L'Agneau de Dieu / Jn 1, 29-34 / Une homélie

La partie inaugurale de la vie publique de Jésus est marquée par une série de témoignages forts, comme pour attester l’authenticité à la fois de sa mission et de son identité de Messie et de Fils de Dieu : en tant qu’accomplissement des promesses divines que l’évangile de Jean résume en ces termes : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn. 3,16).
Dimanche dernier, au baptême de Jésus, alors que l’Esprit-St descendait sur lui sous la forme corporelle d’une colombe, la voix du Père tonnait : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis toute ma joie » (Mt 3, 17).
On peut bien comprendre que ce soit le Père qui rende le tout premier témoignage sur Jésus, d’autant plus qu’il est la source et l’origine même de la mission dont est investie le Christ.
Aujourd’hui, c’est Jean le Baptiste qui, à la suite du Père, rend témoignage à Jésus en nous dévoilant son identité et sa mission à travers deux attributs sur lesquels je vous propose de porter notre méditation de ce jour.

1. Jésus est « l’Agneau de Dieu »
« Voici (dit Jean-Baptiste) l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ».
L’identification de Jésus comme « Agneau de Dieu» est inédite. Elle ne se retrouvera dans l’évangile de Jean qu’au verset 36 de ce même chapitre 1er, lorsque le Baptiste présentera Jésus à ses propres disciples. De fait, c’est le titre de la première adhésion à Jésus dans l’Évangile, par lequel les premiers disciples de Jésus (André et, probablement, Jean) demeurèrent avec lui lorsqu’il leur fut introduit par leur premier maître, Jean le Baptiste.
Pour le comprendre, il faut noter que la référence à l’agneau a ses fondements dans l’Ancien Testament. Et dans cette vision grandiose du Baptiste au bord du Jourdain, semble avoir été convoqué ici Tout l’Ancien Testament, en partant déjà d’Abraham qui avait prédit à son fils Isaac que : « Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste » (Gn 22, 8).
Pour les spécialistes de la Bible, 3 principales fonctions se dégagent de la référence à l’Agneau : 
 

* Soit il s’agit de l’Agneau décrit par Isaïe (53,7) : « Comme un agneau traîné à l’abattoir, comme une brebis muette devant celle qui la tondent, il n’ouvre pas la bouche ». Et dans ce cas Jean verrait en Jésus la figure du Serviteur Souffrant qui prend sur lui la condition pécheresse du monde.


* Soit il s’agit de « l’Agneau immolé et dressé » de l’Apocalypse qui, d’après St Jean, est capable de remporter la victoire sur le péché et la mort (Ap. 5,6 ; 14,10; 17,14).

* Soit il s’agit de « l’Agneau Pascal » : Toujours selon Jean et cette fois dans l’évangile (19, 14), Jésus est crucifié à l’heure où les prêtres commencent à sacrifier les agneaux pour la fête de Pâque).  

Et si l’on ne perd pas de vue que l’évangéliste écrit à une époque postérieure à l’événement de Pâques à destination d’un auditoire qui vit une forte instabilité religieuse et sociale entraînant une importante crise spirituelle, on comprend plus clairement le lien qu’il établit entre Jésus-agneau pascal et ce peuple : la Gloire de celui-ci rejaillira sur ces derniers qui auront persévéré pour demeurer fidèles.

Mais est-il possible de dissocier, d’isoler chacune de ces significations d’«Agneau de Dieu» sans tronquer la réalité de cet attribut de Jésus? Clairement non.

Car l’attribut d’ « Agneau de Dieu » a une densité et une profondeur telles que l’on ne peut s’autoriser à le réduire. D’ailleurs, l’on ne saura jamais le sens précis de la formule dans la bouche de Jean-Baptiste. Et ce n’est pas plus mal. Car au moins, nous savons l’essentiel : C’est que « Jésus est l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » !

