Marie, figure de l'ombre / Luc 1 26-38 / Une homélie

Nous voici entrés dans la quatrième semaine de l’avent la plus courte qui se puisse imaginer, puisqu’elle ne durera que quelques heures.
Ce soir, tout à l’heure, nous fêterons Noël. Ce matin Marie reçoit l’annonce, ce soir, elle enfantera. Neuf mois d’attente en neuf heures au cadran de nos montres.
Cette quatrième bougie que nous venons d’allumer n’aura brillé qu’un instant. Il faudra laisser la place à une lumière plus grande, la lumière véritable qui vient dans le monde, l’enfant couché dans la mangeoire.
La lumière vient. Celle qui éclaire tout homme, celle qui traverse les ténèbres de nos vies. Mais pour que cette lumière se lève ce soir, il va falloir de l’ombre. Cette lumière ne surgira que parce que quelqu’un va consentir à être mis à l’ombre. Ce quelqu’un, c’est Marie.
 
Marie, au jour de l’annonce, n’est pas la Vierge de lumière de nos cantiques. Marie n’est pas la Vierge glorieuse, entourée de rayons, d’éclats et d’angelots. Le programme que lui propose l’ange, ce n’est pas d’habiter la lumière, c’est de se tenir dans l’ombre :
« L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » Le texte dit : « te couvrira d’ombre »

Marie comme figure de l’ombre.

L’ange ne lui propose pas une place d’honneur. Il ne lui propose pas les feux de la rampe. Il ne lui promet pas la gloire et le piédestal des autels dorés. Il lui promet l’ombre. L’ombre de la puissance du très-haut.

Et Marie consent
Marie se fait l’esclave du Seigneur, elle prend sur elle l’ombre du très-haut
Et en entrant dans l’ombre, la lumière germe en son sein
Parce qu’elle est une figure de l’ombre, la lumière peut se blottir en elle.
Parce qu’elle accepte d’habiter le pays de l’ombre, la lumière, ce soir, va se lever sur le peuple qui marche dans les ténèbres.
Parce qu’elle disparaît dans l’ombre du très-haut, ce soir, une lumière va resplendir sur ceux qui habitent le pays de l’ombre.

L’ange ne promet pas à Marie de partager la lumière du fils. Elle sera de l’ombre pour toujours pour qu’il soit lumière.

Elle ne sera pas de l’ombre parce que c’est une femme soumise qui s’efface devant la splendeur de l’homme qui vient
Elle ne sera pas de l’ombre parce que c’est une mère modèle qui se sacrifie pour la carrière de son fils brillant
Elle ne sera pas de l’ombre parce que nous sommes complices d’une culture où la femme compterait pour rien et où les hommes seraient des héros
Contresens !
Absurdité !

Elle consent à l’ombre-sur-elle, pour nous rejoindre nous… nous qui sommes de l’ombre, nous qui marchons dans les ténèbres, nous qui sommes les habitants du pays de l’ombre. Elle consent à être ombre pour nous rejoindre dans notre ombre
Pour rendre possible en nous la venue de la lumière
Pour que la lumière prenne chair en nous comme elle l’a fait en elle
Pour que le Fils qui nous sauve vienne se blottir dans nos entrailles comme il l’a fait dans les siennes.

Bienheureuse figure de l’ombre, sombre gloire du très-haut qui choisit le cœur de la nuit pour se manifester. Tout à l’heure, c’est dans l’ombre de la nuit que nous chanterons la Gloire de Dieu que nous avons tue pendant quatre semaines. Tout à l’heure, un autre ange se présentera devant des bergers et la gloire du Seigneur les enveloppera... de sa lumière.

Minuscule quatrième semaine de l’avent. Concentré de temps et d’attente, quelques heures pour contempler Marie, glorieuse figure de l’ombre.

Les mots du psaume sont peut-être les siens :
«  (Seigneur) Garde-moi comme la prunelle de l’œil,
à l'ombre de tes ailes, cache-moi » (ps 16)

╬ Amen
Sylvain diacre

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire