matin, quand la cathédrale est encore fermée au public et plongée dans la pénombre, je vois un jeune prêtre célébrer seul la messe, en latin, de dos, revêtu de tous les ornements liturgiques du 18ème siècle, avec clochettes et dentelles.
Si je suis un peu honnête, je suis bien obligé d’entendre en moi une petite voix qui dirait « Seigneur nous en avons vu un… qui n’est pas de ceux qui nous suivent ». Et il me faut alors entendre cette réponse « laisse faire, qui n’est pas contre nous est pour nous »

Car le seul danger, la grande menace, c’est de faire chuter un petit qui croit.
Mais qui sont-ils ces petits dans la foi ?
« Si ta main est pour toi une occasion de chute’… « pour toi »
Nous sommes, chacun de nous, le petit dans la foi. Nous voilà à la fois ceux qui scandalisent et ceux qui tombent. Nous sommes pour nous-même occasion de chute parce que nous sommes petits.

« Si ta main, si ton pied, si ton œil »… Les voilà les occasions de chutes. La main, le pied et l’œil…. Et rien d’autre. Des membres, des organes qui marchent normalement par deux et qui se retrouvent ici au singulier. Comme si une main sur deux pouvait tout à coup devenir autonome et commettre un acte dangereux. Comme si un pied sur deux pouvait seul décider de prendre un chemin interdit. Comme si un œil sur les deux se mettait à avoir un regard mauvais. Cette main, ce pied et cet œil, mieux vaut alors s’en défaire.

On comprend bien que Jésus ne nous demande pas de nous mutiler pour résoudre nos penchants pervers en nous proposant d’aller au paradis manchots ou borgnes plutôt qu’en enfer avec nos deux mains et nos deux yeux. Un détail devrait nous alerter : Jésus ne nous invite pas à entrer dans la vie éternelle comme certaines traductions veulent nous le faire entendre. Le texte dit simplement « entrer dans la vie », dans la vie tout court.
Ce n’est pas un scénario pour après, c’est un enjeu pour maintenant, pour savoir si oui ou non nous sommes vivants.

Pour entrer dans la vie, il se pourrait que nous ayons besoin de nous délester de ce qui, en nous, fait chuter le petit qui croit.

Le grand, le grand croyant, sûr de son coup, sûr de sa foi, sûr d’avoir raison, sûr d’être du bon côté, celui qui juge les pratiques différentes comme des pratiques forcément fausses, celui qui se méfie du prêtre bayonnais qui célèbre en solitaire sa messe en latin dans la pénombre de la cathédrale, celui-là n’est pas concerné.
C’est le petit qui est en danger, le petit croyant en chacun de nous, celui qui hésite, qui s’interroge, qui se sent fragile. C’est celui-là que le Christ s’est choisi. C’est lui qu’il veut protéger de toute chute.

Pour entrer dans la vie, la petite part fragile de notre foi peut très bien avoir besoin que nous abandonnions la main qui saisit sans qu’on lui donne, la main qui prend au lieu de recevoir. Le pied qui retourne en arrière, le pied qui écrase au lieu de danser. L’œil qui juge et qui condamne, l’œil qui se ferme au lieu de pleurer avec son frère.

Pour faire entrer dans la vie le petit que nous sommes en vérité dans la foi, il ne faut pas avoir peur d’être incomplet, qu’importe s’il manque des morceaux. Il se pourrait même que nul n’entre dans la vie sans être boiteux, manchot ou borgne. Nul n’entre dans la vie, dans la vie véritable, sans avoir perdu des plumes, nul n’entre dans la vie sans blessures. Les complets, les intacts… ceux-là se dirigent dans un feu…

Je ne comprends rien à ce que fait chaque matin ce prêtre dans cette cathédrale. Ça ne correspond à rien de ce que j’ai compris de l’eucharistie, tout m’agace là-dedans. Mais au fond, qu’importe, qui suis-je pour juger s’il est à la suite du Christ ou non ? Ce qui doit me préoccuper, ce n’est pas l’autre qui ne pense pas comme moi, qui ne célèbre pas comme moi… c’est celui qui, en moi, bouscule le petit qui veut croire. C’est ce combat intérieur entre moi et moi-même.
Entre ce qui en moi s’attache à rester intact et sans perte et le minuscule qui porte ma foi et qu’une main, un pied ou un œil, suffit à faire tomber.

