On
connaît l’histoire : un père, deux fils, le plus jeune
s’éloigne avec sa part, l’autre demeure.
Et
voilà que survient une grande famine.
Voilà
que la faim se fait douloureusement sentir.
Sans
cette famine, sans cette faim, il ne se passerait rien dans la tête
de ce fils.
On
dit parfois qu’il se repent, qu’il demande pardon, mais il n’y
a pas de trace de demande de pardon chez lui !
Ce
qui le motive pour retourner vers son père, c’est le souvenir du
bon pain qu’il mangeait auprès de lui.
Ce
qui lui fait envisager un retour, c’est de savoir que les ouvriers
mangent quand lui a le ventre vide.
C’est
son ventre qui parle, c’est sa faim qui le remet en route.
L’autre,
le fils aîné, il a aussi un problème de ventre.
Dans
son amertume, dans sa colère, il y a d’abord un sentiment
d’injustice car son frère a « dévoré » la fortune du
père.
Il
s’est goinfré, il a dévoré.
Lui
de son côté, c’est le chevreau de la fête entre amis qui lui a
manqué.
Il
a souffert de cette faim-là, de ce manque-là.
Il
avait de quoi se nourrir, mais cette nourriture de la fête, cette
nourriture qui n’est pas de la nécessité mais du plaisir, il l’a
attendue en vain.
Sa
colère, elle n’explose pas parce que son père a pardonné à son
frère, mais parce que son père a fait tuer le veau gras pour lui.
Dans
la balance, il ne met pas l’amour du père pour son frère et pour
lui, dans la balance, il met un chevreau et un veau gras.
Le
grand moteur de toute cette histoire, c’est la faim.
Ces
deux frères ont ça en commun : ils souffrent tous les deux de
la faim.
Ils
ont autre chose en commun : ils ne conçoivent pas que leur
nourriture ne leur soit pas donnée.
Ils
n’imaginent pas pouvoir se saisir eux-même de la nourriture dont
ils ont besoin.
Ils
leur faut absolument quelqu’un qui donne.
Quand
à ce père lui-même, qu’en est-il de sa faim ?
Notre
évêque nous rappelait hier soir que lorsque le texte dit qu’il
fut « saisi de compassion », il faut lire « touché
aux entrailles ».
C’est
donc le ventre de ce père qui répond à la vue du fils qui revient.
Ce
n’est pas le cœur, ce n’est pas la tête, c’est le ventre !
Il
était affamé de son fils absent.
La
faim, vous le savez bien, c’est la meilleure figure du désir.
Le
désir qui ne peut se construire que sur un manque.
Nous
avons chanté « goûtez et voyez comme est bon le
Seigneur ». Avons-nous goûté réellement comme est
bon le Seigneur ? Comme il est bon pour notre
faim… comme il est bon comme nourriture.
Car
c’est bien Lui qui se donne en nourriture !
C’est
bien lui qui est à la fois la nourriture et celui qui la donne !
Avons-nous
le goût du Seigneur ?
Avons-nous
le goût de sa Parole ?
Car
cet ambon est une table. On ne se nourrit pas qu’à l’autel, on
se nourrit aussi ici, à l’ambon, pas quand un prêtre ou un diacre
nous parle, mais quand c’est le Seigneur qui parle, quand c’est
lui qui donne son pain...
Réjouissons-nous
Avant
de faire de beaux discours et de belles prières, laissons parler
notre ventre, laissons parler notre faim, si nous sommes déjà
repus, il n’y aura pas de place pour le désir…
que
le matin de Pâques nous trouve comme des affamés !!
Revenons
au père pour le goût du pain qu’il nous donne.
╬ Amen
Sylvain
diacre
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