La Sainte Famille : l'homélie

La célébration de la Sainte 'Famine en cette fin d'année 2014, a comme un goût de déjà entendu et d'inattendu.
Cette année des milliers de personnes ont défilé dans la rue pour approuver ou contester le mariage pour tous.
Cette année 2014 a été l’occasion de réfléchir sur la famille pour la préparation du synode de ce mois d'octobre et en préparation du second pour l'automne prochain.
On peut dire que 2014 a été l’année de la réflexion sur ce qu'est une famille.
Et à la toute fin de l’année, la liturgie nous invite à méditer sur la Sainte Famille.

Pour nous guider dans cette méditation, je propose qu'on suive Syméon.
Syméon homme sage et juste reçoit l'enfant dans ses bras lors de la présentation selon la loi. Il recoit Jésus dans ses bras, déposé par Marie et Joseph. L'instant est fugitif mais primordiale.
Au moment même où il reçoit Jésus dans ses bras, une bénédiction naît à ses lèvres : "Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix, selon ta parole".

Mais qu’a bien pu ressentir Syméon lorsqu'il a reçu cet enfant ?
Il s'agissait là, semble-t-il, d’un geste du rituel. Et pourtant, ce simple geste va le bouleverser et lui permettre d'accomplir la mission de sa vie.
Syméon est un homme de foi ainsi que le fut Abraham en son temps comme nous le dit Paul dans la lettre aux Hébreux. Il reçoit l'enfant dans la foi. L'amour qui se vit dans cette famille se transmet et touche le vieil homme. On la déjà entendu que la famille de Jésus est boiteuse. La longue généalogie de sa lignée énumérée dans l'Evangile de Matthieu ne manque pas d'éléments non conformes à l'image d'une "Sainte Famille". Et ne parlons pas de ses parents. La mère est enceinte avant son mariage. Son père ne la répudie pas uniquement grâce à l'intervention de l’ange. C'est un peu sous la direction de Dieu que Joseph accepte le mariage. Avouons que débuter une vie de couple et de famille dans ces conditions, ce n’est pas idéal.
Mai il y a de l'inattendu dans cette famille! Un inattendu que perçoit Symeon ! Cet inattendu c'est le message d’amour que Jésus vient propager dans le monde. Car tout ce que le Christ accomplit, il l’accomplit dans l’amour. Et c’est d'ailleurs à cela qu'on reconnaît que cela vient du Seigneur.
Ainsi Syméon s'exclame-t-il :"Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël".
Ces yeux ont perçu que c'est par amour que Dieu sauve. Ces yeux ont lu dans le regard de l’enfant tout l'amour de Dieu pour sa créature. Il a su dès cet instant que l’alliance que le Père engage avec l'homme par l’incarnation de son Fils n'est jamais remise en cause de son côté. Il a vu également que ce n'est pas non plus l’annonce du paradis sur terre. Ce n’est pas la promesse du pays des bisounours qui vient : que "cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction - et toi, ton âme sera traversée d'un glaive." 
Jésus est encore un enfant, nous venons a peine de célébrer sa naissance, que se profile déjà la croix, cet instrument de torture qui conduit à une mort certaine dans la souffrance. Mais ce que nous savons c'est que même sur la croix, le Christ a aimé. II aime jusqu'au bout. Il aime l'humanité, il pardonne à ses bourreaux. Il aime son Père. Tout ce que Jésus accomplit dans sa vie publique, il l'accomplit par et avec amour. Il nous donne même un commandement, un commandement qu'il dit nouveau. Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ;

"L 'enfant, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui." 
Dans cette famille, l'enfant grandit dans l'amour. L'amour se reçoit de Dieu même, C'est cela que l'Eglise nous propose comme modèle quand elle nous demande de contempler la Sainte Famille.

L'Eglise ne nous demande pas de contempler la structure organique de la famille avec un papa et une maman à l'origine biologique de leurs enfants.
L'Eglise ne nous demande pas d'adorer une famine dont les membres veulent un enfant parce que c'est leur droit d'avoir enfant. Et que c'est parce qu’ils s'aiment qu’ils doivent avoir un enfant. Et que cela se verra qu’ils s'aiment, s'ils ont un enfant.
L'Eglise nous propose pour modèle, une famille dans laquelle l'amour est le moteur qui la fait avancer.C'est une famille ouverte qui partage l'amour qui se vit en son sein en suivant les rites de son temps.
L'Eglise nous montre en exemple, une famille où l'enfant est accueilli comme un don de Dieu.Elle nous dit qu'une famille se construit pour les enfants et non par les enfants. Et que cette construction évoluera parce que les enfants partiront. Elle nous prévient que la famille est un lieu de joie et de souffrance. Mais qu'à l'image du Christ, nous sommes appelés à vivre tout cela en aimant

Seigneur, envoie ton Esprit d'amour sur nos familles !
Seigneur, fais souffler ton Esprit de paix sur nos familles !
Seigneur, emplis-nous de ton Esprit de discernement !
Maintenant, Ô Maître souverain,
 Tu peux laisser Ton serviteur s'en aller en paix, selon Ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut que Tu préparais à la face des peuples :
lumière qui se révèle aux nations
et donne gloire à ton peuple Israël.
Amen !

Dominique Bourgoin, diacre

Nuit de Noël 2014 / l'homélie

Cette nuit, sur tous les habitants du pays, une lumière se lève. Les frontières de la vie que nous menons sont ouvertes. Il faut se frotter un peu les yeux, parce que nous nous sommes habitués à vivre à l’étroit. Dans le petit monde de la rue, où les gens passent, sans visage, sans voix, courant vers leur travail, les courses, leurs affaires. Dans le petit monde de la famille, où le temps pour s’écouter, se parler, s’accompagner, est dévoré par les soucis, les enfants qui changent, la peur de manquer, la peur de grandir, la peur de vieillir. Dans le petit monde des associations, des entreprises et des églises, où les mondanités, les jalousies et les rumeurs détruisent nos liens. Dans le petit monde où les écrans ont pris la main, où s’affiche trop souvent le côté sombre du monde, et où les plus jeunes se prennent pour des héros solitaires, jouant avec leurs fantasmes, leurs amours imaginaires, leurs rêves de puissance jusqu’à des gestes de violence insensées.
 
La nuit de Noël n’efface pas ce petit monde-là ; ce n’est pas une trêve, un moment de répit, pour oublier, pour souffler un peu. Dans cette nuit, quelque chose désobéit, insolemment, impudemment au monde dans lequel nous vivons : Dieu nous sourit, quel que soit l’état de notre chemin, de notre foi, de nos prières. Il réveille en nous son empreinte, ce que nous avons en commun, l’énergie de son amour et de sa justice pour tous.
 