Seigneur garde-nous de cette main desséchée, de ce pied conquérant, de cet œil orgueilleux. Que mon âme soit en moi comme un enfant, un petit enfant près de sa mère (ps 130) Un petit enfant qui entre dans la vie.

╬ Amen
Sylvain diacre

    Note :
Certains ont été choqués par cette homélie, y entendant une critique ou un jugement d’une certaine « sensibilité », d'un mode de célébrer d’un certain clergé. On nous a reproché un esprit de division, une instrumentalisation de la prédication à des fins personnelles et idéologiques.

Pardon pour ceux qui ont pu être blessés.

Notre propos est exactement contraire à l’esprit de division : Cette homélie affirme avec force que nul ne peut juger de la pratique de l’autre et que ne pas comprendre telle ou telle position n’autorise en aucun cas l’exclusion « ne l’empêchez pas, qui n’est pas contre nous est pour nous ».
Il n’y a pas un mot dans cette homélie qui juge ou qui condamne ce prêtre rencontré au petit matin. Pas un mot qui laisse entendre qu’il se trompe ou qu’il devrait faire autrement…. Ce n’est pas ici la question.
Il y a un « je » qui est troublé par le spectacle qui lui est donné à voir (qu’il avoue ne pas comprendre), et qui entend, dans l’Evangile, que ce trouble importe peu, que la vraie question n’est pas extérieure mais que le combat est (toujours) intérieur.

Qui suis-je ? / Mc 8, 27-35 / Une homélie

         Dimanche dernier : « Ephata ! Jésus ouvre les oreilles et libère la parole d’un homme. Aujourd’hui, nous entendons Isaïe dire ‘Dieu m’a ouvert les oreilles’ et il ne se dérobe pas à ce qu’il doit dire. Dans la confiance, il fait face aux outrages, à ceux qui l’attaquent en justice.

         Jésus, dans cette même disposition, de prophète, annonce avoir à faire face aux adversaires qui veulent l’empêcher de parler et qui le mettront devant les juges qui le condamneront.

         Résolument, Jésus annonce à ses disciples le sort qui l’attend. Il ne peut pas se taire. Il proclame ce qu’il a vu et entendu de Dieu, la source de la Vie, la source de tout amour, lui qu’il appelle son père, un Père pour toute l’humanité qu’il amie sans limite.

         Jésus invite ses disciples à dire ce qu’ils entendent autour d’eux de ce que peut représenter Jésus puis ce qu’il est pour eux. Depuis le début de leur aventure avec Jésus, les disciples se posent la question : ‘Mais qui est-il donc ? même le vent et la mer lui obéissent !’ (Mc 4,41)

         Et nous ! Qu’est donc Jésus pour nous au-delà des mots du Credo de l’Eglise ? Que pouvons-nous en dire. Quelques fois, nos proches, des voisins, des collègues de travail peuvent nous poser la question… et c’est bien difficile de répondre.

         Saint Jacques nous donne la réponse qu’il a choisie : ‘C’est par les œuvres que je dis ma foi !’

         N’ayons pas peur de dire avec nos mots, nos mots de tous les jours ce Christ en qui nous avons mis notre confiance et œuvrons ensemble pour un monde de justice et de paix.

         Amen

Vincent Garros

 

"Il marche"

« Il marche, sans arrêt, il marche…
Ce que l’on sait de lui, on le tient d’un livre…
Ils sont d’abord quatre à écrire sur lui…
La mort, le vent, l’injure, il reçoit tout de face sans ralentir son pas…
Il va droit à la porte de l’humain…
Il est juif par sa mère, juif par son père, éternellement juif par cette façon d’aller partout sans trouver nulle part un abri…
Il ne parle que de la vie, avec ses mots à elle : il saisit des morceaux de la terre, les assemble dans sa parole, et c’est le ciel qui apparaît…
Ce qu’il dit est éclairé par des verbes pauvres : prenez, écoutez, venez, partez, recevez, allez…
Il est doux et abrupt. Il brise, il brûle et il réconforte…
Il vient d’une famille où on travaille le bois. Il travaille les cœurs qui sont autrement plus durs que le bois…
 
L’homme qui marche. (Extraits) Christian BOBIN

    En ce début d’année scolaire 2024, enfants, jeunes, hommes et femmes de tous âges, continuons, prenons ou reprenons, notre marche de disciple. En chemin, mettons-nous à l’écoute, découvrons,  redécouvrons ces paroles singulières de ce Jésus de l’histoire dans les Évangiles. En Église, faisons l’expérience, ensemble de ce Christ qui est présent à notre monde et nous invite à y travailler pour plus de justice et de paix.

