La Sainte Famille : l'homélie

La célébration de la Sainte 'Famine en cette fin d'année 2014, a comme un goût de déjà entendu et d'inattendu.
Cette année des milliers de personnes ont défilé dans la rue pour approuver ou contester le mariage pour tous.
Cette année 2014 a été l’occasion de réfléchir sur la famille pour la préparation du synode de ce mois d'octobre et en préparation du second pour l'automne prochain.
On peut dire que 2014 a été l’année de la réflexion sur ce qu'est une famille.
Et à la toute fin de l’année, la liturgie nous invite à méditer sur la Sainte Famille.

Pour nous guider dans cette méditation, je propose qu'on suive Syméon.
Syméon homme sage et juste reçoit l'enfant dans ses bras lors de la présentation selon la loi. Il recoit Jésus dans ses bras, déposé par Marie et Joseph. L'instant est fugitif mais primordiale.
Au moment même où il reçoit Jésus dans ses bras, une bénédiction naît à ses lèvres : "Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix, selon ta parole".

Mais qu’a bien pu ressentir Syméon lorsqu'il a reçu cet enfant ?
Il s'agissait là, semble-t-il, d’un geste du rituel. Et pourtant, ce simple geste va le bouleverser et lui permettre d'accomplir la mission de sa vie.
Syméon est un homme de foi ainsi que le fut Abraham en son temps comme nous le dit Paul dans la lettre aux Hébreux. Il reçoit l'enfant dans la foi. L'amour qui se vit dans cette famille se transmet et touche le vieil homme. On la déjà entendu que la famille de Jésus est boiteuse. La longue généalogie de sa lignée énumérée dans l'Evangile de Matthieu ne manque pas d'éléments non conformes à l'image d'une "Sainte Famille". Et ne parlons pas de ses parents. La mère est enceinte avant son mariage. Son père ne la répudie pas uniquement grâce à l'intervention de l’ange. C'est un peu sous la direction de Dieu que Joseph accepte le mariage. Avouons que débuter une vie de couple et de famille dans ces conditions, ce n’est pas idéal.
Mai il y a de l'inattendu dans cette famille! Un inattendu que perçoit Symeon ! Cet inattendu c'est le message d’amour que Jésus vient propager dans le monde. Car tout ce que le Christ accomplit, il l’accomplit dans l’amour. Et c’est d'ailleurs à cela qu'on reconnaît que cela vient du Seigneur.
Ainsi Syméon s'exclame-t-il :"Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël".
Ces yeux ont perçu que c'est par amour que Dieu sauve. Ces yeux ont lu dans le regard de l’enfant tout l'amour de Dieu pour sa créature. Il a su dès cet instant que l’alliance que le Père engage avec l'homme par l’incarnation de son Fils n'est jamais remise en cause de son côté. Il a vu également que ce n'est pas non plus l’annonce du paradis sur terre. Ce n’est pas la promesse du pays des bisounours qui vient : que "cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction - et toi, ton âme sera traversée d'un glaive." 
Jésus est encore un enfant, nous venons a peine de célébrer sa naissance, que se profile déjà la croix, cet instrument de torture qui conduit à une mort certaine dans la souffrance. Mais ce que nous savons c'est que même sur la croix, le Christ a aimé. II aime jusqu'au bout. Il aime l'humanité, il pardonne à ses bourreaux. Il aime son Père. Tout ce que Jésus accomplit dans sa vie publique, il l'accomplit par et avec amour. Il nous donne même un commandement, un commandement qu'il dit nouveau. Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ;

"L 'enfant, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui." 
Dans cette famille, l'enfant grandit dans l'amour. L'amour se reçoit de Dieu même, C'est cela que l'Eglise nous propose comme modèle quand elle nous demande de contempler la Sainte Famille.

