Il est venu, il viendra dans la gloire et il vient encore

L’Avent nous fait entrer dans une nouvelle année liturgique qui s’étendra jusqu’à la fête du Christ-Roi, au 34ème dimanche du temps ordinaire, au mois de novembre de l’année prochaine.

Déjà, ce premier dimanche nous parle d’attente, de veille, de venue, d’«advenue » comme pour déployer le sens du mot « Avent » du latin « Adventum ».

L’Avent, temps de préparation à la fête de Noël qui exprime la venue, dans le monde, du Fils de Dieu, pour apporter aux humains lumière et paix, leur offrir ainsi la possibilité de les arracher aux ténèbres de ce monde. En effet, Il est celui qui est venu, celui qui viendra, dans sa gloire, à la fin des temps pour « juger les vivants et les morts », comme nous le proclamons dans le credo, et il est celui qui ne cesse de venir pour être avec nous et en nous. Vivre en communion avec lui, si nous le consentons, nous permettra de nous mettre en route avec lui. En lui, l’humanité est enfin capable d’être pleinement accordée à l’Amour et à la volonté du Père ; c’est-à-dire de vivre à plein et exclusivement les valeurs de l’amour, du partage, de la solidarité, de la douceur, du pardon, de l’accueil.

L’Avent, temps de préparation spirituelle à Noël, nous proposera d’accueillir « le Prince de la paix » qui vient. L’Avent est le temps par excellence où nous est rappelée sans cesse la fidélité de Dieu à son projet pour y puiser la force de le faire avancer chacun à notre mesure. Saurons-nous en profiter pour faire et construire la paix et le bonheur autour de nous ?


Fabien KINTA, curé

Homélie de la Fête du Christ Roi


Aujourd'hui, l'Eglise fête le Christ-Roi. Aujourd'hui, nous fêtons le Christ Roi. Que cela peut-il signifier dans un monde où l’on se dit démocrate et républicain ? Comment comprendre cette fête alors que nous vivons en Europe, en France lieux dans lesquels nous choisissons nos représentants qui votent les lois ? 
 
La tentation est grande de penser que quand Jésus s'adresse à ses disciples, il fait référence à une situation politique et historique bien précise que son discours est adapte à la réalité que vivent les disciples. Pour nous, les temps ont changé, nous ne sommes plus sous un régime monarchique. Nous avons en main nos choix politiques. 
 
Et effectivement, le roi que décrit Jésus s'assoit sur un trône de gloire et domine l’assemblée. Il a pouvoir sur les nations. Il a le pouvoir de faire le tri, d'installer les uns à sa droite et les autres à sa gauche. Voila bien une image de Roi qui nous parle. Voila bien une conception du pouvoir qui nous est familière. Celui qui gouverne domine. 
 
Là où cela ne correspond plus, c'est dans la politique menée par ce roi. Il récompense les uns et réprimande les autres non pas pour ce qu'ils ont fait pour lui mais pour ce qu'ils ont fait pour les autres, pour ceux qui ont besoin de secours. Son gouvernement n’est pas de rétribuer celui qui lui fait du bien mais celui qui se tourne vers les autres. 
 
Regardons maintenant les hommes. Ceux de sa droite comme ceux de sa gauche réagissent de la même manière. "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu..." disent-ils d’une même voix. Ainsi raisonnent-ils comme tout homme face au pouvoir. Ils raisonnent comme tous les hommes de tous les temps, comme ceux du début de notre ère, comme ceux du vingt et unième siècle. Quand est-ce que nous t'avons vu toi ? Quand est-ce que nous nous sommes courbés devant toi ? Comment se fait-il que tu sois passé et que nous ne ayons pas reconnu TOI ? 
 
En fait, ils réagissent comme le monde apprend aux hommes à se comporter. Le monde pour se développer se dote de structure sociale et politique. Et quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu, il y a toujours quelqu'un qui gouverne. Il le fait plus ou moins bien. Il est plus ou moins intègre. Dans tous les cas, ce gouvernement tend toujours à garder la maîtrise des événements et des hommes qu'il domine Et nous les hommes, nous sommes habitués à cela. 
 