Ce que les anges dans le ciel racontent aux bergers cette nuit-là se glisse à nouveau ce soir en chacun de nous, au plus profond de nous, là où notre véritable désir est enfoui, en attente, en souffrance. Les bergers les entendent dire qu’un sauveur leur est né, qu’il est de la lignée de David, que son règne n’aura pas de fin. Mais les anges ajoutent ceci : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. L’état de cet enfant, le lieu où il est posé, voilà ce qui nous est donné à voir.
 
Emmailloté. Inséré, dépendant comme nous, dans les conditions historiques, politiques, sociales, religieuses où il est né. Pour Jésus, c’est le temps du recensement ordonné par l’empire romain par souci de contrôle, d’organisation et de maîtrise de ses sujets. Ce sont les circonstances d’une auberge où il n’y a pas de place pour ses parents. Et cela va continuer toute sa vie. Les foules chercheront à l’enfermer dans un rôle de guérisseur, de chef de bande. Les hommes religieux ne supporteront pas ce qu’il dit ni son comportement. Jésus sera emmailloté dans le petit monde de son temps jusqu’à être condamné et cloué sur une croix. Mais ni la peur ni la violence ne le détourneront de ce qu’il porte dans sa chair. 
 
Ce n’est pas que cet enfant soit super doué, indépendant, déjà rebelle. C’est à cause de sa parenté. Il est bien sorti du ventre de Marie, sa mère, mais il est né de Dieu. Toute l’énergie d’amour et de justice de Dieu coule dans ses veines, éclaire déjà son intelligence, commande son cœur, vibre dans son corps tout entier.
 
C’est en cela d’abord qu’il désobéit au monde dans lequel il est né. Et le lieu même où il naît en est le signe. Sa mère l’a déposé dans une mangeoire. Là où les animaux trouvent leur nourriture. Cet enfant ne sera pas comme Caïn, le premier fils d’Adam et Eve, assoiffé de mettre la main sur tout ce qui bouge autour de lui, tenté indéfiniment de dévorer les personnes, les gens, la connaissance et tout ce qui peut alimenter son pouvoir. Jésus sera notre nourriture. Il vient pour nourrir tous les hommes de sa vie, de la parole de Dieu faite chair en lui, de sa force d’aimer, de sa puissance à traverser tout ce qui instaure la mort chez nous.
 
Ne vous y trompez pas. La lumière de cette nuit est inséparable de celle de la résurrection du Christ, de notre acceptation que ce fils de Dieu continue aujourd’hui de faire se lever chez les hommes, quels qu’ils soient, l’énergie d’amour et de justice que Dieu a semée chez eux dès l’origine. Noël n’est pas un conte qui fait rêver les enfants et ne fait plus rire personne quand les enfants sont grands. Cette nuit se lève à nouveau l’invitation à chacun d’entre nous d’apprendre à voir et à entendre, chez les uns et les autres, et dans ce qui nous arrive, les petites lumières qui sortent de leur cachette, désobéissantes à la grisaille du temps, et qui nous viennent de Dieu. Accueillir ce don de Dieu est un travail patient, besogneux, rigoureux. C’est le plus souvent une affaire de détails plutôt qu’une grande envolée. C’est toujours lié à ce qui se passe dans notre chair, dans notre cœur, dans nos mains, dans nos paroles et nos gestes, plutôt que dans notre tête ou dans nos émotions. Avec cet enfant de Noël, la parole de Dieu est venue dans notre chair, une fois pour toutes.
 
Osons trouver le temps et les moyens de faire plus ample connaissance avec Lui. Nous ne sommes plus seuls. Il maintient sa présence active au milieu de nous, avec Lui et entre nous. Le suivre devient notre chemin, notre vérité et notre vie. Il est notre nourriture. 
 
Et ce n’est pas pour que nous prenions un quelconque pouvoir politique, culturel ou même religieux dans notre pays ou ailleurs, mais pour témoigner, au jour le jour, de l’énergie d’amour avec laquelle le désir de Dieu façonne les fils d’homme à son image.

La terre cesse alors d’être étrangère ; elle nous devient familière, quand cette présence de Jésus y est plantée, … et les enfants y sont heureux, parce qu’ils y a un avenir pour eux.
Jean-Pierre Duplantier 