L'Eglise ne nous demande pas de contempler la structure organique de la famille avec un papa et une maman à l'origine biologique de leurs enfants.
L'Eglise ne nous demande pas d'adorer une famine dont les membres veulent un enfant parce que c'est leur droit d'avoir enfant. Et que c'est parce qu’ils s'aiment qu’ils doivent avoir un enfant. Et que cela se verra qu’ils s'aiment, s'ils ont un enfant.
L'Eglise nous propose pour modèle, une famille dans laquelle l'amour est le moteur qui la fait avancer.C'est une famille ouverte qui partage l'amour qui se vit en son sein en suivant les rites de son temps.
L'Eglise nous montre en exemple, une famille où l'enfant est accueilli comme un don de Dieu.Elle nous dit qu'une famille se construit pour les enfants et non par les enfants. Et que cette construction évoluera parce que les enfants partiront. Elle nous prévient que la famille est un lieu de joie et de souffrance. Mais qu'à l'image du Christ, nous sommes appelés à vivre tout cela en aimant

Seigneur, envoie ton Esprit d'amour sur nos familles !
Seigneur, fais souffler ton Esprit de paix sur nos familles !
Seigneur, emplis-nous de ton Esprit de discernement !
Maintenant, Ô Maître souverain,
 Tu peux laisser Ton serviteur s'en aller en paix, selon Ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut que Tu préparais à la face des peuples :
lumière qui se révèle aux nations
et donne gloire à ton peuple Israël.
Amen !

Dominique Bourgoin, diacre

Nuit de Noël 2014 / l'homélie

Cette nuit, sur tous les habitants du pays, une lumière se lève. Les frontières de la vie que nous menons sont ouvertes. Il faut se frotter un peu les yeux, parce que nous nous sommes habitués à vivre à l’étroit. Dans le petit monde de la rue, où les gens passent, sans visage, sans voix, courant vers leur travail, les courses, leurs affaires. Dans le petit monde de la famille, où le temps pour s’écouter, se parler, s’accompagner, est dévoré par les soucis, les enfants qui changent, la peur de manquer, la peur de grandir, la peur de vieillir. Dans le petit monde des associations, des entreprises et des églises, où les mondanités, les jalousies et les rumeurs détruisent nos liens. Dans le petit monde où les écrans ont pris la main, où s’affiche trop souvent le côté sombre du monde, et où les plus jeunes se prennent pour des héros solitaires, jouant avec leurs fantasmes, leurs amours imaginaires, leurs rêves de puissance jusqu’à des gestes de violence insensées.
 
La nuit de Noël n’efface pas ce petit monde-là ; ce n’est pas une trêve, un moment de répit, pour oublier, pour souffler un peu. Dans cette nuit, quelque chose désobéit, insolemment, impudemment au monde dans lequel nous vivons : Dieu nous sourit, quel que soit l’état de notre chemin, de notre foi, de nos prières. Il réveille en nous son empreinte, ce que nous avons en commun, l’énergie de son amour et de sa justice pour tous.
 
Ce que les anges dans le ciel racontent aux bergers cette nuit-là se glisse à nouveau ce soir en chacun de nous, au plus profond de nous, là où notre véritable désir est enfoui, en attente, en souffrance. Les bergers les entendent dire qu’un sauveur leur est né, qu’il est de la lignée de David, que son règne n’aura pas de fin. Mais les anges ajoutent ceci : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. L’état de cet enfant, le lieu où il est posé, voilà ce qui nous est donné à voir.
 
Emmailloté. Inséré, dépendant comme nous, dans les conditions historiques, politiques, sociales, religieuses où il est né. Pour Jésus, c’est le temps du recensement ordonné par l’empire romain par souci de contrôle, d’organisation et de maîtrise de ses sujets. Ce sont les circonstances d’une auberge où il n’y a pas de place pour ses parents. Et cela va continuer toute sa vie. Les foules chercheront à l’enfermer dans un rôle de guérisseur, de chef de bande. Les hommes religieux ne supporteront pas ce qu’il dit ni son comportement. Jésus sera emmailloté dans le petit monde de son temps jusqu’à être condamné et cloué sur une croix. Mais ni la peur ni la violence ne le détourneront de ce qu’il porte dans sa chair. 
 
Ce n’est pas que cet enfant soit super doué, indépendant, déjà rebelle. C’est à cause de sa parenté. Il est bien sorti du ventre de Marie, sa mère, mais il est né de Dieu. Toute l’énergie d’amour et de justice de Dieu coule dans ses veines, éclaire déjà son intelligence, commande son cœur, vibre dans son corps tout entier.
 
C’est en cela d’abord qu’il désobéit au monde dans lequel il est né. Et le lieu même où il naît en est le signe. Sa mère l’a déposé dans une mangeoire. Là où les animaux trouvent leur nourriture. Cet enfant ne sera pas comme Caïn, le premier fils d’Adam et Eve, assoiffé de mettre la main sur tout ce qui bouge autour de lui, tenté indéfiniment de dévorer les personnes, les gens, la connaissance et tout ce qui peut alimenter son pouvoir. Jésus sera notre nourriture. Il vient pour nourrir tous les hommes de sa vie, de la parole de Dieu faite chair en lui, de sa force d’aimer, de sa puissance à traverser tout ce qui instaure la mort chez nous.
 
Ne vous y trompez pas. La lumière de cette nuit est inséparable de celle de la résurrection du Christ, de notre acceptation que ce fils de Dieu continue aujourd’hui de faire se lever chez les hommes, quels qu’ils soient, l’énergie d’amour et de justice que Dieu a semée chez eux dès l’origine. Noël n’est pas un conte qui fait rêver les enfants et ne fait plus rire personne quand les enfants sont grands. Cette nuit se lève à nouveau l’invitation à chacun d’entre nous d’apprendre à voir et à entendre, chez les uns et les autres, et dans ce qui nous arrive, les petites lumières qui sortent de leur cachette, désobéissantes à la grisaille du temps, et qui nous viennent de Dieu. Accueillir ce don de Dieu est un travail patient, besogneux, rigoureux. C’est le plus souvent une affaire de détails plutôt qu’une grande envolée. C’est toujours lié à ce qui se passe dans notre chair, dans notre cœur, dans nos mains, dans nos paroles et nos gestes, plutôt que dans notre tête ou dans nos émotions. Avec cet enfant de Noël, la parole de Dieu est venue dans notre chair, une fois pour toutes.
 
Osons trouver le temps et les moyens de faire plus ample connaissance avec Lui. Nous ne sommes plus seuls. Il maintient sa présence active au milieu de nous, avec Lui et entre nous. Le suivre devient notre chemin, notre vérité et notre vie. Il est notre nourriture. 
 
Et ce n’est pas pour que nous prenions un quelconque pouvoir politique, culturel ou même religieux dans notre pays ou ailleurs, mais pour témoigner, au jour le jour, de l’énergie d’amour avec laquelle le désir de Dieu façonne les fils d’homme à son image.

La terre cesse alors d’être étrangère ; elle nous devient familière, quand cette présence de Jésus y est plantée, … et les enfants y sont heureux, parce qu’ils y a un avenir pour eux.
Jean-Pierre Duplantier 

