Homme riche ou mendiant / Mc 10 46-52 / une homélie


L’homme riche n’a pas de nom
(Mc 10 17-22)
    Le mendiant s’appelle Bartimée
L’homme riche ne fait pas de bruit
    Le mendiant crie
L’homme riche tombe aux pieds de Jésus
    Le mendiant se lève à son appel
L’homme riche appelle Jésus « Bon maître » mais c’est seulement pour la forme
    Le mendiant appelle Jésus « Rabbouni » « petit maître » et c’est toute tendresse.
L’homme riche veut faire quelque chose pour son propre salut
    Le mendiant accepte que Jésus fasse quelque chose pour lui
L’homme riche applique tout de la Loi
    Le mendiant est sauvé par sa foi
L’homme riche entend « Va »
    Le mendiant aussi entend « Va »
L’homme riche s’éloigne tout triste « car il avait de grands biens »
    Le mendiant marche désormais derrière Jésus

Qui serons-nous ?
L’homme riche ou le mendiant ?
Le plein ou le creux ?
Celui qui croit voir ou celui qui veux voir à nouveau ?
Celui qui se tait ou celui qui crie ?

Assis au bord du chemin, immobile, à l’écart du mouvement du monde et du flot des humains, au bord du tumulte… Bartimée attend. C’est un creux, c’est un manque.
Il a vu il y a longtemps. Il ne voit plus.
Et dans sa vie quelqu’un passe. Un fils, un autre fils.
Alors il crie. Il crie si fort que son cri dérange le vacarme, que le fracas du monde lui demande de se taire. Mais il crie plus fort, plus fort que nos écrans, nos chaînes infos, nos téléphones, nos discoureurs, nos prédicateurs.
Et à ce cri, celui qui marche s’arrête.
Celui qui était en route vers sa mort, en route vers sa mise à mort par le fracas du monde, celui-là s’arrête. Celui dont nul n’est capable de dénouer la courroie des sandales pour interrompre la marche, celui que même les ténèbres ne pourront arrêter, le marcheur absolu, s’arrête.
Et il n’appelle pas, il fait appeler. Une voix qui n’est pas la sienne s’adresse au mendiant. Il fait sonner une voix dans le creux. Elle ne dit pas « confiance », elle dit « courage ». Elle sait que pour se lever il va falloir du courage… pas seulement de la confiance.
Se lever ça fait peur, aller demander au Fils, ça fait peur, ce n’est pas simple, on ne sait pas faire, on a peur de ne pas savoir faire.
Il va falloir franchir l’espace et comment faire quand on y voit rien ? Comment faire quand on est rien ?
Il se lève, le texte dit : il s’éveille, et il bondit. Ce n’est pas une course, c’est un saut. Un saut dans le vide. Et à ce saut, Jésus répond : « Que veux-tu ? » c’est quoi ton désir ? Je ne ferai rien si tu ne demandes rien. Je prends ton désir au sérieux, je prends ta liberté au sérieux. Quelle action de moi pour toi ?

Bartimée c’est nous, ça peut être nous.
Assis, au bord du monde, au bord du capharnaüm… avec plus l’envie d’en être. Creusés par l’état de nos vies, de nos désillusions, vidés peu à peu par l’érosion du temps. Nos yeux ne voient plus comme ils ont vu. Ils ne voient plus comme nos yeux d’enfants : ils sont brouillés par trop de larmes, fermés par les filtres trop nombreux que le monde a posé dessus, fermés sous les paupières que nous avons préféré baisser.
Bartimée ça peut être nous.
Alors, au passage du Fils, il se pourrait que la foi se révèle pour ce qu’elle est : un cri. La foi n’est pas un doux cantique, une belle prière, un beau silence, elle est un cri.
    Nos doux cantiques doivent être des cris qui dérangent le monde
    Nos belles prières, des cris qui empêchent le monde de dormir
    Nos beaux silences, des cris qui couvrent le bruit du monde

Pour peu qu’une voix nous dise « courage », alors il se peut que nous fassions le saut. Il se peut que nous soyons sauvés et que nos yeux s’ouvrent à nouveau.
    Comme ils se sont ouverts au jour de notre naissance
    Comme ils se sont ouverts à nouveau le jour de notre baptême
    Comme ils s’ouvriront à nouveau le jour de notre mort.

Serons-nous des riches qui disent « Que dois-je faire ? »
    Ou des mendiants qui entendent « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
 
╬ Amen
Sylvain diacre

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