Homélie de la célébration penitentielle

Redressez les chemins du Seigneur ! Les chemins du Seigneur, c'est la trajectoire que Dieu nous a fixée, quand il a dit faisons l'homme a notre image et à notre ressemblance. Nos chemins c'est quand nous disons : faisons l'homme à notre idée, à notre compte, Ce n’est vraiment pas la même trajectoire. Le prophète Isaïe savait que quelque chose s'était tordu entre Dieu et nous ; que c'était comme un grand cri depuis longtemps chez les hommes. Ils en souffraient. Et s'ils en souffraient c'est qu'il restait en eux le souvenir enfoui d'un moment, au commencement, ou l'amour de Dieu les avait atteints en direct, les avait tirés de la matière et avait mis dans leur chair un emplacement pour sa Parole. On raconte que cela avait donné des ailes à Adam et Eve, comme quand on tombe amoureux, à cause d'un geste, d'un regard, d’une parole qui a dit du bien de nous. Mais cela leur a donné tellement d'assurance et de goût de vivre qu'ils ont eu envie de dévier toute l’énergie de cette vie reçue de Dieu vers la construction de leur propre monde. Le serpent s'est lové en eux et entre nous. Nous nous sommes mentis sur le chemin à suivre. Dieu nous a laissé faire;; il s'est retiré de nous : il fallait que notre désir propre s'affirme. Pour devenir des fils à son image, il nous fallait décider librement de choisir entre l'amour qu'il nous porte et nos amours propres, entre sa lumière et notre point d'honneur. Ainsi sont nés les enfants d'Adam et Eve. Adam connut Eve, elle fut enceinte et engendra Caïn, puis elle ajouta Abel. Le texte dit les choses ainsi : ils sont deux dans la première naissance : celui qui arrive en premier est le fils de son père et de sa mère et plus ou moins de Dieu, Abel paraît ensuite, il sort lui aussi du ventre de sa mère mais est entièrement tourné vers Dieu. Ce ne sont pas des jumeaux, mais deux fils en un seul enfantement ; deux parentés côte à côte. Caïn ne supportera pas cet autre lui-même, Il le massacre. Puis construit son monde, la première ville et tout ce qui va avec. Mais le sang d'Abel continue de monter de la terre vers le ciel. Nous portons cette déchirure.Vous vous demandez sans doute pourquoi je remonte si loin. Pour une raison essentielle que Jésus relève sans cesse sans beaucoup de succès auprès des pharisiens : L'amour et la haine habitent chez nous en même temps. L'attraction et la répulsion de l'autre commandent chacun son tour, nos actes et nos paroles. C'est notre condition, notre tourment. Nos pères comme nous-mêmes essayent depuis longtemps de séparer en eux l'amour de la haine et de redresser nos chemins tortueux. Mais en vain ; ça s'en va et ça revient. Seul le Fils unique de Dieu a le pouvoir de prendre sur lui la violence de Caïn et de lui redonner la capacité d'aimer son frère, Israël savait tout ça. Jean-Baptiste le portait en lui. L'heureuse nouvelle de Noël est la venue de Jésus, le fils bien aimé. En lui l'énergie d'amour de Dieu n'est jamais déviée, détournée vers lui-même. Ses chemins sont les chemins de Dieu. Le suivre est notre unique saint. Le laisser nous prendre par la main est notre seule chance qu'il enlève notre péché, pas à pas, en nous aidant mourir à nous-mêmes et à vivre de lui. C'est pourquoi notre réconciliation passe par la décision de le suivre et de reconnaître tout ce qui en nous pollue notre relation au Christ, la retarde, l'encombre, la rejette.Pour les croyants, la première maladie de la relation au Christ est notre attachement aux valeurs, aux principes, grâce auxquels nous pensons pouvoir nous élever nous-mêmes au statut de juste. L'unique traitement de cette maladie est de prendre quotidiennement le temps faut pour regarder et écouter ce que la présence active du Christ ressuscité fait lever chez ceux qui nous entourent, et en nous-mêmes. Parce que la Parole de Dieu s'est faite chair, suivre le Christ c'est apprendre voir et entendre ce dit et ce qu’il fait maintenant dans ce qui nous arrive. C'est devenir sensibles aux petites lumières qui sortent de leur cachette chez les uns et les autres. C'est désirer ces moments de joie reçue. Nous nourrir de Lui et de son travail chez nous. Il s'agit toujours de petites choses, des détails, mais eux seuls sont capables de peser plus lourd que nos soucis, nos peurs, et nos convoitises. Suivre le Seigneur, c'est l'envers de la tentation : la tentation part toujours d'un détail dans une situation concrète, lequel enclenche notre envie de plaisir ou de vengeance. Suivre le Seigneur c’est être devenu sensible à tel ou tel détail de la vie que nous menons qui enclenche un comportement ou une parole qui témoignent de la présence du Christ entre nous. Etre tenté par Satan et être inspiré par l'Esprit saint implique un mouvement semblable : être commandé de l’intérieur à partir d'un élément extérieur, concret, sensible.Chacun de nous a ses propres zones de brouillage dans sa relation au Christ. Avouer devant Lui telle ou telle d'entre d’elles est le geste de réconciliation auquel nous invite le Seigneur. II attend notre demande de pardon pour enter par cette petite porte, concrète, chamelle, que nous lui ouvrons.Au cas où tout ça nous paraîtrait trop compliqué, mélangé et douloureux dans notre vie, essayons encore une fois d'écouter comment nous est raconté dans la Bible sa façon de démêler les choses, de les apaiser; de les soigner. Et si cela nous parait difficile, c'est plutôt bon Signe. C'est que nous avons beaucoup de choses à apprendre de lui nous-mêmes, et le monde dans lequel nous vivons. Il ne juge pas et il est vraiment doué pour nous ouvrir les yeux, les oreilles le coeur et les mains.

Ce que nous avons d'intelligence et de courage pour suivre le Seigneur, c'est Dieu qui nous le donne. Sur nos chemins de terre, il nous fera passer. Ce que nous avons fait, ce qui nous reste à faire, voila notre mystère sous un ciel habité.

Le témoignange de Jean / Jn 1 / l'homélie

Dominique Bourgoin nous a parlé dimanche dernier du témoignage de Jean-Baptiste comme d’un surgissement. 
Les textes de ce dimanche continuent à nous mettre en face de cette irruption de l’Esprit de Dieu en nous.
 
Le prophète Isaïe d’abord : « L’Esprit de Dieu est sur moi » Chaque jour, je cours, je m’agrippe à la vie ; j’en profite ou je lâche prise. Je fais ceci et cela, je prie, je travaille, j’écoute, je dors, je mange. Et puis soudain autre chose m’arrive : le sourire d’une femme, un homme qui prend la main d’un enfant pour traverser la rue, une conversation, où un rayon de soleil se glisse entre les gens. Et, d’un coup, sans savoir comment, l’ordinaire des jours se charge de respect, de mystère, de joie. C’est comme le vent ! tu entends sa voix et tu ne sais ni d’où il vient ni où il va : ce moment devient un instant de jubilation, un cadeau, sans contrepartie. Certains retournent dès que possible à la réalité des choses. D’autres se risquent à y reconnaître la présence de Dieu, et la laissent creuser en eux le désir qu’Il revienne. Parfois elle s’installe en nous, y plante sa tente. Alors nos moindres gestes ou paroles ne sont plus seulement réfléchis, généreux et organisés. Ils sont habités. Alors, quand nous visitons un malade ou une famille voisine dans le besoin, nous n’allons pas forcément leur porter la guérison ou la solution à leurs problèmes ; nous faisons ce que nous pouvons ; mais tout est prêt entre nous pour que passe un peu de lumière, un instant de grâce, entre nous, de la part de Dieu. Quand Isaïe écrit: « L’Esprit de Dieu est sur moi », c’est de ce surgissement qu’il parle. Il raconte quel effet cette irruption a sur lui. Il voit et entend comment, à travers lui, passe chez les malades, les prisonniers, les abandonnés, les perdus, un souffle d’espérance, qui redonne de la couleur à la lumière allumée en chacun dès l’origine. Il voit comment cette lumière sort de sa cachette et brille à nouveau dans nos corps malmenés. C’est de cela que Jean Baptiste parle à nouveau. 
 