Homélie de la célébration penitentielle

Redressez les chemins du Seigneur ! Les chemins du Seigneur, c'est la trajectoire que Dieu nous a fixée, quand il a dit faisons l'homme a notre image et à notre ressemblance. Nos chemins c'est quand nous disons : faisons l'homme à notre idée, à notre compte, Ce n’est vraiment pas la même trajectoire. Le prophète Isaïe savait que quelque chose s'était tordu entre Dieu et nous ; que c'était comme un grand cri depuis longtemps chez les hommes. Ils en souffraient. Et s'ils en souffraient c'est qu'il restait en eux le souvenir enfoui d'un moment, au commencement, ou l'amour de Dieu les avait atteints en direct, les avait tirés de la matière et avait mis dans leur chair un emplacement pour sa Parole. On raconte que cela avait donné des ailes à Adam et Eve, comme quand on tombe amoureux, à cause d'un geste, d'un regard, d’une parole qui a dit du bien de nous. Mais cela leur a donné tellement d'assurance et de goût de vivre qu'ils ont eu envie de dévier toute l’énergie de cette vie reçue de Dieu vers la construction de leur propre monde. Le serpent s'est lové en eux et entre nous. Nous nous sommes mentis sur le chemin à suivre. Dieu nous a laissé faire;; il s'est retiré de nous : il fallait que notre désir propre s'affirme. Pour devenir des fils à son image, il nous fallait décider librement de choisir entre l'amour qu'il nous porte et nos amours propres, entre sa lumière et notre point d'honneur. Ainsi sont nés les enfants d'Adam et Eve. Adam connut Eve, elle fut enceinte et engendra Caïn, puis elle ajouta Abel. Le texte dit les choses ainsi : ils sont deux dans la première naissance : celui qui arrive en premier est le fils de son père et de sa mère et plus ou moins de Dieu, Abel paraît ensuite, il sort lui aussi du ventre de sa mère mais est entièrement tourné vers Dieu. Ce ne sont pas des jumeaux, mais deux fils en un seul enfantement ; deux parentés côte à côte. Caïn ne supportera pas cet autre lui-même, Il le massacre. Puis construit son monde, la première ville et tout ce qui va avec. Mais le sang d'Abel continue de monter de la terre vers le ciel. Nous portons cette déchirure.Vous vous demandez sans doute pourquoi je remonte si loin. Pour une raison essentielle que Jésus relève sans cesse sans beaucoup de succès auprès des pharisiens : L'amour et la haine habitent chez nous en même temps. L'attraction et la répulsion de l'autre commandent chacun son tour, nos actes et nos paroles. C'est notre condition, notre tourment. Nos pères comme nous-mêmes essayent depuis longtemps de séparer en eux l'amour de la haine et de redresser nos chemins tortueux. Mais en vain ; ça s'en va et ça revient. Seul le Fils unique de Dieu a le pouvoir de prendre sur lui la violence de Caïn et de lui redonner la capacité d'aimer son frère, Israël savait tout ça. Jean-Baptiste le portait en lui. L'heureuse nouvelle de Noël est la venue de Jésus, le fils bien aimé. En lui l'énergie d'amour de Dieu n'est jamais déviée, détournée vers lui-même. Ses chemins sont les chemins de Dieu. Le suivre est notre unique saint. Le laisser nous prendre par la main est notre seule chance qu'il enlève notre péché, pas à pas, en nous aidant mourir à nous-mêmes et à vivre de lui. C'est pourquoi notre réconciliation passe par la décision de le suivre et de reconnaître tout ce qui en nous pollue notre relation au Christ, la retarde, l'encombre, la rejette.Pour les croyants, la première maladie de la relation au Christ est notre attachement aux valeurs, aux principes, grâce auxquels nous pensons pouvoir nous élever nous-mêmes au statut de juste. L'unique traitement de cette maladie est de prendre quotidiennement le temps faut pour regarder et écouter ce que la présence active du Christ ressuscité fait lever chez ceux qui nous entourent, et en nous-mêmes. Parce que la Parole de Dieu s'est faite chair, suivre le Christ c'est apprendre voir et entendre ce dit et ce qu’il fait maintenant dans ce qui nous arrive. C'est devenir sensibles aux petites lumières qui sortent de leur cachette chez les uns et les autres. C'est désirer ces moments de joie reçue. Nous nourrir de Lui et de son travail chez nous. Il s'agit toujours de petites choses, des détails, mais eux seuls sont capables de peser plus lourd que nos soucis, nos peurs, et nos convoitises. Suivre le Seigneur, c'est l'envers de la tentation : la tentation part toujours d'un détail dans une situation concrète, lequel enclenche notre envie de plaisir ou de vengeance. Suivre le Seigneur c’est être devenu sensible à tel ou tel détail de la vie que nous menons qui enclenche un comportement ou une parole qui témoignent de la présence du Christ entre nous. Etre tenté par Satan et être inspiré par l'Esprit saint implique un mouvement semblable : être commandé de l’intérieur à partir d'un élément extérieur, concret, sensible.Chacun de nous a ses propres zones de brouillage dans sa relation au Christ. Avouer devant Lui telle ou telle d'entre d’elles est le geste de réconciliation auquel nous invite le Seigneur. II attend notre demande de pardon pour enter par cette petite porte, concrète, chamelle, que nous lui ouvrons.Au cas où tout ça nous paraîtrait trop compliqué, mélangé et douloureux dans notre vie, essayons encore une fois d'écouter comment nous est raconté dans la Bible sa façon de démêler les choses, de les apaiser; de les soigner. Et si cela nous parait difficile, c'est plutôt bon Signe. C'est que nous avons beaucoup de choses à apprendre de lui nous-mêmes, et le monde dans lequel nous vivons. Il ne juge pas et il est vraiment doué pour nous ouvrir les yeux, les oreilles le coeur et les mains.

