Un trésor dans un champs / Mt 13 / L'homélie

Trouver un trésor dans un champ, trouver dans une grotte des peintures rupestres préhistoriques que personne n’avaient encore jamais vue, trouver un billet gagnant du loto, çà vous change la vie. Tout désormais va être commandé par votre découverte : vos émotions, vos comportements, vos décisions, vos projets. Jésus nous dit que c’est un peu comme çà avec le Royaume des cieux.

Plus fort encore. Un homme qui découvre une femme, belle, intelligente, travailleuse, qui a souffert et a traversé ces épreuves, çà peut d’un coup le rendre follement amoureux, complètement subjugué par cette perle précieuse. Et une femme, qui a souvent des antennes encore plus développées que les hommes dans ce champ-là, peut tomber, elle aussi, complétement folle d’amour. Jésus nous dit encore que c’est un peu çà le Royaume des cieux.
Supposons maintenant que Jésus, le Christ, sa parole, ses gestes, sa mort même et sa résurrection, son amour pour nous, soit passé par votre vie. Supposons que vous vous rendiez compte peu à peu que cette présence insiste chez vous depuis longtemps déjà, et qu’il y a dans le cours de votre histoire personnelle, familiale ou même professionnelle, des rencontres, des joies soudaines, des problème résolus de manière inattendu, des guérisons, qui portent la marque de cette présence du Christ. Supposons qu’un jour, vous preniez le temps de vous asseoir et de tirer sur le rivage le filet où se trouvent rassemblées toutes ses surprises heureuses, comme le pécheur qui relève sa nasse ou son casier.
Ce jour-là, vous devinez que c’est Jésus qui a commencé à prendre les rênes de votre vie. Comme il l’a dit, vous commencez à trier ce qu’il y a dans vos filets. Le critère  du tris se précise avec le temps. Il s’agit de séparer les pensées, les actes, les sentiments qui sont orientés vers moi-même, à mon propre compte, des événements dans lesquels ce qui s’est passé semble venir de Dieu. Séparer ce qui me met en lumière ou en colère si çà ne se passe bien pour moi, d’un côté, et de l’autre ce qui est sensible en nous à la gloire de Dieu, à son amour ; ce qui alimente en nous la louange.
Un exemple nous est donné dans la conversation de Dieu avec Salomon qui nous a été raconté dans la première lecture. « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donne », dit Dieu. Et Salomon demande un cœur attentif pour savoir gouverner « ton peuple », pas le peuple d’Israël dont il est le roi, son peuple en quelque sorte, mais le peuple qui appartient à Dieu. « Puisque c’est cela que tu as demandé, répond Dieu, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, je te donne la sagesse. »
 
En pratique, ce genre de tri de ce qu’il y a dans le filet de notre vie, n’est pas facile, d’autant que nous devinons la suite : à la suite du tri, il va falloir ne garder que la louange. Comment cela se fera-t-il, disait Marie à l’ange. Je ne connais point d’homme capable de faire çà : mettre de côté tous ses projets, ses connaissances, ses biens, ses désirs mêmes, et laisser Dieu habiter chez moi, au point de finir par ne faire que ce qu’il veut, et de ne plus vivre qu’à s’émerveiller de sa lumière et de son amour, de l’écouter, de l’accueillir, comme l’autre Marie, la sœur de Marthe.
En clair, c’est impossible. Dieu et nous nous n’habitons pas la même région. Nous aimons cette terre, même s’il y a des injustices, des violences, des guerres. Nous aimons cette terre, ce qui se voit, se touche. Ce que nous pouvons embrasser, transformer, maîtriser, posséder. Nous aimons nos rêves de bonheur et même ceux de vengeance : çà fait du bien. Ce n’est pas demain que nous allons lâcher tout çà, pour Dieu, pour Jésus, même si l’Esprit saint souffle de temps en temps et dépose en nous une joie qui nous bouleverse.
Et puis, nous n’avons pas tous étaient choisis pour devenir des saints. A chacun son chemin.
 