Dimanche dernier, nous avons entendu que ce témoin de la lumière nous appelé à nous préparer à cette venue. Aujourd’hui, par l’évangile de Jean, nous voici appelés à « redresser nos chemins. » Comme on redresse la trajectoire de sa voiture. Nous avons appris en effet, parfois durement, que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et que ses chemins ne sont pas nos chemins. Nous avons constaté que le courant ne passait pas bien entre Dieu et nous. La trajectoire de notre route emprunte souvent des déviations insolites, des sens interdits, des coups de volant intempestifs et dangereux. Dans les détails de notre vie quotidienne, dans nos jugements et nos comportements, mais aussi dans certains choix plus larges qui ont fini par orienter notre vie dans son ensemble, notre conduite est devenue chaotique. Ce n’est plus la parole de Dieu qui décide de nos itinéraires. Comme il est peu probable que Dieu change ses chemins pour s’adapter aux nôtres, il nous faut donc redressez les nôtres pour suivre les siens. Oui mais il y a des lustres que nous essayons de nous convertir. Il y a bien une toute petite élite qui semble y réussir. Mais pour le commun des mortels, ce n’est pas gagné. Là est précisément le cri de Jean-Baptiste dans le désert : Ce n’est pas nous qui allons enlever notre péché, mais il vient Celui qui va le faire. Ceci est la bonne nouvelle. Jésus-Christ est vraiment performant dans notre métier d’homme : Il entretient le feu, l’amour, la justice, la jubilation, l’espérance. Il est le prototype de l’homme à l’image de Dieu ; il est son fils unique, son bien-aimé : aucun obstacle ne vient chez lui masquer le surgissement de l’énergie de Dieu, de son amour pour nous, de sa vie. Notre chemin désormais c’est de le suivre. L’obéissance à la loi, quel qu’elle soit, nous apprend nos limites, et rien de plus : il y a toujours le bien que je voudrais et que je ne fais pas et le mal que je ne voudrais pas et que je fais. Le suivre, c’est autre chose : c’est se laisser prendre par la main, le suivre des yeux, le suivre avec nos oreilles ? Car il est vivant, en chair et en os, comme il disait aux apôtres le matin de sa résurrection. Il parle vraiment à travers les paroles de ceux qui le suivent ; il agit vraiment à travers les gestes de ceux qui lui ont ouvert la porte de leur vie. 
 
Le suivre c’est d’abord la pratique de la communion. Communion vient de commun. Or ce que nous avons en commun, ce n’est pas d’abord nos intérêts, nos biens, nos compétences, nos projets. Ces ressources communes-là ne forment que des familles, des clans, des partis. C’est bien, utile, mais çà fabrique toujours des frontières. En deçà c’est chez nous et on s’entend plus ou moins bien. Au-delà ce sont les autres, souvent des concurrents, voire des adversaires. Ce qui est commun chez ceux qui suivent Jésus est vraiment commun à tous les hommes ; c’est la petite lumière que Dieu a allumé en nous dès le commencement. Et cette lumière-là rien ni personne ne peut l’éteindre. Elle demeure, prête à sortir de sa cachette. La communion c’est apprendre à voir cette lumière qui perce à certains moments chez les uns et les autres. La communion c’est un homme qui voit et entend que sa femme apprend à se calmer. Et çà le réjouit ; il suffise qu’il réalise que c’est peut-être le Christ qui est en train de la transformer. Il a alors sous les yeux de quoi lui dire merci et son amour pour sa femme change de dimension. La communion c’est une femme qui découvre que son mari se met à s’intéresser à ses enfants. Pour elle aussi cela change sa relation avec Dieu et son homme. La communion c’est avoir des yeux et des oreilles pour percevoir ce qui vient du Seigneur, physiquement, concrètement, chez ceux qui nous entourent. 
 
Le suivre c’est aussi prendre le temps de le connaître en parcourant ensemble les récits où nous sont montrés comment Jésus résiste aux principales tentations humaines, sa capacité à voir ce qui est en souffrance chez les autres, sa manière de soigner nos blessures, sa façon de vivre constamment tourné vers son Père. Cela ne s’invente pas, çà s’apprend tout au long de la vie, parce qu’on ne connait pas la vie de la même façon à 10 ans, 20, 40 ou plus. Ce n’est pas une pratique d’intellectuels, parce qu’il ne s’agit dans ces récits que de situations concrètes, d’hommes et de femmes en chair et en os dans lesquels il n’est pas difficile de se reconnaître. Cette pratique n’est pas en option chez les chrétiens, c’est l’une des premières décisions à prendre pour le suivre, Lui, son chemin, et pas seulement des valeurs et des principes. 
 
La troisième offre du Christ, c’est la fraction du pain, la messe, et les prières. Là, c’est Lui qui prend les rênes, pour nous faire vivre ce qui est encore voilé chez nous, pour que sa vie prenne chair en nous, ne serait-ce qu’un moment, mais réellement, en attente de Lui, d’être rassemblés en Lui. 

Voilà ce que, chaque année, nous entendons, nous célébrons à Noël et durant l’Avent. Je vous souhaite de profiter au mieux de ce surgissement de la lumière de Dieu dans nos corps. Prions ensemble les uns pour les autres.
Jean-Pierre Duplantier

Il est venu, il viendra dans la gloire et il vient encore

L’Avent nous fait entrer dans une nouvelle année liturgique qui s’étendra jusqu’à la fête du Christ-Roi, au 34ème dimanche du temps ordinaire, au mois de novembre de l’année prochaine.

Déjà, ce premier dimanche nous parle d’attente, de veille, de venue, d’«advenue » comme pour déployer le sens du mot « Avent » du latin « Adventum ».

L’Avent, temps de préparation à la fête de Noël qui exprime la venue, dans le monde, du Fils de Dieu, pour apporter aux humains lumière et paix, leur offrir ainsi la possibilité de les arracher aux ténèbres de ce monde. En effet, Il est celui qui est venu, celui qui viendra, dans sa gloire, à la fin des temps pour « juger les vivants et les morts », comme nous le proclamons dans le credo, et il est celui qui ne cesse de venir pour être avec nous et en nous. Vivre en communion avec lui, si nous le consentons, nous permettra de nous mettre en route avec lui. En lui, l’humanité est enfin capable d’être pleinement accordée à l’Amour et à la volonté du Père ; c’est-à-dire de vivre à plein et exclusivement les valeurs de l’amour, du partage, de la solidarité, de la douceur, du pardon, de l’accueil.

L’Avent, temps de préparation spirituelle à Noël, nous proposera d’accueillir « le Prince de la paix » qui vient. L’Avent est le temps par excellence où nous est rappelée sans cesse la fidélité de Dieu à son projet pour y puiser la force de le faire avancer chacun à notre mesure. Saurons-nous en profiter pour faire et construire la paix et le bonheur autour de nous ?


Fabien KINTA, curé

Homélie de la Fête du Christ Roi


Aujourd'hui, l'Eglise fête le Christ-Roi. Aujourd'hui, nous fêtons le Christ Roi. Que cela peut-il signifier dans un monde où l’on se dit démocrate et républicain ? Comment comprendre cette fête alors que nous vivons en Europe, en France lieux dans lesquels nous choisissons nos représentants qui votent les lois ? 
 
La tentation est grande de penser que quand Jésus s'adresse à ses disciples, il fait référence à une situation politique et historique bien précise que son discours est adapte à la réalité que vivent les disciples. Pour nous, les temps ont changé, nous ne sommes plus sous un régime monarchique. Nous avons en main nos choix politiques. 
 
