Le peuple en attente / Luc 3 15-22 / L'homélie

En attente de quoi ? Quelqu’un ou un événement qui le fasse sortir de la crise économique, social, moral ou spirituel où il se trouve. La première question que le peuple pose, dès qu’il voit et entend quelqu’un s’adresse à lui sur ce terrain, c’est « que devons-nous faire ? » C’est ce que le peuple d’Israël demande à Jean-Baptiste.
 
La proposition de Jean-Baptiste est le baptême dans le Jourdain. Cette traversée de l’eau du Jourdain a une histoire dans la mémoire du peuple. Il y eut deux traversés remarquables : celle de la Mer rouge où Dieu les a conduit hors de l’Egypte et de l’esclavage, et celle du Jourdain où Dieu les a accompagné dans sa sortie de son autonomie dans le désert pour entrer dans un pays, où d’autres peuples plus armés, plus avancés habitaient déjà, une sorte de première expérience de mondialisation. Etre plongé dans le Jourdain, c’est revenir à un comportement où entrer au milieu des nations ne laisse pas tomber l’Alliance avec Dieu. C’est revenir à la Loi et aux rites qui nourrissent la pratique d’un peuple vivant au milieu d’autres peuples, sans vivre en ghetto et en avançant sans oublier ce que Dieu a déjà dit et fait pour eux. C’est un baptême de conversion du comportement et de l’espérance.
Mais Jean-Baptiste leur annonce que ce baptême d’eau n’est qu’une première étape. Il y a un second baptême. Celui-là est une plongée dans l’Esprit et le feu. C’est le baptême de Jésus, quand il sort de l’eau du Jourdain.
 
Là encore, le peuple a dans sa mémoire une histoire qui annonce ce que deuxième baptême. Il y a bien longtemps la terre a connu une grande épreuve : une immense inondation, un déluge au cours duquel la mer a envahi toutes les terres habitées. La survie des êtres vivants a été assurée par le rassemblement dans un bateau, l’arche de Noé, où chaque espèce d’animaux et trois jeunes couples, les fils de Noé et leurs femmes, ont pris place en attendant un nouveau départ. Quand l’eau s’est arrêtée de monter, Noé a fait sortir un corbeau. Comme c’est un oiseau qui n’a pas froid aux pattes, la boue qui restait sur la terre ne l’a pas dérangé et comme il sait se nourrir de charognes, il a trouvé ce qu’il lui fallait et n’est pas revenu à l’arche. Alors Noé a envoyé une colombe. Cette oiseau est très délicat, comme le dit le récit de la Genèse ; il ne met pas ses pattes n’importe où. La colombe a pris dans son bec un rameau d’olivier, sans se poser à terre, et est retournée à l’arche. Noé a compris que les plantes et les arbres poussaient à nouveau sur terre. Il attendit quelque temps encore et envoya la colombe à nouveau. Elle est partie et n’est jamais revenu. Dans un coin de la mémoire d’Israël le retour de la colombe annonçait une paix bien plus solide et profonde que la paix que nous pouvons espérer en revenant à la terre comme elle était avant le déluge.
 
Quand Jésus est sorti de l’eau du Jourdain, le ciel s’est déchiré, comme une autre naissance, comme un homme nouveau né d’en-haut. Et l’Esprit s’est posé sur Jésus sous la forme d’une colombe. La colombe avait enfin trouvé un homme sur qui se posait. L’alliance de Dieu avec les hommes pouvait désormais être vécue hors de frontières d’une loi et des rites spécifiques à un peuple. La Parole de Dieu était devenu chair, elle pouvait atteindre l’intime de chaque être humain, sans quitter les lois et les coutumes de la nation où il réside et sans oublier la présence de Dieu parlant dans son quotidien.
Et sir le baptême de Jésus inaugurait un nouvel espace d’attente pour les peuples, c’est parce que la Voix a articulé distinctement ce qui soutenait, depuis le commencement, la vie, la vérité et le chemin des hommes : « Tu es mon Fils bien aimé, en toi j’ai mis tout mon amour. »
Désormais, tout homme peut voir et entendre à travers les témoins de Jésus-Christ, l’œuvre de la Parole Dieu dans sa propre chair, dans la transformation de son comportement, de son regard et de l’organisation de ses liens avec les autres. Il peut alors demander de toute son âme d’être plongé dans le courant de l’amour qui l’attend, du désir de feu que notre Père d’en-haut a allumé en nous, du souffle saint qui nous conduit par la main, au quotidien, sur le chemin du Christ, le fils bien aimé.
La colombe, l’oiseau de bonne augure, le messager de la paix véritable, est revenu se poser sur le Fils de l’homme. Nous comprenons à demi-mot que l’objet de notre attente n’est qu’un indice de la vie qui nous a été donnée. Le réel de notre vie c’est d’être attendu, désiré par Dieu et son Fils Jésus-Christ. Les visites de l’Esprit saint confirment en nous cette vérité. Ce sont ces visites qui nous conduisent par la main sur le chemin du Fils.
Jean-Pierre Duplantier