Ce que nous avons d'intelligence et de courage pour suivre le Seigneur, c'est Dieu qui nous le donne. Sur nos chemins de terre, il nous fera passer. Ce que nous avons fait, ce qui nous reste à faire, voila notre mystère sous un ciel habité.

Le témoignange de Jean / Jn 1 / l'homélie

Dominique Bourgoin nous a parlé dimanche dernier du témoignage de Jean-Baptiste comme d’un surgissement. 
Les textes de ce dimanche continuent à nous mettre en face de cette irruption de l’Esprit de Dieu en nous.
 
Le prophète Isaïe d’abord : « L’Esprit de Dieu est sur moi » Chaque jour, je cours, je m’agrippe à la vie ; j’en profite ou je lâche prise. Je fais ceci et cela, je prie, je travaille, j’écoute, je dors, je mange. Et puis soudain autre chose m’arrive : le sourire d’une femme, un homme qui prend la main d’un enfant pour traverser la rue, une conversation, où un rayon de soleil se glisse entre les gens. Et, d’un coup, sans savoir comment, l’ordinaire des jours se charge de respect, de mystère, de joie. C’est comme le vent ! tu entends sa voix et tu ne sais ni d’où il vient ni où il va : ce moment devient un instant de jubilation, un cadeau, sans contrepartie. Certains retournent dès que possible à la réalité des choses. D’autres se risquent à y reconnaître la présence de Dieu, et la laissent creuser en eux le désir qu’Il revienne. Parfois elle s’installe en nous, y plante sa tente. Alors nos moindres gestes ou paroles ne sont plus seulement réfléchis, généreux et organisés. Ils sont habités. Alors, quand nous visitons un malade ou une famille voisine dans le besoin, nous n’allons pas forcément leur porter la guérison ou la solution à leurs problèmes ; nous faisons ce que nous pouvons ; mais tout est prêt entre nous pour que passe un peu de lumière, un instant de grâce, entre nous, de la part de Dieu. Quand Isaïe écrit: « L’Esprit de Dieu est sur moi », c’est de ce surgissement qu’il parle. Il raconte quel effet cette irruption a sur lui. Il voit et entend comment, à travers lui, passe chez les malades, les prisonniers, les abandonnés, les perdus, un souffle d’espérance, qui redonne de la couleur à la lumière allumée en chacun dès l’origine. Il voit comment cette lumière sort de sa cachette et brille à nouveau dans nos corps malmenés. C’est de cela que Jean Baptiste parle à nouveau. 
 