Et effectivement, le roi que décrit Jésus s'assoit sur un trône de gloire et domine l’assemblée. Il a pouvoir sur les nations. Il a le pouvoir de faire le tri, d'installer les uns à sa droite et les autres à sa gauche. Voila bien une image de Roi qui nous parle. Voila bien une conception du pouvoir qui nous est familière. Celui qui gouverne domine. 
 
Là où cela ne correspond plus, c'est dans la politique menée par ce roi. Il récompense les uns et réprimande les autres non pas pour ce qu'ils ont fait pour lui mais pour ce qu'ils ont fait pour les autres, pour ceux qui ont besoin de secours. Son gouvernement n’est pas de rétribuer celui qui lui fait du bien mais celui qui se tourne vers les autres. 
 
Regardons maintenant les hommes. Ceux de sa droite comme ceux de sa gauche réagissent de la même manière. "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu..." disent-ils d’une même voix. Ainsi raisonnent-ils comme tout homme face au pouvoir. Ils raisonnent comme tous les hommes de tous les temps, comme ceux du début de notre ère, comme ceux du vingt et unième siècle. Quand est-ce que nous t'avons vu toi ? Quand est-ce que nous nous sommes courbés devant toi ? Comment se fait-il que tu sois passé et que nous ne ayons pas reconnu TOI ? 
 
En fait, ils réagissent comme le monde apprend aux hommes à se comporter. Le monde pour se développer se dote de structure sociale et politique. Et quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu, il y a toujours quelqu'un qui gouverne. Il le fait plus ou moins bien. Il est plus ou moins intègre. Dans tous les cas, ce gouvernement tend toujours à garder la maîtrise des événements et des hommes qu'il domine Et nous les hommes, nous sommes habitués à cela. 
 
Mais le Christ vient bousculer cet ordre établi. Il nous révèle qu'une autre réalité existe. Il ouvre nos vies à un Royaume où il ne s'agit plus de se courber face au pouvoir. 
 
Il s'agit, dans ce royaume, de lire dans le regard des pauvres, la présence du Seigneur, la présence du Roi. Ce royaume ne fonctionne pas sous le régime de la rétribution. Il fonctionne sous la loi de la fraternité. Ce roi se comporte vis-à-vis de son peuple comme un père qui aime ses fils. 
 
Un Père qui s'adresse à ses fils en ces termes : 
Quand tu as nourri celui qui avait faim tu l’as sauvé et moi aussi tu m'as sauvé. 
Et quand tu n'as pas nourri celui qui avait faim tu ne l’as pas sauvé et moi tu m'as blessé. 
 
Quand tu as donné à boire à celui qui a soif, tu l’as abreuvé et moi tu m'as réjoui. 
Et si tu n'as pas donné à boire à celui qui avait soif, tu l'as laissé le gosier sec, sans voix et moi tu m'as ignoré. 
 
Le Christ s'est incarné pour signifier aux hommes que le roi du royaume des cieux veut faire de nous un peuple de frères. Il veut des frères qui se rencontrent en vérité, à savoir qu'ils se reconnaissent pétris d'une chair touchée par la parole du Père. 
 
Il veut que, dans toutes nos rencontres, nous inventions des chemins nouveaux pour annoncer la bonne nouvelle et qu'ainsi grandisse en nous cette part qui n'appartient qu'à Dieu. Il veut que nous laissions plus de place à cette chair touchée par la parole dès l’origine. Il veut que cette part en nous que nous avons offert lors de notre baptême s'épanouisse et vive quand il passe. 
 
C'est dans ce souffle que nous recevons la lettre de Paul : 
"Et le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort. Alors, quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.", "ET AINSI, DIEU SERA TOUT EN TOUS." 
 
Le Christ est présent et vivant. Il nous le signifie aujourd'hui à cet autel. Il ne vient pas pour notre propre confort, il vient pour que se révèle son royaume.

Si nous lui rendons gloire ce n'est pas en vue d'une rétribution, c'est pour que le souffle de son Esprit traverse nos corps et nous invite au service de tous nos frères.
Nous ne sommes pas invités à recevoir le pain et le vin, son corps et son sang, nous sommes invités à le partager.Nous ne sommes pas invités à nous courber devant un roi, nous sommes appelés à vivre, debout, le Christ Roi en nous, parmi nous et entre nous.
"ET AINSI, DIEU SERA TOUT EN TOUS."

Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Annoncer l’Évangile c'est accueillir et se laisser accueillir



Évangéliser c’est permettre à chacun de trouver sa place dans l’Eglise et dans la société, c’est offrir une place à celui qui n’en a pas, c’est pouvoir dire à tous et à chacun: « Tu as un avenir ! »
Dans toute rencontre, nous devons être dans ce profond respect du mystère de la personne. Comme le rappelle le pape François, « le véritable amour est contemplatif ».
Le contraire de l’évangélisation c’est l’exclusion, c’est dire à l’autre « Tu n’as pas de place ! Si tu veux un avenir parmi nous, il te faut changer ! » Jésus a pris la posture inverse: Lui qui était de condition divine, il a pris la place de l’exclu.

ACCUEILLIR LA DIFFÉRENCE COMME UNE RICHESSE.
Évangéliser, c’est rejoindre toutes les formes de pauvreté : accepter de chercher, avec ceux qui frappent à notre porte, le chemin de leur propre liberté, pour qu’ils puissent, eux aussi, à leur tour, partager et donner.
ACCUEILLIR DANS L’INSTANT.
S’ouvrir à l’imprévu : il ne faut pas faire attendre ceux qui ont souvent attendu longtemps avant d’oser frapper à la porte.
ACCUEILLIR SANS PRÉJUGÉ.
L’autre est toujours habité par la présence du Christ qui éclaire silencieusement son existence. Accueillir, c’est espérer en l’autre au-delà de ce qu’il dit de lui. L’Eglise est signe de la confiance de Dieu envers son peuple.
ACCUEILLIR ENTRAÎNE UNE CONVERSION.
Évangéliser c’est se dessaisir de soi-même. Vivre l’évangélisation, c’est accueillir la grâce de la rencontre, c’est le Seigneur qui nous attend à travers la rencontre du frère.
ACCUEILLIR, C’EST APPELER.
Évangéliser, c’est appeler ! Évangéliser, c’est dire « J’ai confiance en toi, Dieu a confiance en toi » ! Dire et répéter à tous que l’on a besoin de chacun, que chacun peut être reconnu au sein de la communauté, qu’il n’y a pas de « petits talents »



Voilà ce que la Charte d’évangélisation du diocèse propose autour du thème de l’accueil, thème choisi par le conseil pastoral pour nous accompagner cette année dans notre approfondissement de la foi. Une foi qui est appel à la vie, au concret de notre existence. 

