Sauterelles / Mt 3 1-12 / Une homélie

Normalement, dans la nature, les loups mangent les agneaux, les lions ne broutent pas dans les pâturages, l’ourse ne mange pas comme la vache et le léopard n’habite pas avec le chevreau.
Normalement, dans la nature, un rameau sort difficilement d’une vieille souche.
Normalement, un homme n’est pas non plus couvert de poils de chameau, et ne se nourrit pas de sauterelles.

Il se passe quelque chose… quelque chose d’anormal. Ce qui vient, ce que l’on attend, bouleverse les lois de la nature.

Voici que les animaux semblent devenir « civilisés », ils vivent en paix, partagent leurs nourritures, soignent ensemble leurs petits et ne se pourchassent plus.
Et voici qu’un homme paraît comme un animal, un homme « sauvage » couvert de poils et mangeant des insectes…
Et que dit cet homme ? Que dit-il aux hommes civilisés ? Aux habitants des grandes villes, aux savants et aux théologiens ? « Engeance de vipères ! » Fils de vipères ! Vipères vous-même !

Il se passe quelque chose… Ce qui vient, ce que l’on attend, renverse tout.
En révélant la vraie nature des êtres, il met du flou dans les frontières de la nature : ce qui ressemble à un animal est en fait un homme, ce que l’on croyait homme est en fait serpent, du minéral surgissent des enfants à Abraham, et aux humains il est demandé de porter du fruit, d’être de bons arbres….

Je me suis longtemps demandé pourquoi Jean mange des sauterelles. Faisons une hypothèse : Quelle est l’obsession de Jean ? Quel est l’objet de sa colère ? Et quelle figure annonce-t-il ?

L’obsession de Jean, c’est le fruit, c’est la récolte : « produisez un fruit digne de la conversion ! » Ce ne sont pas nos beaux discours qui diront notre vérité, ce sont nos fruits. Portons-nous des fruits de vipères ou des fruits de fils d’Abraham ?

L’objet de sa colère, c’est justement le décalage entre le discours, les postures et la qualité des fruits. On ne peut pas se prévaloir sans cesse de ses racines (surtout par exemple si on y colle l’étiquette « chrétiennes ») et porter des fruits pourris, des fruits de peur, de jugement, d’exclusion ou d’amertume.

La figure que Jean annonce, ce n’est pas : celui qui vient semer, c’est, celui qui vient trier quand la récolte est déjà faite ! Il tient dans la main sa pelle à vanner : ça va faire du tri ! Ça va ventiler ! Il faudra bien que le grain remplisse ses greniers et que la paille soit brûlée. Il n’est plus temps pour les arbres de se demander quel genre de fruits ils veulent porter : la cognée est déjà à la racine ! Il y a donc urgence !

L’obsession de Jean c’est le fruit de la récolte, or les sauterelles mangent les récoltes, donc Jean mange les sauterelles !
(...)

Il se passe quelque chose… quelque chose d’anormal
Ce qui vient, ce que l’on attend, nous déroute, nous décape, nous prépare au grand ménage.
Celui qui vient, celui que l’on attend, nous plonge encore et toujours dans l’Esprit saint et dans le feu.
╬ Amen
Sylvain diacre

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