Les
pharisiens ne reprochent pas à Jésus le manque d’hygiène de ses
disciples, ils lui reprochent leur non-respect des traditions.
Ils
sont donc à un stade où le geste traditionnel est plus important
que sa fonction elle-même. Ils n’imaginent pas ne pas se laver les
mains en rentrant du marché, mais semblent avoir oublié pourquoi
il faut se laver les mains.
La
réponse de Jésus, par la voix d’Isaïe est sans appel : « ce
peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi ».
Et il ajoute :
« Vous
repoussez le commandement de Dieu pour vous attacher à la
tradition ».
Nous
devrions tous ici trembler devant cette parole.
La
Parole vive de l’Evangile ouvre pour nous une exigence de relecture
de notre lien intime avec Dieu, une relecture de nos pratiques
individuelles.
(...)
Qu’en
est-il de nous ? Quand nous prions, quand nous célébrons,
qu’en est-il de nos gestes, de nos paroles, de nos attitudes ?
-
Sommes-nous de lèvre ou de cœur ?
-
Sommes-nous de commandement ou de tradition ?
-
Sommes-nous de liturgie (c’est à dire de l’œuvre commune du
peuple en prière), ou d’usage (c’est à dire la répétition de
gestes qui, au fond, n’ont pas de sens pour nous) ?
-
Sommes-nous dans l’aventure d’une célébration commune ou dans
l’étroitesse d’une dévotion narcissique ?
-
Sommes-nous résolument tournés vers le mystère ou dans la mise en
scène de notre petit théâtre ?
(...)
Au
fond, tout cet évangile travaille cette question :
-
Honorer le Seigneur des lèvres, c’est rester à la surface,
rester à l’extérieur, ne rien engager du dedans… c’est comme
se préoccuper de ne laver que l’extérieur du plat.
-
Tenir son cœur près de Lui, c’est aller chercher le plus
profond, descendre au plus intime. C’est aussi faire le deuil des
mots. Les mots, c’est l’affaire des lèvres : faire des
discours, baratiner. Le cœur lui, parle sans mots.
Le
cœur dans l’évangile, il est soit brûlant, soit transpercé.
Jésus
prolonge la question par une parabole : « Rien de ce
qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre
impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme
impur. »
(...)
Combien
de vies brisées, de vies meurtries, chez des gens qui sont
convaincus d’avoir été souillés, salis ? Une humiliation
dans sa jeunesse, des insultes, du mépris, des injustices… toute
forme de violence dans son enfance, et jusqu’au pire…
« Rien
de ce qui est extérieur à l’homme ne peut le souiller »
L’homme
peut être blessé, meurtrit, mais il n’est jamais sali !
Le
Christ nous le révèle : nos blessures reçues, nos
humiliations subies, toute la crasse que nous pouvons avoir reçue
dans nos vies, rien de tout cela ne nous a entachés.
Il
ne s’agit pas de minimiser nos
blessures, ce qui serait scandaleux, mais d’affirmer que rien
de tout cela ne peut nous
salir.
Blessés
et meurtris, mais sans tâches.
Cette
annonce devrait nous bouleverser, c’est
une annonce sidérante de libération.
Pensons-y
pour nous-même, et pensons-y pour ceux que nous connaissons et qui
s’interdisent de vivre parce qu’ils sont convaincus de ne pas en
être dignes, convaincus
de porter sur eux une tâche infamante.
« Rien
de ce qui est extérieur à l’homme ne peut le souiller »
Chacun
de nous est surface et profondeur.
La
surface, c’est ce qui se tient le plus loin de Dieu, c’est
l’extérieur du plat, c’est l’extérieur du discours, c’est
la surface de la tradition.
La
profondeur, c’est ce que le Seigneur attend de nous, c’est le pur
trésor qu’il ne faut pas souiller par nos propres égarements,
c’est la profondeur de la Parole, c’est la profondeur du
commandement : « Aimez-vous les uns les autres
comme je vous ai aimés ».
╬ Amen
Sylvain
diacre
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