La crucifixion / Marc 15-16 / L'homélie

L’officier romain voit Jésus mourir, en poussant un grand cri, et il dit : « cet homme est le Fils de Dieu ». Qu’a-t-il vu de particulier, que les autres ne semblent pas avoir vu ? Que veut-il dire ? « Cet homme est le Fils de Dieu ». Aucun commentaire, aucune explication dans le récit de l’évangile.
 
C’est comme cela dans toute la Bible : il n’y a pas d’explication sur Dieu, ou de définition du Fils de Dieu ; il y a le témoignage d’hommes et de femmes qui ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, reçu dans leur cœur, la visite de Dieu. Comme Job, par exemple : « Je sais que mon libérateur est vivant et qu’à la fin,  je me tiendrai debout et de mes yeux de chair je verrai Dieu. » Comme l’officier romain et comme pour nous aussi. Parce que nous aussi nous avons vu et entendu. Toute la création, dit Paul, attend avec impatience la révélation des fils de Dieu, c’est-à-dire la nôtre.
La Bible ne fait que mettre en scène des témoins, comme Abraham, Moïse, les prophètes, mais aussi une veuve et son fils qui n’ont plus rien à se mettre sous la dent, ou un paysan à qui on vole sa vigne, ou une population déplacée, exilée en terre étrangère. Tous ces témoins attestent qu’ils habitent la terre sous un ciel habité. Et nous sommes comme eux.  
 
Ces choses-là portent un nom dans la Bible : ce sont les restes. Ce qui reste de la force vive de Dieu dans le monde, que personne n’a pu effacer ; qu’aucune organisation humaine, aucune culture, aucune technique, aucune violence n’a jamais pu enterrer définitivement. 
 
Ces restes indestructibles de l’amour de Dieu, vous en avez été témoins, à un moment ou à un autre. C’est le geste, la parole ou le sourire, inattendu, inoubliable, d’un mari, par exemple, aujourd’hui décédé, qui vous a laissé ce cadeau un soir ou un matin, peut-être à un moment où la vie était devenu difficile entre vous, parce qu’il était dans ses souffrances ou sa violence, et puis soudain un mot, un regard et la lumière s’est levée. Vous vous souvenez surement aussi de cet enfant qui était parti loin et qui est revenu, l’espace d’une visite, trop courte pour que vous soyez rassuré, mais assez longue pour que l’espoir à nouveau habite votre coeur.  Cela nous vient même parfois de quelqu’un qui nous a fait du mal et dont on n’attendait plus rien, et puis, soudain, un détail revient et nous voilà bouleversé : lui aussi porte dans sa chair un reste de l’amour que Dieu a semé en lui ; et ce reste est toujours là. Comme disait un évêque célèbre du moyen-âge : ce n’est parce qu’il y a eu des rats dans la réserve à blé, qu’il faut jeter tout le blé.
 
Ces instants de lumière qui ont traversé nos liens, sont les semences de Dieu dans nos corps. Cela ne se voit pas tous les jours. Mais une seule fois suffit pour que nous en soyons marqués à vie. 
 
Notre foi en Jésus-Christ a à faire avec ces révélations dans la chair. La Parole de Dieu, sa présence, n’arrive jusqu’à nous que par et dans le corps d’un homme, en chair et en os, qui vous adresse directement cet amour que Dieu nous porte. C’est cela que nous avons en commun ici. C’est cela qui nous est offert à reconnaitre ce matin. La foi c’est toujours quelque chose qui vous est arrivé, à l’improviste, par quelqu’un, que Dieu vous a envoyé. C’est cela qui fait notre lien indissoluble entre les vivants et les morts. 
 
Pour l’officier romain qui a vu mourir Jésus, ce fut une révélation. La mort est toujours un cri, silencieux, douloureux ou lumineux. Un cri de celui ou celle qui nous est enlevé. Le cri de Jésus, c’est ce qui sort de son corps déchiré, son dernier souffle. Et ce souffle, c’est ce qu’il porte dans son corps depuis le commencement. Ce n’est pas un reste, c’est l’amour de son Père tout entier. Chez Lui, ce souffle n’a jamais cessé de le travailler, de le relever, de l’habiter, de mettre dans sa bouche des paroles inoubliables, de faire sortir de ses mains une force incroyable. Ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre sont devenus des témoins et ce témoignage continue son chemin chez nous et rien ne peut l’éteindre
 
Tous les hommes sont façonnés avec cette chair-là, sensible à ce souffle, qui n’abandonne jamais, qui ne rejette jamais, même si çà passe par des pleurs et des grincements de dents. Tous ici nous en savons quelque chose. Nous l’avons vu passer dans les yeux de ceux qui nous ont quittés. A tel ou tel instant de joie inexpliquée, de colère terrible, de pardon inespéré, de larme silencieuse. Souvent nous n’osons pas le dire, mais cet homme ou cette femme que nous aimions et qui est décédée, il avait quelque chose du Fils de Dieu en lui.
 
C’est vrai aussi que nous résistons, à ce réel invisible qui se montre dans le visible. Etre rassemblés dans le Corps du Christ est une action de l’Esprit qui a du mal à prendre sa place dans notre désir. Le corps, pour nous, c’est nous d’abord, visible, personnel, mouvementé. Nous y tenons, parce que c’est notre ancrage concret, quotidien. Il mange, il boit, il souffre, il aime, il imagine, il rêve, il fait aussi n’importe quoi parfois, le meilleur et le pire. Et çà c’est à nous ; çà nous appartient.  Oui mais notre corps peut être aussi attiré, enlevé, au-delà de lui-même par une force d’attraction qui vient d’ailleurs. Toutes nos histoires d’amour en garde une trace, fragile, brisée ou durable, mais inoubliable. 
 
En vérité, les corps que nous connaissons sont en voyage. Comme le dit l’Apocalypse de saint Jean, chacun de nos corps appartiennent à la foule immense de ceux qui viennent de la grande épreuve. Devant, marche l’agneau de Dieu ; il porte à son côté une blessure ; de l’eau et du sang coule jusqu’à nous ; ils sont la source de la vie amoureuse de Dieu pour nous. Avec lui, une multitude est déjà arrivée devant notre Père des cieux ; ils chantent sa gloire et Dieu essuie toute larme de leurs yeux. Ils sont ce Corps du Christ qui a obéi enfin au désir du Père quand il a dit : « faisons l’homme à notre image ».

