Les mains sales / Mc 7 1-23 / Une homélie


Petite leçon d’hygiène à destination des disciples.
Les disciples mangent avec les mains sales. La traduction utilise beaucoup les mots « pur » et « impurs »… mais il s’agit bien d’être sale, ou sali.
Pour les religieux, manger avec les mains sales, c’est contraire à la tradition. En mangeant avec les mains sales, les disciples ne posent pas un problème d’hygiène, ils posent un problème de respect de la tradition.

Alors jésus va régler son compte à la tradition :
« hypocrites ! (…) Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. (...) vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. »

Nous vivons des temps où la question de la tradition est un terrain miné. L’Église est empêtrée dans cette histoire et celui qui oserait s’y aventurer serait bien courageux. Car se lèvent ici où là les champions de la tradition. Ils brandissent joyeusement ce mot comme une bannière, expliquant à qui veut l’entendre la certitude de leur position. Mais il suffit de se pencher un peu sur l’histoire de l’Église pour apprendre la modestie.
Il faut l’intelligence d’Yves Congar, un des plus grands théologiens du XXème siècle, pour intituler son étude historique sur la tradition, de ce titre qui dit tout : « La tradition et les traditions ».

Car quoi de plus volatile que la tradition ? Quoi de plus changeant ? « sujet au mouvement périodique et aux éclipses » (Jc 1 17)

90 % des couples qui se présentent pour préparer leur mariage affirment d’abord qu’ils veulent se marier à l’Église parce que « c’est la tradition ». Eux qui n’ont jamais ouvert une Bible et qui n’ont aucune vie d’Eglise, les voilà qui se proposent de fonder leur mariage sur : « la tradition ».
Très bien…. C’est probablement un désir louable. Mais il va bien falloir glisser du Christ dans l’affaire, mettre un peu d’Evangile. Mettre du cœur et plus seulement des lèvres.
Car il est là le problème. Elle est là la bascule : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. »
Quelle distance entre nos lèvres et notre cœur ? Combien d’écart ? Combien de kilomètres ?

Les disciples ont les mains sales en effet, mais ils ont le cœur propre.
Et la vraie saleté, celle qui nous met en danger, celle qui peut nous faire périr, ce n’est pas celle que nous rapportons du marché, c’est celle qui sort de notre propre cœur. Le savon de la tradition ne peut rien contre cette crasse-là :
« Paroles mauvaises, inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil, démesure. »
Voilà de quoi notre cœur est capable. Voilà la crasse qui risque de mettre à mal notre repas. Ce repas pour lequel nous nous présentons maintenant.

Allons-nous le prendre avec les mains bien propres, bien lavées sous le robinet de la tradition, mais le cœur pas très net ?
Ou allons-nous assumer nos mains sales de disciples ? Salies aux travaux du monde, Salies sur la place du marché, là où sont nos frères et sœurs, là où ils nous attendent. Salies dans les douleurs de nos frères, dans leurs fatigues, dans leurs doutes, dans leurs larmes… salies de cette sainte crasse.

Laissons la tradition aux champions de la tradition… en attendant la prochaine tradition… et ancrons nos vies dans l’Evangile du Christ
« Accueillons dans la douceur la Parole semée en nous ; c’est elle qui peut sauver nos âmes. Mettons la Parole en pratique, ne nous contentons pas de l’écouter : ce serait nous faire illusion. » (Jc 1 21-22)

    Que Dieu bénisse nos mains sales
        et qu’il préserve notre cœur de toute souillure.

Amen
Sylvain diacre

1 commentaire:

  1. merci pour cette homélie ! avec celle de la messe télévisée en Bretagne, me voilà nourrie pour un moment ! Brigitte

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