En première lecture ; tirée du livre de la Genèse, nous avons entendu la description d’un rite païen d’alliance. Un sacrifice d’animaux, leur sang répandu à travers lequel « un brasier fumant et une torche enflammée passèrent. Rite ancestral. Ce qui est nouveau c’est l’intervention de Dieu « Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abraham ». Ce rite païen transformé en une promesse C’est le début de l’histoire Sainte, la promesse de Dieu.
Dans une des prières
eucharistiques prononcée par le célébrant nous entendons :
Sanctifie ces offrandes en
répandant sur elles ton Esprit, qu’elles deviennent pour nous le
Corps et le sang de Jésus le Christ Notre Seigneur
Et encore la Parole même
de Jésus :
« Prenez et buvez-en
tous car ceci est la coupe de mon Sang, le Sang de l’Alliance
nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude
en rémission des péchés »
Voilà comment s’accomplit
la promesse de l’Alliance : par la mort de Jésus, son sang
versé. Le sang répandu toujours signe de sa mort et de son
sacrifice et qui par le mystère de sa résurrection de la nuit de
Pâques, devient promesse de résurrection, promesse de vie, la vie
éternelle.
Comment ne pas évoquer
maintenant et ici le sang versé par toutes les victimes de
l’histoire et de notre temps. Les martyrs qui témoignent ;
Les victimes de la violence, du terrorisme, de la haine, de la
mégalomanie et de la guerre comme ces temps-ci les victimes
ukrainiennes et russes.
Et voici que l’Eglise dans
la même liturgie nous propose ce récit du Mont Thabor.
Ce Thabor c'est la montagne de
la splendeur, de l'éblouissement, de la métamorphose. Un coin du
voile se lève, un rayon de la gloire divine s'échappe du corps de
Jésus, quelques jours avant sa passion.
Alors l'entourent les hommes
de la Montagne. Ceux du Sinaï et de l'Horeb. Moïse qui dans le
fracas de l'orage entra dans la nuée pour sceller l'alliance. Elie
pour qui la rencontre ce fut le bruit d'une brise légère, d'un
souffle fragile. ("silence subtil" trad de Chouraqui). Ce
n’est pas un film à grand spectacle qui est proposé.
Moïse et Elie comme pour
signifier que Jésus est bien celui dont tout l'Ancien testament
préparait la venue. Ils apparaissent aussi dans la gloire. Leur
gloire est d’avoir porté une annonce et une attente
Il est important je crois de
ne pas perdre de vue que l'événement étonnant rapporté par Luc se
passe en présence des trois apôtres / Pierre , Jacques et Jean
Ils avaient tout quitté pour
suivre Jésus. Au long des mois passés sur les routes avec lui, ils
l'ont vu vivre avec eux, comme eux; ils ont bien pris conscience du
mystère de leur maître et au prix de conversions successives
parfois éphémères ils ont comme Pierre l'exprime , un peu avant,
reconnu qu'il était le Messie .
Mais voilà que Jésus les
bouscule, les déboussole en leur annonçant sa passion. Dans peu de
temps le corps de Jésus sera défiguré, couronné d’épines,
mourant en croix dans le silence de la non-intervention de Dieu.
Mais là au Thabor c’est
Dieu lui-même vient répondre au scandale suscité par l'annonce du
Destin du Fils de l'homme.
Mais s'il n’y a au Thabor,
ni tempête, ni souffle, voilà qu'une nuée vient interrompre
l'installation et dans la nuée une parole
« Voici mon Fils, mon
bien aimé, écoutez-le ».
La même parole prononcée au
Jourdain. Mais cette fois cette parole semble s'adresser aux
disciples et à travers eux à nous. Pour eux et pour nous est
manifesté le lien unique entre le fils et le Père. Dans ce Jésus
qu'il pensait connaître surgit une figure nouvelle.
Le Fils vient nous dire par sa
transfiguration, qu’il y a en chaque humain une capacité de Dieu.
La lumière sur la face du
Christ révèle notre vrai visage. Elle projette sur nous l'éclat de
notre vocation de Fils et de filles de Dieu, au-delà de tout ce qui
brouille si souvent l'image de Dieu en nous. Car l’homme est
souvent un miroir déformant dans lequel il devient impossible de
lire Dieu
Pendant le carême ne
sommes-nous pas appelés à porter notre regard sur la " face "
de notre être, sur la face de tout humain où se reflète "
l'image et la ressemblance de Dieu"
Nous pouvons alors nous
rappeler que c'est à cet endroit caché en tout homme que devient
possible une relation filiale avec le Père, fraternelle avec le
Christ et avec les autres. Découvrir la lumière du Christ sur les
visages et dans les cœurs. Porter un regard qui soit un cadeau
d'espérance, jusque dans nos ténèbres
Nous sommes invités aussi à
ne pas faire obstacle à la nouveauté radicale qui mûrit
mystérieusement en nous.
Pour laisser surgir du neuf
dans nos vies et dans nos relations dans notre fraternité. Même
dans ce qu'il y a de plus quotidien et de plus ordinaire. Nous avons
vraiment besoin de nous désencombrer pour aller au Christ et
pour que sa Parole nous transfigure.
Il va nous falloir descendre
de la montagne ; Nous ne pouvons pas nous installer, nous
enfermer dans nos rites, dans nos célébrations aussi belles soient
elles.
Au Mt Thabor la vision a
disparu. Mais il reste cette parole "Celui-ci est mon Fils bien
aimé, écoutez-le», qui est comme une parole de tendresse, une
grande lumière qui accompagnera Jésus lors de sa traversée de la
mort. Cette parole est à présent gravée dans notre chair humaine.
Cette tendresse est aussi pour notre temps au milieu des
tribulations, de nos peurs, de nos doutes.
Cette tendresse et aussi pour
l’Eglise que nous sommes tous ensemble. Qu’elle n’oublie jamais
que l’Esprit Saint elle est avant tout le Corps du Christ et non
une institution à animer
Redescendons de la montagne,
faisons silence encore quelques semaines avant que soit manifestée
la lumière qui nous transforme. Mais que dès maintenant
l’Eucharistie que nous allons célébrer ensemble, nous unisse à
la divinité de celui qui a pris notre humanité.
A L’appel de Paul, nous
qui sommes ici rassemblés…. « TENONS BON DANS LE
SEIGNEUR JESUS »
Robert Zimmermann
diacre
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