Le baptême comme signe


Dans les notes doctrinales du rituel du baptême on peut lire : « Le baptême, porte de la vie et du Royaume, est le premier sacrement de la Loi nouvelle : le Christ l’a proposé à tous pour qu’ils aient la vie éternelle ; il l’a confié à son Eglise en même temps que l’Evangile.»
Si le baptême est «porte» et «premier sacrement», il y a quelque chose d’un commencement. Un commencement suppose une suite.
Le baptême du Seigneur met l’accent sur le réalisme de l’incarnation.
Dieu en Jésus de Nazareth ne vient pas « visiter » la terre, mais il vient prendre à part entière la condition humaine.
Quel acte plus significatif que cette «plongée», ce baptême, dans les eaux du Jourdain : le bain des pécheurs ! Jésus inaugure sa mission, son ministère public par cet acte de solidarité qui vaut tous les discours.
La protestation et l’effacement de Jean-Baptiste ne font que mettre davantage en lumière cette volonté de Jésus de s’enfoncer littéralement dans l’aventure humaine, pour la partager avec nous, de la naissance à la mort ; d’assumer tout l’Humain, tous les hommes, afin d’être Tout en tous, pour communiquer à chacun et à tous son Esprit, sa victoire pascale sur la mort dont le baptême est le prélude.
Plus qu’un moment où tout commence le baptême est le signe de cette rencontre entre Dieu et l’homme, et c’est le sacrement qui ouvre «la porte» de notre divinisation et de notre salut.
Le baptême, moment initial, inaugure un parcours, car «l’œuvre du Seigneur se déploie dans toute la vie des personnes» (orientations pastorales, diocèse de Bordeaux)
On dit donc que le baptême est un sacrement d’initiation. Et « il est confié à l’Eglise »
« Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez les au nom du Père et du Fils et du saint Esprit »
«C’est pourquoi le baptême est tout d’abord le sacrement de cette foi par laquelle les hommes, éclairés par la grâce du St Esprit, répondent à l’Evangile du Christ» (notes doctrinales)
Nous sommes tous appelés à répondre. Une communauté chrétienne ne peut pas se désintéresser de l’initiation chrétienne.
Qu’en est il dans notre communauté ?
Depuis près de quinze ans des chrétiens, aujourd’hui regroupés dans «le service du baptême», ont reçu mission de porter cette question au nom de l’Eglise. Ils accueillent et accompagnent des futurs baptisés (bébés, enfants jeunes et adultes).
Cette équipe, a besoin d’être renforcée par de nouveaux membres, et le moment est opportun pour que chaque baptisé se pose la question de son engagement personnel et pour, à la lumière de la Parole de Dieu et par un partage fraternel répondre à la demande de ceux qui s’approchent du Seigneur et de son Eglise.  Si le «service du baptême» est fortement enraciné dans la Parole et la foi de l’Eglise, on constate cependant une distance sensible avec la communauté elle même.
En dehors des baptêmes célébrés dans la nuit pascale, la communauté est physiquement absente à l’occasion des baptêmes du dimanche. Certes nous prions pour les baptisés mais ensuite nous nous dispersons. Le célébrant accueille et signe au nom de la communauté qui n’est plus visible. La présence de communion subsiste, mais tout se passe comme si le peuple des baptisés n’était plus concerné. Il est reparti pour d’autres préoccupations et laisse «les spécialistes» agir à sa place.
Evoquer la possibilité de célébrer parfois les baptêmes pendant l’Eucharistie provoque des réactions diverses, et souvent peu favorables ;  accueillir pendant la messe, nous prendrait un temps que nous ne pouvons consentir.
Et pourtant le Seigneur nous a confié à tous ce signe par lequel est manifesté que Dieu offre à tout homme d’entrer en communion avec lui et la communauté est un des lieux de cette communion.

Robert Zimmermann

Dans le secret, l'appel au service du Christ prend chair


Il y a six ans à la même époque, je rencontrai le père Alain Dagron au presbytère au sujet de l'appel au diaconat. L'année suivante, Marie et moi suivions une année de discernement avec d'autres couples, encadrés par Robert, un diacre et une femme dont l'époux est diacre. A l'issue de cette année, j'ai rencontré Mgr Jean-Pierre Ricard qui nous a appelés à suivre la formation. Lors de l'entretien, il m'a recommandé de garder secret le chemin que nous entreprenions, Marie et moi.
Je remercie profondément ceux qui m'ont donné ce conseil. Je remercie également sincèrement ceux qui, au courant de ma démarche, l'ont gardé dans leur coeur. Car dans le secret, se joue beaucoup plus que la discrétion nécessaire à la liberté de poursuivre ou d'arrêter. Dans le secret, l'appel au service du Christ prend chair. Pendant ces quatre années, les week-ends de formation, six par an, ont rythmé notre vie. Ces rencontres dispensent une formation nécessaire, mais offrent également une ouverture à la dimension diocésaine de la mission du diacre au contact d'autres hommes candidats des deux provinces apostoliques d'Aquitaine et du Poitou. Parmi ces candidats, François-Xavier et Philippe m'ont épaulé fraternellement et nos échanges m'ont permis tout autant de discerner. Mais au-delà des temps de formation, je crois qu'il ne s'est pas passé une journée pendant ces années où je n'ai pas médité l'appel du Seigneur. Dans le secret, dans le silence, un compagnonnage avec le Christ s'établit quotidiennement, jalonné par la prière des heures.
Depuis le premier dimanche de l'Avent, l'appel du Seigneur et de l'Église est devenu public. Ce qui était connu d'un petit nombre est partagé par toute l'assemblée des chrétiens de Gradignan. J'ai reçu subitement une grande bouffée de chaleur. Nombreux sont ceux qui sont venus partager un mot. J'ai perçu comme une joie pendant l'Avent qui se prolonge pendant le temps de Noël. Je redoutais cet instant, j'essayais de ne pas y penser. En fait, il s'est passé simplement, comme simplement je reçois aujourd'hui les ministères institués par Mgr Dognin, étape sur le chemin qui mène à l'ordination diaconale.
Aujourd'hui, Marie et moi nous ne sommes plus seulement en formation, nous sommes désormais entrés dans le temps de la préparation à l'ordination. Nous sentons autour de nous le soutien de la prière de l'assemblée chrétienne de Gradignan et nous en rendons grâce au Seigneur.