Dimanche dernier, nous avons entendu que ce témoin de la lumière nous appelé à nous préparer à cette venue. Aujourd’hui, par l’évangile de Jean, nous voici appelés à « redresser nos chemins. » Comme on redresse la trajectoire de sa voiture. Nous avons appris en effet, parfois durement, que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et que ses chemins ne sont pas nos chemins. Nous avons constaté que le courant ne passait pas bien entre Dieu et nous. La trajectoire de notre route emprunte souvent des déviations insolites, des sens interdits, des coups de volant intempestifs et dangereux. Dans les détails de notre vie quotidienne, dans nos jugements et nos comportements, mais aussi dans certains choix plus larges qui ont fini par orienter notre vie dans son ensemble, notre conduite est devenue chaotique. Ce n’est plus la parole de Dieu qui décide de nos itinéraires. Comme il est peu probable que Dieu change ses chemins pour s’adapter aux nôtres, il nous faut donc redressez les nôtres pour suivre les siens. Oui mais il y a des lustres que nous essayons de nous convertir. Il y a bien une toute petite élite qui semble y réussir. Mais pour le commun des mortels, ce n’est pas gagné. Là est précisément le cri de Jean-Baptiste dans le désert : Ce n’est pas nous qui allons enlever notre péché, mais il vient Celui qui va le faire. Ceci est la bonne nouvelle. Jésus-Christ est vraiment performant dans notre métier d’homme : Il entretient le feu, l’amour, la justice, la jubilation, l’espérance. Il est le prototype de l’homme à l’image de Dieu ; il est son fils unique, son bien-aimé : aucun obstacle ne vient chez lui masquer le surgissement de l’énergie de Dieu, de son amour pour nous, de sa vie. Notre chemin désormais c’est de le suivre. L’obéissance à la loi, quel qu’elle soit, nous apprend nos limites, et rien de plus : il y a toujours le bien que je voudrais et que je ne fais pas et le mal que je ne voudrais pas et que je fais. Le suivre, c’est autre chose : c’est se laisser prendre par la main, le suivre des yeux, le suivre avec nos oreilles ? Car il est vivant, en chair et en os, comme il disait aux apôtres le matin de sa résurrection. Il parle vraiment à travers les paroles de ceux qui le suivent ; il agit vraiment à travers les gestes de ceux qui lui ont ouvert la porte de leur vie. 
 
Le suivre c’est d’abord la pratique de la communion. Communion vient de commun. Or ce que nous avons en commun, ce n’est pas d’abord nos intérêts, nos biens, nos compétences, nos projets. Ces ressources communes-là ne forment que des familles, des clans, des partis. C’est bien, utile, mais çà fabrique toujours des frontières. En deçà c’est chez nous et on s’entend plus ou moins bien. Au-delà ce sont les autres, souvent des concurrents, voire des adversaires. Ce qui est commun chez ceux qui suivent Jésus est vraiment commun à tous les hommes ; c’est la petite lumière que Dieu a allumé en nous dès le commencement. Et cette lumière-là rien ni personne ne peut l’éteindre. Elle demeure, prête à sortir de sa cachette. La communion c’est apprendre à voir cette lumière qui perce à certains moments chez les uns et les autres. La communion c’est un homme qui voit et entend que sa femme apprend à se calmer. Et çà le réjouit ; il suffise qu’il réalise que c’est peut-être le Christ qui est en train de la transformer. Il a alors sous les yeux de quoi lui dire merci et son amour pour sa femme change de dimension. La communion c’est une femme qui découvre que son mari se met à s’intéresser à ses enfants. Pour elle aussi cela change sa relation avec Dieu et son homme. La communion c’est avoir des yeux et des oreilles pour percevoir ce qui vient du Seigneur, physiquement, concrètement, chez ceux qui nous entourent. 
 
Le suivre c’est aussi prendre le temps de le connaître en parcourant ensemble les récits où nous sont montrés comment Jésus résiste aux principales tentations humaines, sa capacité à voir ce qui est en souffrance chez les autres, sa manière de soigner nos blessures, sa façon de vivre constamment tourné vers son Père. Cela ne s’invente pas, çà s’apprend tout au long de la vie, parce qu’on ne connait pas la vie de la même façon à 10 ans, 20, 40 ou plus. Ce n’est pas une pratique d’intellectuels, parce qu’il ne s’agit dans ces récits que de situations concrètes, d’hommes et de femmes en chair et en os dans lesquels il n’est pas difficile de se reconnaître. Cette pratique n’est pas en option chez les chrétiens, c’est l’une des premières décisions à prendre pour le suivre, Lui, son chemin, et pas seulement des valeurs et des principes. 
 
La troisième offre du Christ, c’est la fraction du pain, la messe, et les prières. Là, c’est Lui qui prend les rênes, pour nous faire vivre ce qui est encore voilé chez nous, pour que sa vie prenne chair en nous, ne serait-ce qu’un moment, mais réellement, en attente de Lui, d’être rassemblés en Lui. 

Voilà ce que, chaque année, nous entendons, nous célébrons à Noël et durant l’Avent. Je vous souhaite de profiter au mieux de ce surgissement de la lumière de Dieu dans nos corps. Prions ensemble les uns pour les autres.
Jean-Pierre Duplantier