Mais le Christ vient bousculer cet ordre établi. Il nous révèle qu'une autre réalité existe. Il ouvre nos vies à un Royaume où il ne s'agit plus de se courber face au pouvoir. 
 
Il s'agit, dans ce royaume, de lire dans le regard des pauvres, la présence du Seigneur, la présence du Roi. Ce royaume ne fonctionne pas sous le régime de la rétribution. Il fonctionne sous la loi de la fraternité. Ce roi se comporte vis-à-vis de son peuple comme un père qui aime ses fils. 
 
Un Père qui s'adresse à ses fils en ces termes : 
Quand tu as nourri celui qui avait faim tu l’as sauvé et moi aussi tu m'as sauvé. 
Et quand tu n'as pas nourri celui qui avait faim tu ne l’as pas sauvé et moi tu m'as blessé. 
 
Quand tu as donné à boire à celui qui a soif, tu l’as abreuvé et moi tu m'as réjoui. 
Et si tu n'as pas donné à boire à celui qui avait soif, tu l'as laissé le gosier sec, sans voix et moi tu m'as ignoré. 
 
Le Christ s'est incarné pour signifier aux hommes que le roi du royaume des cieux veut faire de nous un peuple de frères. Il veut des frères qui se rencontrent en vérité, à savoir qu'ils se reconnaissent pétris d'une chair touchée par la parole du Père. 
 
Il veut que, dans toutes nos rencontres, nous inventions des chemins nouveaux pour annoncer la bonne nouvelle et qu'ainsi grandisse en nous cette part qui n'appartient qu'à Dieu. Il veut que nous laissions plus de place à cette chair touchée par la parole dès l’origine. Il veut que cette part en nous que nous avons offert lors de notre baptême s'épanouisse et vive quand il passe. 
 
C'est dans ce souffle que nous recevons la lettre de Paul : 
"Et le dernier ennemi qu'il détruira, c'est la mort. Alors, quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il se mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous.", "ET AINSI, DIEU SERA TOUT EN TOUS." 
 
Le Christ est présent et vivant. Il nous le signifie aujourd'hui à cet autel. Il ne vient pas pour notre propre confort, il vient pour que se révèle son royaume.

Si nous lui rendons gloire ce n'est pas en vue d'une rétribution, c'est pour que le souffle de son Esprit traverse nos corps et nous invite au service de tous nos frères.
Nous ne sommes pas invités à recevoir le pain et le vin, son corps et son sang, nous sommes invités à le partager.Nous ne sommes pas invités à nous courber devant un roi, nous sommes appelés à vivre, debout, le Christ Roi en nous, parmi nous et entre nous.
"ET AINSI, DIEU SERA TOUT EN TOUS."

Amen !

Dominique Bourgoin, diacre.

Annoncer l’Évangile c'est accueillir et se laisser accueillir



Évangéliser c’est permettre à chacun de trouver sa place dans l’Eglise et dans la société, c’est offrir une place à celui qui n’en a pas, c’est pouvoir dire à tous et à chacun: « Tu as un avenir ! »
Dans toute rencontre, nous devons être dans ce profond respect du mystère de la personne. Comme le rappelle le pape François, « le véritable amour est contemplatif ».
Le contraire de l’évangélisation c’est l’exclusion, c’est dire à l’autre « Tu n’as pas de place ! Si tu veux un avenir parmi nous, il te faut changer ! » Jésus a pris la posture inverse: Lui qui était de condition divine, il a pris la place de l’exclu.