            Il y a trois semaines, j’ai passé quelques jours à Conques, avec les moines, les pèlerins et les touristes. Un soir, un moine nous a aidés à regarder en détails le tympan de l’église. Au milieu, Jésus, en gloire comme on dit, avec ses plaies aux mains, aux pieds et au côté, et son regard sur nous, comme un appel silencieux, fidèle, amoureux, tenace. Dessous deux portes, l’une ouvrant sur l’enfer, l’autre sur le paradis. Dans l’enfer toutes sortes de personnages, comme enchainés par leurs vices, leur violence. Il y a même des évêques, comme si même les vertus pouvaient être défigurées. Dans le paradis, d’autres personnages, tournés vers le Christ, sortant de leur tombes, marchant ensemble comme une procession attirée par la lumière d’en-haut. Après nous avoir donné le temps de regarder cette étrange fresque, le moine nous a dit : « quand nous entrons dans l’église, nous entrons tous en venant de l’enfer et ce n’est pas très difficile de retrouver sur la sculpture quelque chose qui nous rappelle tel ou tel détail de notre propre vie. Quand nous sortons de cette église, nous passons par la porte du paradis. A l’intérieur il n’y avait presque rien : un espace, une architecture inhabituelle, qui nous invite à lever les yeux. Nous déambulons ; détails après détails, une paix s’installe en nous, comme si nous habitions une autre région de la vie. Nous ne voyons ni Dieu, ni Jésus, ni l’Esprit, mais il y a une présence. Elle s’appelle la miséricorde. Et nous habitons chez elle un moment. C’est pour cela que nous ressortons de l’église, apaisés, lavés, un peu tremblants, un peu priants.
C’est çà le pèlerinage : faire une halte en présence du Christ, de leur amour entre son Père et lui, et du vent puissant qui nous vient de cette source ; Puis revenir dans le monde, entaillés jusqu’au plus secret de notre chair, réveillés par la  miséricorde de Dieu, les yeux lavés par l’amour de Dieu, un peu plus capables de voir sa lumière au jour le jour, moins effrayés du temps qui nous reste pour que sa louange habite en nous, pour que nous consentions à lâcher du lest, beaucoup de lest, pour que nous devenions à son image, des fils qui portent sa ressemblance, comme le parcours de Jésus sur notre terre, nous l’a révélé.
Ce n’est pas possible de faire ce chemin avec ses propres forces, comme l’écrit Alain Auderset, « il est si facile de se laisser emporter dans le flot des affaires du quotidien… Alors fixez-vous un rendez-vous avec Jésus tous les jours. Notez-le dans votre agenda, au même titre que vos autres activités ».

Faisons ce pèlerinage, d’une manière ou d’une autre. C’est dans la chair de tous les hommes que Dieu a semé ce trésor, cette perle précieuse de son amour pour nous, de son désir sur nous. Faisons ce pèlerinage jusqu’à l’humble passage où la terre et le ciel se sont aimés ; dans nos corps de poussière brillera la lumière allumée par le Dieu qui nous connait.
Jean-Pierre Duplantier

Parabole de l'Ivraie / Mt 13 / L'homélie

Il me semble que les paraboles de Jésus, c'est pour nous rejoindre dans nos rêves, les merveilleux et les terribles.
 
Le royaume de Dieu, c’est comme une graine de moutarde. C'est la plus petite des semences quand on la met en terre. Mais quand elle pousse, elle dépasse toutes les autres. Elle devient comme un arbre, et les oiseaux du ciel y font leurs nids.
L'arbre pour les humains, c'est comme un rêve. D'abord, au pied de mon arbre, je vivais heureux, sous son ombre, sa protection, et au contact de ses racines, je colle à la terre, ma mère nourricière. J'aurais jamais dû le quitter, mon arbre. Mais je l’ai quitté et je passe mes jours et mes nuits à imaginer que je vais le retrouver, ce paradis perdu de mes commencements.
 
Parfois vient un autre rêve. Je crois avec Stevenson qu'un "oiseau magique" chante au coeur de chacun et comme il l’écrit si bien, "qui prétend observer l’homme en l'ignorant s 'expose à bien des déconvenues - car l’homme n'est pas seulement le tronc dont il tire sa subsistance, mais il se déploie dans le dôme de feuillage, traversé par les murmures du vent, peuple de nids de rossignols,» et le véritable réaliste est celui des poètes "qui grimpe après lui comme l’écureuil et ainsi entrevoie un coin du ciel pour lequel il vit".I
 
Un jour les disciples ont demandé à Jésus : « explique-nous clairement ces paraboles ». Jésus l’a fait. Mais ce ne fut pas vraiment ce qu'ils attendaient C’était comme s'il cherchait à les réveiller, à les faire sortir de leur monde imaginaire, à les faire retomber sur terre pour voir et entendre enfin la vérité de leur condition humaine. « Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l’homme ; le champ, c'est le monde. Le bon grain ce sont les fils du Royaume ; l'ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L'ennemi qui l’a semée, c'est le démon. La moisson c'est in fin du monde ; les moissonneurs ce sont les anges. »
 
Mais bon sang, de quoi parle-t-il ? Dans le monde, c'est quoi les fils du Royaume et les fils du Mauvais ? C'est qui le Filss de l'homme et le démon et les anges. C'est quoi la fin du monde, la moisson ?
Saint Paul a bien raison de nous le redire encore : « frères, l'Esprit saint vient au secours de note faiblesse ». Qu'Il vienne !
 
