Du profond d’une prison, une
voix se fait entendre. C’est celle de Jean.
Qui est-il Jean ? Il est
« la voix qui crie dans le désert », c’est
comme ça qu’Isaïe parle de lui, c’est comme ça qu’il se
présente lui-même. La voix qui criait dans le désert crie
désormais dans sa prison. Et la voix qui remplissait le désert
traverse les murs de la prison comme s’ils n’étaient qu’un
écran de papier.
Que dit la voix de la prison ?
Elle s’interroge : « es-tu celui qui vient ou
devons-nous en attendre un autre ? »
La prison, on connaît.
Je ne parle pas de la maison
d’arrêt de Gradignan, bien que sa seule présence dans notre ville
nous rappelle sans cesse la violence de cette réalité. Je parle de
nos prisons, de nos cachots secrets, nos prisons intérieures… Nos
espaces de « privation de liberté ».
Il arrive dans nos vies, que
nous nous sentions prisonniers, privés de liberté, pas forcément à
cause des autres, mais à cause de la vie que nous menons…
Enfermés dans des impasses
professionnelles, emmurés dans des labyrinthes familiaux, enchaînés
dans le désordre de nos addictions, de nos délires qui tournent en
boucle. Ou simplement cloués par la grande fatigue de la vie
Mis à l’isolement
Alors, de ce lieu-là, du fond
de cette prison, il peut arriver que nous nous tournions vers le
Christ pour lui demander : « Es-tu celui qui vient ?
qui vient nous libérer ? ou devons-nous en attendre un autre ?
Un différent ?
Comment se fait-il que nous en
soyons arrivés là si tu étais celui qu’on dit ? Celui qu’on
nous a annoncé, celui dont on nous a fait la publicité ?
N’es-tu pas le super-héros
tout-puissant qui devait sauver le monde à coup de miracles et de
prodiges ? N’es-tu pas celui qui devait instaurer un règne de
justice et de paix ? Celui qui devait faire de nous des frères
pleins d’amour les uns pour les autres ? Puisqu’on ne voit
rien de tout ça, doit-on en attendre un autre ? Un différent ?
Un qui répondrait enfin à nos désirs ? »
Réponse de Jésus :
« Je ne sais pas si je
corresponds à ton rêve, je ne sais pas ce que tu t’es imaginé à
mon sujet, j’ignore quelle image de moi tu t’es construite, je
n’en sais rien et ça ne m’intéresse pas… je n’ai pas de
compte à te rendre, je n’ai pas à coller à ton fantasme…
Je n’ai de réponse à te
donner que le fruit de mon passage en toi :
Les aveugles retrouvent la
vue et les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés
et les sourds entendent,
les morts ressuscitent et
les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.
⬩ Ce qui est aveugle en toi, ce
qui faisait que tu ne voyais rien de la beauté du monde, ce qui
t’empêchait de voir le pauvre au bord du chemin, ça voit désormais, à
cause de moi.
⬩ Ce qui t’empêchait de
marcher dans la vie, de bouger, de changer d’air, ce qui te faisait
traîner la patte, ça marche désormais, à
cause de moi
⬩ Ce qui te faisait pourrir de
l’intérieur, ce qui t’entraînait lentement dans la mort, c’est
pur désormais, à cause de moi.
⬩ Ce qui te rendait sourd à
l’inouï de ma Parole, sourd à la musique de l’Esprit, sourd
aussi au cri du monde, ça entend désormais, à
cause moi
⬩ Ce qui faisait de toi un mort
vivant, un mort au monde et à toi-même, c’est relevé désormais,
à cause de moi
⬩ La part misérable en toi,
celle que tu méprises, celle dont tu ne veux pas entendre parler, la
part du pauvre reçoit la bonne nouvelle. »
Alors non
Pas besoin d’en attendre un
différent
Il n’y en aura pas d’autre
Parce que celui-là a déjà
fait le travail. Celui-là ne cesse de faire le travail
Et s’il ne correspond pas à
ce que nous attendions, c’est à nous de changer, c’est à nous
d’ajuster notre attente, c’est nous qui nous trompons.
Quand nous nous pencherons sur
le petit enfant de la crèche, quand nous chanterons à pleine voix
qu’« il est né le divin enfant », soyons bien
attentifs : celui-là qui vient, celui-là que nous chantons, il
n’est peut-être pas celui que nous attendions…
Pour peu que nous le laissions
faire, il se pourrait qu’il nous surprenne, qu’il déborde nos
attentes, qu’il nous déroute… C’est alors à nous de déceler
les fruits. De discerner les œuvres de sa venue, de sa venue
permanente, de sa venue aujourd’hui, chaque jour et jusqu’au
dernier.
╬ Amen
Sylvain diacre