ACCUEILLIR LA DIFFÉRENCE COMME UNE RICHESSE.
Évangéliser, c’est rejoindre toutes les formes de pauvreté : accepter de chercher, avec ceux qui frappent à notre porte, le chemin de leur propre liberté, pour qu’ils puissent, eux aussi, à leur tour, partager et donner.
ACCUEILLIR DANS L’INSTANT.
S’ouvrir à l’imprévu : il ne faut pas faire attendre ceux qui ont souvent attendu longtemps avant d’oser frapper à la porte.
ACCUEILLIR SANS PRÉJUGÉ.
L’autre est toujours habité par la présence du Christ qui éclaire silencieusement son existence. Accueillir, c’est espérer en l’autre au-delà de ce qu’il dit de lui. L’Eglise est signe de la confiance de Dieu envers son peuple.
ACCUEILLIR ENTRAÎNE UNE CONVERSION.
Évangéliser c’est se dessaisir de soi-même. Vivre l’évangélisation, c’est accueillir la grâce de la rencontre, c’est le Seigneur qui nous attend à travers la rencontre du frère.
ACCUEILLIR, C’EST APPELER.
Évangéliser, c’est appeler ! Évangéliser, c’est dire « J’ai confiance en toi, Dieu a confiance en toi » ! Dire et répéter à tous que l’on a besoin de chacun, que chacun peut être reconnu au sein de la communauté, qu’il n’y a pas de « petits talents »



Voilà ce que la Charte d’évangélisation du diocèse propose autour du thème de l’accueil, thème choisi par le conseil pastoral pour nous accompagner cette année dans notre approfondissement de la foi. Une foi qui est appel à la vie, au concret de notre existence. 

La crucifixion / Marc 15-16 / L'homélie

L’officier romain voit Jésus mourir, en poussant un grand cri, et il dit : « cet homme est le Fils de Dieu ». Qu’a-t-il vu de particulier, que les autres ne semblent pas avoir vu ? Que veut-il dire ? « Cet homme est le Fils de Dieu ». Aucun commentaire, aucune explication dans le récit de l’évangile.
 
C’est comme cela dans toute la Bible : il n’y a pas d’explication sur Dieu, ou de définition du Fils de Dieu ; il y a le témoignage d’hommes et de femmes qui ont vu de leurs yeux, entendu de leurs oreilles, reçu dans leur cœur, la visite de Dieu. Comme Job, par exemple : « Je sais que mon libérateur est vivant et qu’à la fin,  je me tiendrai debout et de mes yeux de chair je verrai Dieu. » Comme l’officier romain et comme pour nous aussi. Parce que nous aussi nous avons vu et entendu. Toute la création, dit Paul, attend avec impatience la révélation des fils de Dieu, c’est-à-dire la nôtre.
La Bible ne fait que mettre en scène des témoins, comme Abraham, Moïse, les prophètes, mais aussi une veuve et son fils qui n’ont plus rien à se mettre sous la dent, ou un paysan à qui on vole sa vigne, ou une population déplacée, exilée en terre étrangère. Tous ces témoins attestent qu’ils habitent la terre sous un ciel habité. Et nous sommes comme eux.  
 
Ces choses-là portent un nom dans la Bible : ce sont les restes. Ce qui reste de la force vive de Dieu dans le monde, que personne n’a pu effacer ; qu’aucune organisation humaine, aucune culture, aucune technique, aucune violence n’a jamais pu enterrer définitivement. 
 
Ces restes indestructibles de l’amour de Dieu, vous en avez été témoins, à un moment ou à un autre. C’est le geste, la parole ou le sourire, inattendu, inoubliable, d’un mari, par exemple, aujourd’hui décédé, qui vous a laissé ce cadeau un soir ou un matin, peut-être à un moment où la vie était devenu difficile entre vous, parce qu’il était dans ses souffrances ou sa violence, et puis soudain un mot, un regard et la lumière s’est levée. Vous vous souvenez surement aussi de cet enfant qui était parti loin et qui est revenu, l’espace d’une visite, trop courte pour que vous soyez rassuré, mais assez longue pour que l’espoir à nouveau habite votre coeur.  Cela nous vient même parfois de quelqu’un qui nous a fait du mal et dont on n’attendait plus rien, et puis, soudain, un détail revient et nous voilà bouleversé : lui aussi porte dans sa chair un reste de l’amour que Dieu a semé en lui ; et ce reste est toujours là. Comme disait un évêque célèbre du moyen-âge : ce n’est parce qu’il y a eu des rats dans la réserve à blé, qu’il faut jeter tout le blé.
 
