Petite
leçon d’hygiène à destination des disciples.
Les
disciples mangent avec les mains sales. La traduction utilise
beaucoup les mots « pur » et « impurs »…
mais il s’agit bien d’être sale, ou sali.
Pour
les religieux, manger avec les mains sales, c’est contraire à la
tradition. En mangeant avec les mains sales, les disciples ne posent
pas un problème d’hygiène, ils posent un problème de respect de
la tradition.
Alors
jésus va régler son compte à la tradition :
« hypocrites !
(…)
Ce
peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. (...)
vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous
attacher à la tradition des hommes. »
Nous
vivons des temps où la question de la tradition est un terrain
miné. L’Église est empêtrée dans cette histoire et celui qui
oserait s’y aventurer serait
bien
courageux. Car
se lèvent ici où là les champions de la tradition. Ils brandissent
joyeusement ce mot comme une bannière, expliquant à qui veut
l’entendre
la certitude de leur position.
Mais il suffit de se pencher un peu sur l’histoire de l’Église
pour apprendre la modestie.
Il
faut l’intelligence d’Yves Congar, un des plus grands
théologiens
du XXème
siècle, pour intituler son étude historique sur la tradition, de ce
titre qui dit tout : « La
tradition et les traditions ».
Car
quoi de plus volatile que la tradition ? Quoi de plus
changeant ? « sujet
au mouvement périodique et
aux éclipses » (Jc
1 17)
90 %
des couples qui se présentent pour préparer leur mariage affirment
d’abord qu’ils veulent se marier à l’Église parce que « c’est
la tradition ». Eux qui n’ont
jamais ouvert une Bible et qui n’ont aucune vie d’Eglise,
les voilà qui se
proposent
de fonder leur mariage sur : « la tradition ».
Très
bien…. C’est probablement un désir louable. Mais il va bien
falloir glisser du Christ dans l’affaire, mettre un peu
d’Evangile. Mettre du cœur et plus seulement des lèvres.
Car
il est là le problème. Elle est là la bascule : «
Ce
peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. »
Quelle
distance entre nos lèvres et notre cœur ? Combien d’écart ?
Combien de kilomètres ?
Les
disciples ont les mains sales en effet, mais ils ont le cœur propre.
Et
la vraie saleté, celle qui nous met en danger, celle qui peut nous
faire périr, ce n’est pas celle que nous rapportons du marché,
c’est celle qui sort de notre propre cœur. Le savon de la
tradition ne peut rien contre cette crasse-là :
« Paroles
mauvaises, inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités,
méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil,
démesure. »
Voilà
de quoi notre cœur est capable. Voilà la crasse qui risque de
mettre à mal notre repas. Ce repas pour lequel nous nous présentons
maintenant.
Allons-nous
le prendre avec les mains bien propres, bien lavées sous le robinet
de la tradition, mais le cœur pas très net ?
Ou
allons-nous assumer nos mains sales
de disciples ? Salies
aux travaux du monde, Salies
sur la place du marché,
là où sont nos frères et sœurs, là où ils nous attendent.
Salies dans les douleurs
de nos frères, dans leurs fatigues,
dans leurs doutes, dans leurs larmes… salies de cette sainte
crasse.
Laissons
la tradition aux champions de la tradition… en attendant la
prochaine tradition… et ancrons nos vies dans l’Evangile du
Christ
« Accueillons
dans la douceur la Parole semée en nous
; c’est elle qui peut sauver nos
âmes. Mettons
la Parole en pratique, ne nous
contentons
pas de l’écouter : ce serait nous
faire illusion. » (Jc
1 21-22)
Que
Dieu bénisse nos mains sales
et
qu’il préserve notre cœur de toute souillure.
╬ Amen
Sylvain
diacre
merci pour cette homélie ! avec celle de la messe télévisée en Bretagne, me voilà nourrie pour un moment ! Brigitte
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