Magnificat ! / Luc 1 39-56 / Homélie du 15 Août

(...)
Pour essayer d’apercevoir Marie sous les tonnes de marbres et les kilomètres de peintures, Il va falloir suivre la voie que nous propose Thérèse de Lisieux, Docteur de l’Église : « En méditant ta vie dans le saint Evangile J’ose te regarder et m’approcher de toi ». Retourner à la source, scruter Marie dans ce que l’Evangile dit d’elle. L’Evangile débarrassé de son épais vernis de discours et de piété. Tendre l’oreille à la voix de Marie quand elle parle dans l’Evangile et cesser de parler à sa place.

Alors quelle surprise !
Après le départ de l’ange, Marie n’a rien dit. On ne sait rien de son état d’esprit. Pas une trace de joie. Elle prend la route et va chez sa cousine, on ne sait pas pourquoi (on peut toujours inventer mais l’Evangile ne dit rien). Et il faut la voix d’Elizabeth qui l’accueille et la désigne comme la « mère de son Seigneur » qui la déclare « bénie » et « heureuse », pour que Marie parle enfin.
Jamais elle ne parlera aussi longtemps de tout l’Evangile.
Marie se tient là toute entière, dans ce grand cri de joie que l’on a appelé le « Magnificat », si l’on veut la contempler, c’est là qu’elle se dévoile, c’est là qu’elle se donne à voir.
On pourrait s’attendre à ce qu’elle se retourne sur elle-même, toute éblouie par l’intimité de cette grossesse extraordinaire, qu’elle se replie sur son histoire, sur la grâce que le Seigneur lui fait…. Mais non ! Aussitôt, elle mesure que c’est un événement aux dimensions du monde et de l’Histoire. Elle proclame une joie inédite, inouïe, unique au monde et à l’histoire.
La joie de Marie, c’est la joie du temps « tous les âges me diront bienheureuse » « d’âge en âge ». C’est la joie des humbles élevés, des affamés comblés.
C’est aussi la joie de ceux qui aspirent à la chute des puissants, à la ruine des riches…
Parole déroutante, voix forte et assurée qui féconde en sa Joie une révolution.
Marie ne fait pas ici de la poésie, elle n’est pas en train de broder sagement au milieu des anges : elle renverse le monde et l’histoire, elle proclame que c’est fait, ce n’est plus à attendre : le temps du riche, du puissant et du satisfait est terminé. Parce qu’elle porte en son sein la Parole, Dieu fait chair qui vient sauver le monde. Parce que sa joie c’est la Joie d’un monde à naître et déjà là, un monde que nos yeux ne savent pas voir, que notre foi peine à seulement imaginer.

Rien de plus courageux que cette parole de Marie, rien de plus subversif, provoquant, audacieux ! Marie n’est pas ici cette figure de marbre ou de sucre, compassée et fade qui peuple nos imaginaires. Comme disait Bernadette, « Non, ce n’est pas cela ! ». C’est une jeune femme débordante d’énergie, pétrie d’écriture, qui ne mâche pas ses mots, qui clame au monde entier son espérance d’un monde différent.
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Marie est bien plus que ce que l’on en a fait.

Amen
Sylvain diacre

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