Derrière eux, il y a nous, comme le dit saint Paul : la création toute entière gémit dans les douleurs de l’enfantement. Cà grince ; çà souffre ; çà aime aussi; çà se révolte et çà pardonne. Cette immense foule n’est pas pour demain ; elle est en route. Nous en sommes, nous qui prions pour nos morts ce matin. Ils sont au-devant de nous dans la lumière. Ils en ont été les porteurs, en de toutes petites choses souvent, mais ces petit riens étaient pleins de la puissance d’amour de Dieu.
Jean-Pierre Duplantier

Le Seul Commandement / Mt 22 34-40 / L'homélie

Quand nous venons ici pour prier Dieu ensemble, nous portons des soucis, des demandes et des merci aussi. Nous sommes très différents et le plus souvent ce que portent nos voisins de prière nous reste inconnus, étrangers. Quand nous entendons ensemble les textes de la Bible, la distance est grande aussi entre ce que Dieu cherche à nous dire et nos préoccupations du jour. Et cependant nous avons un seul Seigneur, un seul baptême, une seule foi.

Régulièrement, nous chantons « nous sommes le corps du Christ ». Quel est-il donc ce corps dans lequel nous sommes appelés à être rassemblés par le Christ ? C’est bien mystérieux, c’est fou, très éloigné de nos préoccupations concrètes. Je crois bien que c’est de cela que Jésus parle quand il répond aux pharisiens et noue ensemble l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Devenir un seul corps dans le Christ est une folie. D’abord, parce que le corps que nous connaissons est particulier à chacun. C’est le mien, le vôtre, un lieu sacré, personnel, où bougent nos propres passions, nos plaisirs, nos rêves, nos amours, et aussi nos jalousies, nos violences et nos angoisses. Qu’est-ce que cela peut bien à voir avec le Corps du Christ, unique, invisible, dans lequel il désire que nous soyons tous pris. Quand nous ouvrons la Bible, à l’église ou ailleurs, nous sentons bien que c’est de ce mystère que ces textes nous parlent, inlassablement.

Ecoutons encore : Au commencement, il y a un amour premier, celui que Dieu nous porte, nous tous, nos corps et nos liens, les uns avec les autres. Puis, tout de suite, ces mêmes textes nous racontent que nous avons connu cet amour premier : comme un petit enfant dans les bras de sa mère, nous avons été tout entier l’objet de son amour et rien que cela. Pris tout entier dans cet amour, sans mots pour le dire. Mais il restait du chemin à faire : sortir, grandir, prendre de la distance, pour apprendre à reconnaître ce que c’est d’être aimé ainsi, découvrir sa miséricorde, nous émerveiller de sa tendresse devant Lui. Désirer  le voir, Lui et sa lumière. Alors Dieu s’est retiré de nous. Et nous avons dû apprendre à marcher sans le voir. Nous avons imaginé et construit un monde à nos dimensions, de générations en générations. Et nous avons substitué à ce premier amour enfui d’autres chemins, d’autres objets, d’autres lendemains, pour tenir, seul ou avec d’autres, sans Lui. Dans cette aventure, il y a des moments merveilleux : le goût de vivre est tenace chez nous. Même refoulé, l’amour de Dieu continue de nous travailler en secret. Mais il y a aussi de terribles courants contraires. Parmi eux, la peur de l’invisible : ce qu’il y a avant nous et ce qui vient après. Et plus que tout encore la peur des autres. Chaque fois qu’un autre s’approche nous hésitons : va-t-il nous aimer ou est-il un danger pour ce que je suis, moi ? Alors aimer son corps et ce qui s’y passe, aimer les autres comme soi-même, comment est-ce possible ?
Où est-il cet autre corps ? Qui échappe au temps qui passe. Là nous est venue la révélation de Jésus le Christ, la parole faite chair. Le Père et le Fils, ils ne font qu’un. Ce lien Père-Fils, dans leur Gloire commune, est ce corps de l’amour que l’Esprit saint inscrit dans le corps provisoire de chacun de nous. C’est ce corps qui parle au livre de la Genèse : Faisons l’homme à notre image. Un corps invisible, hors de notre portée, mais qqui demeure en nous une incroyable force d’attraction.
La loi de Moïse en parle clairement à sa façon : quand tu maltraites l’immigré, rappelle-toi que tu as été immigré toi-même et que ton Dieu est venu te chercher et te sauver ; quand tu accables la veuve, l’orphelin, quand tu détournes tes yeux du malheureux, n’oublie pas qu’ils peuvent crier vers Dieu et qu’il va écouter leur cri, comme il l’a fait pour toi. Parce qu’ils les aime.
 
Un jour, Jésus a dit : « la volonté de mon Père, c’est que toute personne qui voit le fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »
Voir le Fils, c’est voir ce qu’il fait au fil des jours chez nous, chez les autres et en nous-mêmes. Et y croire. C’est avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, le travail du désir de Dieu au milieu de nous ; les détails inattendus de sa façon de soigner nos blessures, de réveiller notre goût de vivre, de nous apprendre à pardonner et à inventer sans cesse mille et une petites choses par lesquelles l’amour qu’il a semé en nous continue de résister, de prendre chair, de porter du fruit sur notre terre, quoiqu’il arrive. 
 
Nous parlons souvent entre nous de vie spirituelle. Mais cette vie-là, la vie selon l’Esprit, elle est physique. C’est ce que le Christ nous donne à vivre chaque jour, à nous, en chair et en os. C’est cela être membre de son Corps, dès maintenant, visiblement dans le cours de l’histoire de notre famille, de notre société. Ce Corps du Christ n’est pas un refuge virtuel, organisé et délimité pour en sauver quelques-uns ; c’est le témoignage charnel du travail de Dieu en train de tirer tous les hommes vers notre condition de fils, portant sa ressemblance dans nos corps. Tous les hommes, les croyants et les incroyants, les forts et les faibles, ceux qui sont bien installés et ceux qui n’en finissent pas de vivre en déplacement, en immigration, en incertitude.
 
C’est en prêtant attention à ce que la présence active du Christ réalise au milieu de nous, dans nos assemblées, selon la nature et la solidité de nos liens, que nous devenons capables de découvrir dans le monde les autres façons que Dieu met en œuvre pour l’éveil et la pratique de la vie qu’il nous donne.
Voilà pourquoi Jésus insiste : aimer Dieu et son prochain est bien le seul commandement, celui qui commande la Loi et les prophètes. C’est souhaiter qu’ils soient heureux, qu’ils traversent leurs épreuves, qu’il aient une foi à transporter des montagnes, un amour à pardonner les pires injustices, une espérance tendre et quotidienne, qui fait renaître chaque jour l’attente de la promesse ; c’est nous réjouir quand nous voyons passer ces moments de grâce chez n’importe lequel de nos frères. C’est nous regarder les uns comme les autres comme nous regarde le Seigneur. C’est agir envers eux, comme le Christ agit en eux. Et c’est découvrir que le même mystère habite tous les humains de la planète…

Je me souviens d’une conversation avec un jeune homme qui aimait me poser de temps en temps des questions sur Dieu. Il s’est crispé tout d’un coup : « Dieu aime les hommes, ok, mais pas la racaille, quand même. » L’amour de Dieu, celui que nous appelons la charité, ne juge pas ; il ne pèse pas sur une balance le poids de nos âmes, de nos cœurs et de nos actions. C’est son désir qui commande. Et son désir est de nous faire à son image. 