Qu’il vienne, à l’instant, à travers les quelques mots que je vais risquer et qui me font trembler, comme la présence du Christ va venir à travers le sacrement du pain et du vin et de la prière de Jésus.
Je pars sur le petit coin du monde dont parle Paul : la prière. Nous vivons deux versions de la prière, la prière d'en haut et la prière d'en bas. L'une et l'autre commencent dans le même mouvement : la rencontre avec un autre : désirer compter pour quelqu'un ; avoir une place dans son propre désir, être aimé de lui ou d'elle ; désirer irrésistiblement n'être pas seul ; souffrir et se battre par tous les moyens pour que cette solitude s'arrête.
 
Mais cette dynamique, cette énergie, bute sur le choix entre deux chemins. Je commence par celui que nous connaissons le mieux : la prière d'en bas. C'est une rencontre sous le régime de l’échange. Je te parle pour enter dans ton monde, me sortir de ma solitude, parce que j'ai besoin de sécurité, de me sentir exister, de compter pour quelqu'un, tel que je me représente toutes ces choses, parfois simplement pour grimper dans l’échelle sociale, ou pour de l’argent ou ses équivalents, pour découvrir de nouvelles jouissances. Je suis prêt à tout donner pour ça  pour être désirable par toi. Je suis prêt de la même façon à servir les autres, en donnant tout ce que je possède et le donner aux pauvres pour être juste aux yeux de Dieu, comme on me l'a appris. C’est la prière, la forme de la rencontre et du don de soi que rêve la terre des hommes. C'est très beau, fragile aussi et parfois très violent.
 
Et puis se lève parfois la prière d'en haut. Elle n'est pas sous le régime de l’échange, du gagnant-gagnant. Elle est sous le régime de la venue du Souffle qui attendait dans le secret de notre chair depuis le commencement. Je ne parle pas d'abord, je l'écoute. C'est sa visite impromptue qui réveille en moi le cri, la demande qui gisait au plus profond de mon être. L'objet de mon désir commence à laisser la place à son désir à Lui, à son désir de faire de nous des fils qui portent sa ressemblance. Je commence à redécouvrir ce qui est bon chez moi et chez les autres ; à découvrir des perles précieuses autour de moi qui donnent de l’éclat au trésor que je suis, comme l'écrit Alain Auderset. Je me mets à fixer un rendez-vous avec Jésus tous les jours ; il prend place dans mon agenda comme le reste. Je redeviens sensible aux signes qu'il m'envoie, par une rencontre, un émerveillement soudain, une situation qui se résout.
 
Je n'ai plus peur de me laisser déranger, même si parfois ça me parait dépasser les bornes. Je mesure mieux que ces deux versions de l'amour et de la prière sont des soeurs, comme Marthe et Marie. Il y a toujours un démon à l'affût qui me raconte avec beaucoup d'arguments que servir est plus important qu'écouter, que ce soit avec le Christ ou avec les autres. Je me souviens qu'il a dit que chaque fois que je donne un verre d'eau à l’un de ces petits c'est à Lui que je le donne et qu'il a dit à Marthe que la part que Marie a choisi ne lui sera pas ôtée, parce que c'est l'écoute du Seigneur qui instaure la lumière véritable dans tous les gestes de la solidarité humaine.
 
Viens Esprit créateur, le Souffle saint sur la terre de l’amour du Père pour tous les hommes, la voix du Fils qui nous a révélé ce que fait et dit la Parole de Dieu venue dans notre chair.
Jean-Pierre Duplantier

