Surface et profondeur / Mc 7 1-23 / Une homélie

Les pharisiens ne reprochent pas à Jésus le manque d’hygiène de ses disciples, ils lui reprochent leur non-respect des traditions.
Ils sont donc à un stade où le geste traditionnel est plus important que sa fonction elle-même. Ils n’imaginent pas ne pas se laver les mains en rentrant du marché, mais semblent avoir oublié pourquoi il faut se laver les mains.

La réponse de Jésus, par la voix d’Isaïe est sans appel : « ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi ». Et il ajoute :
« Vous repoussez le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition ».

Nous devrions tous ici trembler devant cette parole.
La Parole vive de l’Evangile ouvre pour nous une exigence de relecture de notre lien intime avec Dieu, une relecture de nos pratiques individuelles.
(...)
Qu’en est-il de nous ? Quand nous prions, quand nous célébrons, qu’en est-il de nos gestes, de nos paroles, de nos attitudes ?
- Sommes-nous de lèvre ou de cœur ?
- Sommes-nous de commandement ou de tradition ?
- Sommes-nous de liturgie (c’est à dire de l’œuvre commune du peuple en prière), ou d’usage (c’est à dire la répétition de gestes qui, au fond, n’ont pas de sens pour nous) ?
- Sommes-nous dans l’aventure d’une célébration commune ou dans l’étroitesse d’une dévotion narcissique ?
- Sommes-nous résolument tournés vers le mystère ou dans la mise en scène de notre petit théâtre ?
(...)

Au fond, tout cet évangile travaille cette question :
- Honorer le Seigneur des lèvres, c’est rester à la surface, rester à l’extérieur, ne rien engager du dedans… c’est comme se préoccuper de ne laver que l’extérieur du plat.
- Tenir son cœur près de Lui, c’est aller chercher le plus profond, descendre au plus intime. C’est aussi faire le deuil des mots. Les mots, c’est l’affaire des lèvres : faire des discours, baratiner. Le cœur lui, parle sans mots.
Le cœur dans l’évangile, il est soit brûlant, soit transpercé.
 
Jésus prolonge la question par une parabole : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »
(...)
Combien de vies brisées, de vies meurtries, chez des gens qui sont convaincus d’avoir été souillés, salis ? Une humiliation dans sa jeunesse, des insultes, du mépris, des injustices… toute forme de violence dans son enfance, et jusqu’au pire…
« Rien de ce qui est extérieur à l’homme ne peut le souiller »
L’homme peut être blessé, meurtrit, mais il n’est jamais sali !
Le Christ nous le révèle : nos blessures reçues, nos humiliations subies, toute la crasse que nous pouvons avoir reçue dans nos vies, rien de tout cela ne nous a entachés.
Il ne s’agit pas de minimiser nos blessures, ce qui serait scandaleux, mais d’affirmer que rien de tout cela ne peut nous salir.
Blessés et meurtris, mais sans tâches.

Cette annonce devrait nous bouleverser, c’est une annonce sidérante de libération.
Pensons-y pour nous-même, et pensons-y pour ceux que nous connaissons et qui s’interdisent de vivre parce qu’ils sont convaincus de ne pas en être dignes, convaincus de porter sur eux une tâche infamante.
« Rien de ce qui est extérieur à l’homme ne peut le souiller »

(...)
Chacun de nous est surface et profondeur.
La surface, c’est ce qui se tient le plus loin de Dieu, c’est l’extérieur du plat, c’est l’extérieur du discours, c’est la surface de la tradition.
La profondeur, c’est ce que le Seigneur attend de nous, c’est le pur trésor qu’il ne faut pas souiller par nos propres égarements, c’est la profondeur de la Parole, c’est la profondeur du commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».

╬ Amen
Sylvain diacre

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