Ces instants de lumière qui ont traversé nos liens, sont les semences de Dieu dans nos corps. Cela ne se voit pas tous les jours. Mais une seule fois suffit pour que nous en soyons marqués à vie. 
 
Notre foi en Jésus-Christ a à faire avec ces révélations dans la chair. La Parole de Dieu, sa présence, n’arrive jusqu’à nous que par et dans le corps d’un homme, en chair et en os, qui vous adresse directement cet amour que Dieu nous porte. C’est cela que nous avons en commun ici. C’est cela qui nous est offert à reconnaitre ce matin. La foi c’est toujours quelque chose qui vous est arrivé, à l’improviste, par quelqu’un, que Dieu vous a envoyé. C’est cela qui fait notre lien indissoluble entre les vivants et les morts. 
 
Pour l’officier romain qui a vu mourir Jésus, ce fut une révélation. La mort est toujours un cri, silencieux, douloureux ou lumineux. Un cri de celui ou celle qui nous est enlevé. Le cri de Jésus, c’est ce qui sort de son corps déchiré, son dernier souffle. Et ce souffle, c’est ce qu’il porte dans son corps depuis le commencement. Ce n’est pas un reste, c’est l’amour de son Père tout entier. Chez Lui, ce souffle n’a jamais cessé de le travailler, de le relever, de l’habiter, de mettre dans sa bouche des paroles inoubliables, de faire sortir de ses mains une force incroyable. Ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre sont devenus des témoins et ce témoignage continue son chemin chez nous et rien ne peut l’éteindre
 
Tous les hommes sont façonnés avec cette chair-là, sensible à ce souffle, qui n’abandonne jamais, qui ne rejette jamais, même si çà passe par des pleurs et des grincements de dents. Tous ici nous en savons quelque chose. Nous l’avons vu passer dans les yeux de ceux qui nous ont quittés. A tel ou tel instant de joie inexpliquée, de colère terrible, de pardon inespéré, de larme silencieuse. Souvent nous n’osons pas le dire, mais cet homme ou cette femme que nous aimions et qui est décédée, il avait quelque chose du Fils de Dieu en lui.
 
C’est vrai aussi que nous résistons, à ce réel invisible qui se montre dans le visible. Etre rassemblés dans le Corps du Christ est une action de l’Esprit qui a du mal à prendre sa place dans notre désir. Le corps, pour nous, c’est nous d’abord, visible, personnel, mouvementé. Nous y tenons, parce que c’est notre ancrage concret, quotidien. Il mange, il boit, il souffre, il aime, il imagine, il rêve, il fait aussi n’importe quoi parfois, le meilleur et le pire. Et çà c’est à nous ; çà nous appartient.  Oui mais notre corps peut être aussi attiré, enlevé, au-delà de lui-même par une force d’attraction qui vient d’ailleurs. Toutes nos histoires d’amour en garde une trace, fragile, brisée ou durable, mais inoubliable. 
 
En vérité, les corps que nous connaissons sont en voyage. Comme le dit l’Apocalypse de saint Jean, chacun de nos corps appartiennent à la foule immense de ceux qui viennent de la grande épreuve. Devant, marche l’agneau de Dieu ; il porte à son côté une blessure ; de l’eau et du sang coule jusqu’à nous ; ils sont la source de la vie amoureuse de Dieu pour nous. Avec lui, une multitude est déjà arrivée devant notre Père des cieux ; ils chantent sa gloire et Dieu essuie toute larme de leurs yeux. Ils sont ce Corps du Christ qui a obéi enfin au désir du Père quand il a dit : « faisons l’homme à notre image ».

Derrière eux, il y a nous, comme le dit saint Paul : la création toute entière gémit dans les douleurs de l’enfantement. Cà grince ; çà souffre ; çà aime aussi; çà se révolte et çà pardonne. Cette immense foule n’est pas pour demain ; elle est en route. Nous en sommes, nous qui prions pour nos morts ce matin. Ils sont au-devant de nous dans la lumière. Ils en ont été les porteurs, en de toutes petites choses souvent, mais ces petit riens étaient pleins de la puissance d’amour de Dieu.
Jean-Pierre Duplantier