Jean-Pierre DUPLANTIER

Première communion



En ce week-end où les enfants de la paroisse vont faire leur première communion, écoutons leurs témoignages de retour de leur retraite à Verdelais.
« J'ai bien aimé la retraite car on a appris plein de choses pour la communion : qu'il fallait porter un vêtement blanc comme pour notre baptême, on a appris des chansons, et on a fait une belle croix en poterie... Je m'en souviendrai longtemps ! »
« Lorsque l'on a parlé de mon baptême et de celui des copains, cela m'a rappelé d'autres baptêmes aussi (dans la famille) et c'était de bons souvenirs. Ces baptêmes : c'était vraiment bien »
« J'ai aussi beaucoup aimé (mais je sais plus comment cela s'appelle) quand on est allé dire au prêtre ce que l'on a fait de mal et qu'il nous a dit que l'on était pardonné. »
"J'ai appris plus de choses que je croyais, ça m'a fait plaisir d'apprendre tout ça. Je sais que je serai toujours croyante et je vais pouvoir passer plus de temps avec Dieu et Jésus. J'adore la chanson du déodorant" (NB : Jubilate DEO)

«La retraite : c'était super! J’ai aimé le dortoir commun, les moments passés ensemble et la visite de l'église avec les explications. Le sacrement de la réconciliation m’a intimidé. »

Les ouvriers de la neuvième heure, Matthieu 20 / l'Homélie

Prends ce qui te revient, et va-t'en.
En préparant cette homélie, en lisant et relisant ce texte, en le tournant dans tous les sens, en m'appuyant sur le psaume, la première et la deuxième lecture, je n'ai pas pu me résoudre à regarder les hommes qui ont été embauchés les premiers autrement qu'avec compassion.
Ici, on sait combien le travail de la vigne est dur. On sait ce que c'est que travailler une journée entière aux intempéries, courbé devant la vigne pour en prendre soin.
La situation décrite dans l'Evangile de ce dimanche est toujours d'actualité. Chaque jour, des femmes et des hommes sont embauchés pour la journée. Parfois, ils travaillent au noir pour un petit salaire. Alors, il n'est pas question dans le contrat de travail de cotisation pour la protection sociale ou la retraite et encore moins de taxe sur le travail.
Et, comme à toutes les époques, le journalier loue ses bras pour nourrir sa famille. Plus même, il propose sa force de travail pour ne pas se sentir retrancher de la société des humains.
Cet homme-là connaît la valeur du smic horaire, 9,53€. Alors quand après avoir travaillé 8 heures de rang, il touche autant que celui qui n'a travaillé qu'une heure, il a de quoi récriminer. Le dernier embauché reçoit une pièce d'argent, le premier se voit bien en recevoir au moins 8 ou 9.
Logique, Le travail est une valeur comme, au même titre que le m2 de terrain, que le litre de gasoil, que la prestation intellectuelle ou le lingot d'or. Et une valeur cela se multiplie ou se divise. On peut lui appliquer des opérations arithmétiques.
Ma perplexité a grandi lorsque j'ai lu cette phrase " Prends ce qui te revient, et va-t'en". Comment le Christ peut-il nous enseigner que le royaume des cieux est comparable à un maître qui dit à un de ses employés " Prends ce qui te revient, et va-t'en" ? Quand bien même, cet employé proteste. Car il proteste avec son intelligence, il raisonne avec ce que le Seigneur lui a donné, sa capacité à calculer. Bon sang, mais c'est juste de recevoir neuf fois plus quand on a travaillé neuf fois plus !
Curieusement, ce qui a dénoué mon incompréhension, ce sont les mathématiques elles-mêmes. Une pièce d'argent n'était-ce pas beaucoup pour une journée de travail ? Une pièce d'argent cela ne suffit-il pas à prendre soin d'une famille pour longtemps ?
Il y a comme une promesse d'abondance à travailler pour le Royaume des Cieux. Tout devient plus clair à la lumière du don de Dieu. Que peut-on recevoir de plus que l'abondance de l'amour de Dieu ? Cela a-t-il un sens de recevoir neuf fois plus de l'amour de Dieu ? L'infini multiplié par neuf c'est toujours l'infini ?
Cela rappelle, le texte de l'exode dans l'épisode de la manne : "Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop ; celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien. Ainsi, chacun en avait recueilli autant qu’il pouvait en manger" (Ex 16, 18)
On peut facilement imaginer qu'après des jours de privation dans le désert, les hébreux se sont précipités sur ce pain venu du ciel pour se gaver jusqu'à satiété. Là encore le don de Dieu était ni trop ni trop peu, juste ce qu'il faut pour vivre en homme digne.
La pièce d'argent c'est le salaire que chacun d'entre nous reçoit quand il travaille à la vigne du Seigneur. Car il n'y a pas de plus grande récompense que la joie de servir le Seigneur, que la joie de laisser venir l'Evangile se répandre dans le monde.
Annoncer l'Evangile, c'est le rôle qui est assigné à chaque baptisé qui reçoit le don de prophète.
Lors de notre baptême, le Seigneur est sorti au petit jour pour nous embaucher à sa vigne. Nous avons accepté le contrat qu'il nous proposait, à savoir le don de la vie qu'il nous a fait ce jour. Ce jour où nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ, nous sommes déjà ressuscités pour la vie éternelle. A quoi bon recevoir neuf fois la vie éternelle quand une fois la vie éternelle suffit ?
Il y en a qui sont baptisé bébé, d'autre au soir de leur vie et tous reçoivent l'abondance de la vie du Seigneur, tous nous sommes sauvés du péché qui nous pousse au calcul, à l'envie et à la comparaison.
Je voudrais maintenant m'adresser aux non baptisés. Il y en a peut-être dans l'assemblée. Ne tardez pas à venir à la rencontre du maître de la vigne ! La joie que procure le soin de la vigne du Seigneur est immense car c'est à ce jour que vous recevrez le salaire du Royaume des cieux. Lors de la rencontre du Seigneur au moment du baptême, vous entendrez "Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemin." Et cette parole vous délivrera de tout ce qui vous englue dans les logiques arithmétiques du monde.
Seigneur Jésus, toi qui as répandu ton sang pour la multitude, montre-nous le chemin de ta vigne où les pauvres attendent avec espérance l'annonce de ton Evangile.
Père, toi qui fais tout homme à ton image, donne-nous la force de sortir au petit jour pour travailler à ta vigne.
Esprit-Saint, toi qui visites les baptisés, ravive en nous la joie de notre baptême.
Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.