Le
mendiant s’appelle Bartimée
L’homme
riche ne fait pas de bruit
Le
mendiant crie
L’homme
riche tombe aux pieds de Jésus
Le
mendiant se lève à son appel
L’homme
riche appelle Jésus « Bon maître » mais c’est
seulement pour la forme
Le
mendiant appelle Jésus « Rabbouni » « petit
maître » et c’est toute tendresse.
L’homme
riche veut faire quelque chose pour son propre salut
Le
mendiant accepte que Jésus fasse quelque chose pour lui
L’homme
riche applique tout de la Loi
Le
mendiant est sauvé par sa foi
L’homme
riche entend « Va »
Le
mendiant aussi entend « Va »
L’homme
riche s’éloigne tout triste « car il avait de grands biens »
Le
mendiant marche désormais derrière Jésus
Qui
serons-nous ?
L’homme
riche ou le mendiant ?
Le
plein ou le creux ?
Celui
qui croit voir ou celui qui veux voir à nouveau ?
Celui
qui se tait ou celui qui crie ?
Assis
au bord du chemin, immobile, à l’écart du mouvement du monde et
du flot des humains, au bord du tumulte… Bartimée attend. C’est
un creux, c’est un manque.
Il
a vu il y a longtemps. Il ne voit plus.
Et
dans sa vie quelqu’un passe. Un fils, un autre fils.
Alors
il crie. Il crie si fort que son cri dérange le vacarme, que le
fracas du monde lui demande de se taire. Mais il crie plus fort, plus
fort que nos écrans, nos chaînes infos, nos téléphones, nos
discoureurs, nos prédicateurs.
Et
à ce cri, celui qui marche s’arrête.
Celui
qui était en route vers sa mort, en route vers sa mise à mort par
le fracas du monde, celui-là s’arrête. Celui dont nul n’est
capable de dénouer la courroie des sandales pour interrompre la
marche, celui que même les ténèbres ne pourront arrêter, le
marcheur absolu, s’arrête.
Et
il n’appelle pas, il fait appeler. Une voix qui n’est pas la
sienne s’adresse au mendiant. Il fait sonner une voix dans le
creux. Elle ne dit pas « confiance », elle dit
« courage ». Elle sait que pour se lever il va falloir du
courage… pas seulement de la confiance.
Se
lever ça fait peur, aller demander au Fils, ça fait peur, ce n’est
pas simple, on ne sait pas faire, on a peur de ne pas savoir faire.
Il
va falloir franchir l’espace et comment faire quand on y voit
rien ? Comment faire quand on est rien ?
Il
se lève, le texte dit : il s’éveille, et il bondit. Ce n’est
pas une course, c’est un saut. Un saut dans le vide. Et à ce saut,
Jésus répond : « Que veux-tu ? » c’est quoi
ton désir ? Je ne ferai rien si tu ne demandes rien. Je prends
ton désir au sérieux, je prends ta liberté au sérieux. Quelle
action de moi pour toi ?
Bartimée
c’est nous, ça peut être nous.
Assis,
au bord du monde, au bord du capharnaüm… avec plus l’envie d’en
être. Creusés par l’état de nos vies, de nos désillusions,
vidés peu à peu par l’érosion du temps. Nos yeux ne voient plus
comme ils ont vu. Ils ne voient plus comme nos yeux d’enfants :
ils sont brouillés par trop de larmes, fermés par les filtres trop
nombreux que le monde a posé dessus, fermés sous les paupières que
nous avons préféré baisser.
Bartimée
ça peut être nous.
Alors,
au passage du Fils, il se pourrait que la foi se révèle pour ce
qu’elle est : un cri. La foi n’est pas un doux cantique, une
belle prière, un beau silence, elle est un cri.
Nos
doux cantiques doivent être des cris qui dérangent le monde
Nos
belles prières, des cris qui empêchent le monde de dormir
Nos
beaux silences, des cris qui couvrent le bruit du monde
Pour
peu qu’une voix nous dise « courage », alors il se peut
que nous fassions le saut. Il se peut que nous soyons sauvés et que
nos yeux s’ouvrent à nouveau.
Comme
ils se sont ouverts au jour de notre naissance
Comme
ils se sont ouverts à nouveau le jour de notre baptême
Comme
ils s’ouvriront à nouveau le jour de notre mort.
Serons-nous
des riches qui disent « Que dois-je faire ? »
Ou
des mendiants qui entendent « Que veux-tu que je fasse pour
toi ? »
╬ Amen
Sylvain
diacre
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