« Lui
dormait sur le coussin à l’arrière ». Cette
expression, posée là, en pleine action dramatique, a comme un effet
presque comique. Toute la narration du texte d’ailleurs, contemple
ce qui se passe. Le narrateur se situe à l’extérieur mais prend
le parti des disciples au moins dans la première partie.
« Lui
dormait sur le coussin à l’arrière ». C’est la
catastrophe, la tempête ballote la barque. Les vagues font assaut de
l’embarcation. La barque prend l’eau. Les disciples ne savent
plus quoi faire.
Leur
désarroi est déroutant. Mais ne sont-ils pas pêcheurs pour
certains d’entre eux ? N’ont-ils jamais navigué sur ces
eaux ?
Mais
« Lui dormait sur le coussin à l’arrière ».
Jésus s’est installé à l’arrière de la barque. Cette
précision est importante pour qui sait naviguer. Une barque, un
bateau, un navire, d’autant plus quand il s’agit d’un voilier
se pilote toujours de l’arrière. Cette précision désigne qui est
le maître à bord. Le capitaine est bien à bord. Il est là
présent. Mais, il semble qu’il ait abandonné son quart. Il dort.
Mais pourquoi s’est-il endormi ? Ce n’est pas souvent que,
dans les Evangiles, Jésus dort.
Revenons
en arrière dans le texte. Une autre petite phrase est surprenante :
« Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque,
comme il était ». Jésus se laisse mener. Là encore, ce
n’est pas dans ses habitudes. La tendance est plutôt que ce soit
lui qui mène ceux qui le suivent. L’impression est donnée que ce
sont les disciples qui curieusement mènent l’affaire. Ils prennent
Jésus, l’installent à bord et prennent le large. Puisque les
choses sont prises en main, Jésus s’endort. Pas de quoi
s’inquiéter, ce sont des professionnels de la navigation, des
pêcheurs, des pêcheurs du coin.
Ajoutons
encore un élément pour saisir encore mieux le parallèle avec ce
que nous vivons. Les disciples sont désemparés. Ils ne savent plus
quoi faire. Alors, ils réveillent Jésus en lui disant « Maître,
nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? ». D’abord, ils
s’adressent à Jésus comme à un maître. Que faut-il faire
capitaine ? Se mettre bout au vent, se mettre à la cape. Ou
bien choisir la cape fuyante ? Ou encore envoyer la trinquette
et réduire la grand-voile ? Ensuite, ils ne demandent pas
explicitement comment affronter la tempête mais plutôt s’il est
bien avec eux ? C’est de cette manière que je traduis le
« cela ne te fait rien ? ».
Et
à ce moment, à la pointe de la situation, Jésus ne dit pas, virer,
affaler ou bien choquer. Il s’adresse à la tempête et il lui dit
tais-toi. J’ai connu quelques skippeurs, en cas de grand-vent, je
ne les ai jamais vus agir de cette manière.
Jésus,
par son attitude, rappelle qu’il est plus qu’un maître. Certes,
il enseigne, c’est ce qu’il a fait toute la journée. Ce n’est
pas étonnant d’ailleurs que ce soit de cette façon que les
disciples le considèrent.
Jésus,
le Christ, ne nous invite pas à appliquer des valeurs, à suivre des
enseignements. Il nous invite à avoir foi en lui car il est celui
qui mystérieusement veille sur nous à la manière d’un skippeur
bienveillant. Il n’est pas autoritaire. Il est juste là présent
dans la barque de nos vies, à la place où il peut conduire nos vies
si nous lui laissons un tant soit peu la barre. Il est celui qui peut
apaiser nos tempêtes. Il est celui qui attend patiemment qu’on le
sollicite. Il est celui qui, sans se lasser, nous interroge «
Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n'ayez pas la
foi ? »
Ce
passage d’Evangile est tellement révélateur de la manière dont
nous menons nos vies. Nous sommes ici pour la plupart baptisés, ou
en chemin vers le baptême. Nous sommes donc disciples de Jésus. En
disciple nous devrions suivre le Christ. Mais combien de fois est-ce
l’inverse que nous faisons. Nous choisissons la destination et nous
prenons le Christ avec nous pour en faire la justification de nos
convictions.
Laissons
le Seigneur choisir le cap, il sait dans la période de turbulences
que nous connaissons quelle est la meilleure direction à prendre
pour apaiser la tempête, celle de l’Evangile, celle de l’option
préférentielle des pauvres, du bien commun, de la solidarité et
celle de la dignité humaine.
Dans
leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur,
et lui les a
tirés de la détresse,
réduisant la tempête au
silence,
faisant taire les vagues.
Amen !
Dominique
Bourgoin, diacre.