C’est-à-dire qu’il est le Serviteur de Dieu qui prend sur lui et assume nos fragilités et nos misères humaines, nos fautes et nos péchés. En ce sens, « Le Christ-agneau porte, supporte et emporte le péché du monde » parce que, pour nous et à notre place, il se met à la merci de tous les prédateurs de tous poils : sociaux, politiques, économiques, sexuels…, qui aujourd’hui incarnent le péché du monde en s’en prenant au plus faibles et aux plus petits.

Mais ce n’est pas tout.
Il est aussi « l’Agneau immolé et dressé », c’est-à-dire celui qui nous donne force et pouvoir de dominer les attractions de nos contingences humaines et les chaînes de nos esclavages multiformes qui nous tirent toujours vers le bas. Car il est lui-même vainqueur du mal sous toutes ses formes.

Mais pas seulement.
Il est encore « l’Agneau Pascal », l’agneau glorieux dont la gloire rejaillit sur tous ceux qui auront cru et vécu à la lumière de son message. 

En désignant ainsi Jésus « Agneau de Dieu » (et souvent l’iconographie présente Jean Baptiste le doigt levé vers Jésus), Jean a terminé sa mission : il est venu annoncer Jésus, dans son incarnation, sa mort et sa résurrection. Il peut laisser toute la place à Jésus. Dans quelques instants le prêtre reprendra le paroles de Jean en présentant la sainte hostie : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Saurons-nous le reconnaître comme tel ?

2. Jésus est le « Fils de Dieu » 
« Moi, (dit Jean le Baptiste) j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu. »
Ce témoignage du Baptiste est le couronnement d’une version toute personnelle du baptême de Jésus, différente de celle des autres évangélistes.

Dans la version de Jean, c’est Jean-Baptiste qui voit l’Esprit descendre sur Jésus. Ses yeux de chair voient un homme qui se met dans la file des pécheurs pour se faire baptiser alors qu’il n’en a pas besoin : « L’homme qui vient derrière moi est passé devant moi ». Et la révélation de Dieu lui donne de reconnaître en Jésus le « Fils de Dieu ».

Jésus, « Fils de Dieu », s’est fait homme pour que nous devenions fils de Dieu nous aussi. Voilà le témoignage de Jean Baptiste. Voilà ce que nous croyons en recevant le baptême. Nous sommes les enfants bien-aimés du Père. Nous sommes toute sa joie… Voilà ce qui se passe quand nous descendons dans le baptistère, quand nous versons ou faisons verser de l’eau sur la tête des enfants ou des adultes en disant : « Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Nous devenons Fille ou Fils de Dieu.
Mais nous avons souvent du mal à témoigner de notre filiation divine, parce que nous avons peur du regard des autres, de l’indifférence des autres, voire même de la différence avec les autres ; ou bien nous doutons que Dieu demeure en nous.

Pour Jean donc, Jésus est « l’Agneau de Dieu », celui qui préexiste, le « Fils de Dieu » rempli par l’Esprit St.
C’est par Jésus seul que nous pouvons vraiment nous tourner vers Dieu, comme il l’a fait lui-même en consacrant toute sa vie à l’œuvre divine. En coulant notre volonté dans sa volonté, nous offrons au Seigneur le véritable sacrifice qu’il attend de nous.

Jean-Baptiste en témoigne ; sa mission y trouve tout son sens. Voici qu’aujourd’hui le Fils bien-aimé prend à son compte les paroles du psaume : « Dans ma bouche, le Seigneur a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Tu ne demandais ni holocauste, ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens!’».

C’est encore lui qui parle, en reprenant les mots d’Isaïe : « Oui, j’ai du prix aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force. » Par le baptême d’eau et d’Esprit, nous sommes enfants d’un même Père, donc frères dans le Seigneur et avec lui. Si le Christ s’applique à lui-même la phrase du prophète, combien nous rejoint-elle aussi ! Alors, j’ose vous le redire, à vous tous et à chacun en particulier : « Oui, tu as du prix aux yeux du Seigneur, ton Dieu est ta force !»
Puissions-nous, ensemble, en réponse à l’amour du Père et avec Jésus, dire : « Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté ! ».

Amen.

Père Calixte Koulaté

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