Dans
les premières lignes de l’Evangile de Jean, on entend déjà
parler du monde : « La lumière, la véritable,
qui illumine tout homme venait dans le monde. Elle
était dans le monde, et par elle le monde a paru, et le monde ne l’a
pas connue. »
Aujourd’hui
à nouveau, il est question du monde :
« Moi,
je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce
qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je
n’appartiens pas au monde. »
Il
y a semble-t-il un problème avec ce que Jean appelle le monde,
un tiraillement. Le
Christ nous y envoie, mais il nous précise bien que nous ne sommes
pas du monde. Qu’il y a même une haine du monde envers nous.
Ailleurs,
il nous révèle que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a
donné son Fils » « pour que le monde soit sauvé par
lui » mais il désigne le mauvais comme le prince de ce monde.
Comment
comprendre ?
A
nouveau, nous allons devoir parler de Parole et de Filiation.
Le
monde, ce n’est pas « les autres », ceux qui ne
croiraient pas, par exemple, et qui nous haïraient… penser cela
serait entrer dans un délire de persécution.
Le
monde, ce n’est pas non plus simplement l’espace extérieur, le
lieu où les humains vivraient en attendant « l’autre
monde »… pour l’Evangile, cette distinction n’existe pas.
Pour
Jean, « le monde » serait plutôt à comprendre comme une
logique, une structure, une mécanique qui aurait ses propres
rouages, son propre carburant, ses propres lois, : la grosse
machine des hommes.
La
machine qui tourne pour elle-même, qui remplit les vides, qui donne
les réponses, qui croit aux héros et aux premiers de cordée, qui
promet le bonheur et qui broie les faibles.
Le
monde, semble se caractériser par sa résistance à la venue de la
Parole.
Quand
la parole de Dieu se fait chair en Jésus et qu’elle vient sur les
chemins du monde, il ne la reconnaît pas… plus encore, elle lui
est insupportable, il la refuse, il veut la faire taire, il travaille
à sa mise à mort.
Le
monde se dresse sans cesse contre la Parole…
La
grosse machine des hommes préfère le discours vide, le baratin, la
parole tordue…
Pour
dire « licencier », le monde dira « remercier »,
pour dire « réduire les effectifs », il dira
« mutualiser les ressources », pour dire « malades »,
il préférera « usagers de soins », et pour les compter,
il comptera les lits. « discrimination
positive »,« choc des savoirs » et « réarmement
démographique »… etc etc, et chacun trouvera ses exemples,
et il n’est pas impossible d’en trouver dans le langage de
l’Église elle-même.
Comment
voulez-vous que la Parole, la vraie, puisse se faire entendre ?
Celle
qui brûle les cœurs, celle qui tranche et qui purifie, celle qui
n’élève jamais la voix, celle qui choisit le fin silence de
l’Esprit ?
Si
nous avons des oreilles sensibles à la Parole, si par le baptême,
nos oreilles se sont ouvertes, si nous persévérons à la scruter
dans les écritures, alors, nous n’appartenons plus au monde.
Non
seulement nous ne lui appartenons plus,
mais nous n’en sommes pas, nous n’en venons
pas, nous sommes tirés d’ailleurs, nous sommes fils du royaume et
non plus fils du monde.
Il
y a une figure qui traverse en creux les textes d’aujourd’hui : c’est
celle de Judas. Judas
est peut-être le type même du Fils du monde. C’est
le « Fils de perdition » dit l’Evangile.
Sur
lui, la Parole n’a pas d’effet, il colle désespérément au
discours du monde. Plus
que ça, il se met au service du silence. En
livrant Jésus, il travaille à faire taire la Parole.
Réjouissons-nous
de n’être plus fils du monde. C’est
ce qui nous rend libres
C’est
parce que nous ne sommes pas du monde que nous pouvons y être
envoyés. On
n’est pas envoyé là où l’on est déjà !
Libérés
du monde et donc disponibles pour y agir, pour y porter la Parole
Libérés
du monde pour peut-être pouvoir l’aimer comme le Père l’a aimé
Libérés
du monde pour célébrer dans l’émerveillement l’Agneau de Dieu
qui enlève le péché... du monde.
╬ Amen
Alléluia
Sylvain
diacre
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