    Préparons-nous à l’année jubilaire de 2025 que le pape François mettra sous le thème de l’Espérance.

Vincent GARROS

Les mains sales / Mc 7 1-23 / Une homélie


Petite leçon d’hygiène à destination des disciples.
Les disciples mangent avec les mains sales. La traduction utilise beaucoup les mots « pur » et « impurs »… mais il s’agit bien d’être sale, ou sali.
Pour les religieux, manger avec les mains sales, c’est contraire à la tradition. En mangeant avec les mains sales, les disciples ne posent pas un problème d’hygiène, ils posent un problème de respect de la tradition.

Alors jésus va régler son compte à la tradition :
« hypocrites ! (…) Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. (...) vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »

Nous vivons des temps où la question de la tradition est un terrain miné. L’Église est empêtrée dans cette histoire et celui qui oserait s’y aventurer serait bien courageux. Car se lèvent ici où là les champions de la tradition. Ils brandissent joyeusement ce mot comme une bannière, expliquant à qui veut l’entendre la certitude de leur position. Mais il suffit de se pencher un peu sur l’histoire de l’Église pour apprendre la modestie.
Il faut l’intelligence d’Yves Congar, un des plus grands théologiens du XXème siècle, pour intituler son étude historique sur la tradition, de ce titre qui dit tout : « La tradition et les traditions ».

Car quoi de plus volatile que la tradition ? Quoi de plus changeant ? « sujet au mouvement périodique et aux éclipses » (Jc 1 17)

90 % des couples qui se présentent pour préparer leur mariage affirment d’abord qu’ils veulent se marier à l’Église parce que « c’est la tradition ». Eux qui n’ont jamais ouvert une Bible et qui n’ont aucune vie d’Eglise, les voilà qui se proposent de fonder leur mariage sur : « la tradition ».
Très bien…. C’est probablement un désir louable. Mais il va bien falloir glisser du Christ dans l’affaire, mettre un peu d’Evangile. Mettre du cœur et plus seulement des lèvres.
Car il est là le problème. Elle est là la bascule : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. »
Quelle distance entre nos lèvres et notre cœur ? Combien d’écart ? Combien de kilomètres ?

Les disciples ont les mains sales en effet, mais ils ont le cœur propre.
Et la vraie saleté, celle qui nous met en danger, celle qui peut nous faire périr, ce n’est pas celle que nous rapportons du marché, c’est celle qui sort de notre propre cœur. Le savon de la tradition ne peut rien contre cette crasse-là :
« Paroles mauvaises, inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil, démesure. »
Voilà de quoi notre cœur est capable. Voilà la crasse qui risque de mettre à mal notre repas. Ce repas pour lequel nous nous présentons maintenant.

Allons-nous le prendre avec les mains bien propres, bien lavées sous le robinet de la tradition, mais le cœur pas très net ?
Ou allons-nous assumer nos mains sales de disciples ? Salies aux travaux du monde, Salies sur la place du marché, là où sont nos frères et sœurs, là où ils nous attendent. Salies dans les douleurs de nos frères, dans leurs fatigues, dans leurs doutes, dans leurs larmes… salies de cette sainte crasse.

Laissons la tradition aux champions de la tradition… en attendant la prochaine tradition… et ancrons nos vies dans l’Evangile du Christ
« Accueillons dans la douceur la Parole semée en nous ; c’est elle qui peut sauver nos âmes. Mettons la Parole en pratique, ne nous contentons pas de l’écouter : ce serait nous faire illusion. » (Jc 1 21-22)

    Que Dieu bénisse nos mains sales
        et qu’il préserve notre cœur de toute souillure.

Amen
Sylvain diacre