Matthieu 13 Parabole du semeur / L'homélie

A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n’est pas donné.
« A vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n'est pas donné. » Il semble que la foule gêne Jésus. Il semble que Jésus n'apprécie pas la foule. Quand elle s'agglutine autour de lui, il met de la distance en s'installant sur une barque pour dispenser son enseignement.
Il parle en paraboles. Il parle en paraboles pour révéler la venue du royaume des Cieux. Et c'est volontairement explique-t-il qu'il utilise ce langage imagé. Il utilise un langage à la fois simple et imagé. Le langage est simple car Jésus ne développe pas de grande théorie théologique. Le langage est imagé et peut être compris par la foule qui le suit car ses images font référence au monde agricole dont sont issus la plupart des individus qui composent la foule.
Mais la foule ne peut pas comprendre, leurs yeux ne voient pas, leurs oreilles n’entendent pas, ainsi il souligne : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende »
Jésus n'a pas pour objectif de rassembler le plus possible. Il n'a pas pour objectif de provoquer de grand rassemblement et de s'adresser à une foule de plus en plus imposante pour dispenser en l’air un enseignement qui serait capté à la volée par qui le pourrait. Ce que veut Jésus c'est un échange de coeur à coeur.
Ainsi dans l’épisode de la femme malade, Jésus traverse une foule dense. Une femme touche son vêtement dans l'espoir de guérir. A l'instant Jésus est ému. Il a senti une force le quitter. Alors qu'il est pressé de toute part, il sent que quelqu'un en particulier touche son vêtement. La femme n'était pas venue satisfaire un savoir, entendre ce que cet homme avait à dire. Elle s'est approchée de Jésus pour un contact. Elle est venue parce qu'elle croit qu'un contact avec le Christ peut la sauver.
De même en est-il de Zachée qui voulait voir passer Jésus. Juste le voir. Juste croiser son regard, lui le pécheur. Pour cela, il va faire plus que simplement se tenir sur le bond du chemin, Zachée se distingue en grimpant sur un arbre, Et Jésus lève son regard vers celui qui le cherche. Et il vient demeurer chez lui.
Jésus veut une rencontre personnelle. Une rencontre quasi physique. Le toucher pour la femme malade, le regard pour Zachée. Ce n’est pas en premier lieu à l'intelligence qu'il s'adresse mais au corps tout entier. Pour cela, il demande un effort « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » L'effort demandé, c'est juste d'accueillir le Christ. L'accueillir comme fils de Dieu. Reconnaître en sa présence le besoin d'être pardonné. Et simplement affirmer qu'il est le Sauveur et qu'il est celui qui donne la vie.
Combien de foi, sommes-nous venu à la messe sans nous laisser toucher en profondeur par la parole de Dieu ? Nous avons plus répondu à une sorte d'habitude, une règle de vie plutôt qu’à la convocation du Seigneur. Nous avons plus été sensibles à la rencontre de nos amis qu’à la rencontre de Jésus. Cela arrive. Et ce jour-là, le Seigneur s'adresse à nous et nous dit : « Regardes sans regarder, tu écoutes sans écouter et sans comprendre. »  Mais le Christ continue de s’adresser inlassablement à nous
Mais d'autres dimanches, nous nous sommes rendus à l'église dans les mêmes dispositions et soudain, alors que nous sommes perdus dans nos pensées, un mot, une phrase nous touche. Soudain, elle nous tourne vers celui qui est mort et ressuscité pour nous. Et là le Seigneur s'adresse à nous et nous dit : « A toi il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux. » Car c'est bien de cela dont il s'agit, lors de cet instant fugace, nous avons le sentiment de connaître le royaume de Dieu. Ce qui se passe n'est pas descriptible par des mots, vous le savez bien, nous pouvons juste dire que cette parole qui nous touche est comme une nourriture. Et aujourd'hui, nous pouvons dire aussi qu'elle est semence en nous.
Et comme l'annonce le prophète Isaïe : "ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission."
Le Christ vient chercher chacun de nous individuellement lors de nos rassemblements. C'est bien à chacun individuellement qu'il s'adresse.
Mais combien de fois, tournons-nous la tête, et passons-nous le temps à nous compter ? « Il n'y a pas beaucoup de monde aujourd'hui. » ; « Il n'y a pas beaucoup de jeunes à la messe ce matin. » (Une petite parenthèse : je connais des endroits où les présents disent : "il n'y a que des jeunes ce soir.") Mais encore, « ils font trop de bruis ces enfants. » Etc.
Ce n’est pas le nombre de présents à la messe qui fait que le Christ se rend présent mais le nombre de ceux qui ont répondu présent. Il suffit qu'un seul parmi nous rende grâce au Christ d'avoir donné sa vie pour nous racheter pour qu'il nous rejoigne tous.
"C'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion." Nous rappelle l'Evangéliste Luc.
Tournons-nous maintenant vers l'autel, la table où le Seigneur, lui-même, prépare le repas :
Tu visites la terre et tu l'abreuves,
Tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d'eau,
Tu prépares les moissons.
Amen !
Dominique Bourgoin, diacre.
13 juillet 2014

13° Dimanche du Temps Ordinaire – Année A