Le maître de maison sort pour embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Pas
un mot sur le travail qui leur est demandé.
Pas
un mot sur leurs compétences.
Tout
homme se tenant sans rien faire sur la place est possiblement un
ouvrier pour la vigne, il n’y a pas d’entretien d’embauche, pas
de bilan de compétences.
Les
hommes qui se retrouvent embauchés n’ont rien à voir avec la
vigne, ils ne demandent rien.
Ils
ne sont pas candidats, ils ne sont pas demandeurs d’emploi.
Simplement,
ils sont là, sur la place, et ils ne font rien. Ils sont absolument
passifs.
Il
faut que le maître sorte, les voit et leur adresse la parole.
Et
sortir, c’est la grande occupation de ce maître. Toute la journée,
avec obstination, il sort et il prélève une part des inactifs de la
place pour en faire des ouvriers de la vigne.
-
On ne sait rien du travail qu’il faudra exécuter dans la vigne. A
croire que cela importe peu.
Si
l’on ne sait rien du travail on sait par la bouche des ouvriers du
matin, les conditions de travail : il fait chaud et la journée
est longue.
Deux
choses dont le maître n’est pas responsable, deux choses qu’ils
ne peuvent lui reprocher.
-
On a la sensation que le désir du maître n’est pas de faire
travailler de bons ouvriers compétents, mais c’est plutôt de
remplir la vigne d’ouvriers.
-
En fait, ce qui lui importe vraiment, c’est de pouvoir
donner en retour aux ouvriers.
Sa
joie, ce n’est pas de faire travailler des ouvriers, ce n’est pas
non plus que la vigne soit travaillée, sa joie, c’est de donner.
De
donner la même chose à chacun.
Peu
lui importe le temps de travail, peu lui importe la motivation ou la
bonne volonté, il veut donner. Comme si le travail de la vigne était
seulement un prétexte pour donner en retour.
Au
fond, ce qu’il donne, ce n’est pas un salaire. Un salaire doit
être proportionné à la quantité ou à la qualité du travail. Il
ne s’agit pas de ça ici.
Il
donne ce qu’il a envie de donner.
Et,
comme il le dit lui-même, « je vous donnerai ce qui
est juste ». Ce qu’il donne, c’est justice.
Justice
selon ses pensées, pas selon le droit du travail.
Justice
selon son chemin, pas selon le chemin des hommes.
« mes
pensées ne sont pas vos pensées, vos chemins ne sont pas mes
chemins ».
Quand
les ouvriers du matin récriminent, quel est l’objet de leur
récrimination ?
« Tu
fais d’eux nos égaux »
En
leur donnant la même chose qu’à nous, tu nous rends égaux.
Et
bien oui, la logique du royaume semble bien être celle-là :
qui que nous soyons, quoi que nous fassions, du moment que nous nous
tenons dans la vigne, nous recevons ce qui nous rend égaux.
Il
n’y a plus de différence entre nous
Il
n’y a plus de hiérarchie, de préséance, de leaders et de
suiveurs… de premiers et de derniers.
Le
maître, par son bon vouloir, parce qu’il est juste et parce qu’il
est bon, ne fait pas acception des personnes, il donne à chacun la
même chose et chacun devient l’égal de l’autre.
Si
nous tentons de sortir de la parabole
- Où
est la vigne où le Seigneur nous envoie ?
Je
n’en sais rien. n’allons pas trop vite à imaginer la réponse.
Peut-être
simplement est-ce là où sa parole nous envoie.
Alors
ça peut être partout. Partout où nous nous tenons parce qu’il
nous y a envoyés… n’ayons pas peur d’appeler ça notre
« vocation », notre « appel ».
Dans
l’Église ou dans la société civile, dans mon travail ou ma
famille, dans mon couple ou mon célibat, dans ma prière ou mon
attente… La vigne est large, la vigne est sans limites.
- Quel
est notre travail dans la vigne ?
Simplement
y être.
Simplement
accepter de s’y tenir parce que le Seigneur nous y a envoyés.
Laissons
tomber nos fantasmes d’efficacité, de rendement, cessons de croire
qu’il veut que nous soyons le meilleur ouvrier du mois.
Il
recrute de tout, il embauche n’importe qui, il n’a aucun souci de
nos capacités, de notre leadership (voilà un mot atroce qui
s’invite dans nos formations diocésaines* !).
N’oublions
pas : ce qu’il veut avant tout, ce n’est pas notre puissance
de travail, ce qu’il veut s’est nous donner en retour.
- Qu’est-ce
qu’il nous donne ?
La
seule chose qu’il peut donner : son amour.
Le
don unique, systématique, identique pour chacun, c’est son amour.
Il
n’est pas possible pour lui d’en donner plus aux uns et moins aux
autres… son amour est indivisible, il n’y a pas de petites doses
et de grandes portions. Des petites doses pour les petits ouvriers
maladroits et de grandes portions pour récompenser les leaders
hyper-efficaces.
Nous
voilà égaux. Egalisés par son amour. Unifiés, liés, reliés,
fraternisés par le don de son amour. Un don qui échappe à toute
logique, qui échappe à toute mesure.
« mes
pensées ne sont pas vos pensées, vos chemins ne sont pas mes
chemins ».
Le maître ne cesse de sortir pour venir nous chercher
Probablement
parce que nous ce cessons de quitter la vigne.
La
parabole se déroule en un jour, parce que l’embauche se répète
chaque jour.
Ne
nous croyons pas « embauchés » une fois pour toute !
La vocation, l’appel, est à entendre chaque jour, à tout moment
et jusqu’à notre dernière heure.
Nous
n’avons qu’à nous tenir sur la place, les oreilles ouvertes à
son appel, c’est lui qui vient nous chercher.
Il
n’a que faire des leaders, au contraire, il n’aspire qu’à
une chose, que nous soyons égaux, en son amour.
Gravons
au fond de nos cœurs cette phrase qui devrait résonner en nous à
chaque fois que le Seigneur nous déroute :
« mes
pensées ne sont pas vos pensées, vos chemins ne sont pas mes
chemins ».
╬ Amen
Sylvain
diacre
*La fabrication de leaders est absolument contre-évangélique. L'Evangile travaille au surgissement de Serviteurs, de témoins, de disciples, de Saints, de Fils....jamais de leaders.
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