Puisqu’il
faut les aimer, qui sont-ils ?
Il
y a bien des gens que je n’aime pas… est-ce que ce sont eux mes
ennemis ? Non, ça ce sont les ennemis que je m’invente, que
je me construis. Est-ce que j’ai des ennemis ? … j’ai beau
chercher, je n’en vois pas. Des gens qui me voudraient du mal, des
gens qui me feraient la guerre….
Mais
un ennemi, ce n’est pas ça, l’ennemi, c’est simplement le
contraire de l’ami, c’est simplement celui qui ne m’aime
pas.
Alors
oui il y a des gens qui ne m’aiment pas. Aimer ses ennemis, c’est
aimer les gens qui ne nous aiment pas. C’est donc sortir de la
logique du miroir, du donnant-donnant : tu m’aimes/je t’aime.
Tu me donnes/je te donne. Tu me fais du mal/je te fais du mal. Œil
pour œil/dent pour dent.
La
logique du donnant-donnant, c’était ce que nous avions appris.
C’était la leçon bienvenue de la loi qui mettait fin à
l’escalade de la vengeance.
Mais
c’était la loi inaccomplie, la loi sans la voix, sans celui
qui vient et qui ouvre la bouche pour transformer l’Ecriture en
Parole, pour faire basculer le monde de la Lettre à la présence
d’un Corps.
Œil
pour œil dent pour dent, au fond, il se pourrait que ça reste notre idéal de
justice, que notre monde continue de tourner sur cette logique, sans
se l’avouer bien sûr, en arrondissant un peu les angles, mais de
la cour d’école à la cour d’assise, nous n’en sortons pas
tout à fait.
Alors
quand non seulement on ne rend pas la première gifle reçue, mais
qu’on semble se rendre disponible pour une deuxième, c’est
l’irruption du plus grand désordre. C’est même scandaleux.
Cette
parole de Jésus est probablement celle qui aura fait le plus ricaner
le monde au sujet des chrétiens. Faut-il être stupide pour non
seulement ne pas se défendre, mais en redemander ? Celui qui
ferait cela serait au mieux un gros naïf, au pire, quelqu’un qui
aimerait souffrir, une sorte de sado-maso catho.
Jésus
nous demanderait de provoquer la violence contre nous-même pour
faire de nous une victime héroïque, tout en encourageant l’autre
dans sa violence, et en l’enfermant dans son rôle de bourreau ?
Si c’était ça, ce serait une perversion.
Avez-vous
remarqué que le texte ne dit pas « tends-lui la joue gauche »,
ni même « tends-lui l’autre joue » ? Non le texte
dit « tends-lui l’autre »... L’autre on ne sait pas
quoi.
A
celui qui te frappe sur la joue droite, propose-lui de
l’autre.
A
celui qui s’attend à recevoir du même, propose de
l’autre.
De
l’autre pour un œil, de l’autre pour une dent. Partout où il y
a du même, partout où règne le miroir, suscite de l’autre, du
différent, de l’inattendu, de l’inouï.
A
celui qui en veut à ta tunique, donne aussi le manteau qu’il ne te
demande pas. A celui qui comptait se débarrasser de toi au bout d’un
kilomètre, reste encore un kilomètre de plus avec lui.
Aime
celui qui ne t’aime pas.
Il
ne s’agit donc pas ici de devenir « gentils », ni de
devenir des héros doloristes, ni d’être des imbéciles heureux
obéissants à une loi absurde. Il ne s’agit surtout pas de « faire
semblant », dispenser un amour de façade, mettre les formes,
sourire sur commande.
Il
s’agit d’entrer dans une logique qui n’est pas celle du monde,
mais celle du Père. (...)
╬ Amen
Sylvain,
diacre
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