Le soleil se lève : a nous de marcher tant qu'il fait jour


Lorsque saint Augustin parlait à la foule, qui s’était rassemblée pour la « veillée sainte », il commençait par placer ce passage de la nuit à l’aube dans le cadre de la création de Dieu : il y eut un soir et il y eut un matin. Nous voilà donc resitués dans ce sixième jour où Dieu a créé l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance. Ce soir, nous célébrons ce qui nous est arrivé : la résurrection de Jésus d’entre les morts. Comme nous l’avons entendu durant tout le carême, Dieu a soif de l’homme, il veut que nous devenions les membres du Corps de son Fils bien-aimé.
Au commencement, Dieu nous a donné tous les dons qu’il faut pour que nous devenions ses fils, à son image et à sa ressemblance. Il nous a donné des yeux pour voir dans le visage de ses frères le désir de Dieu, le désir de l’au-delà de nous-mêmes. Il nous a donné des oreilles pour entendre la voix de Dieu éveillant notre chair.
Mais, comme le dit Origène, dans cette histoire en cours un drame s’est joué. L’homme en effet s’est trouvé attiré par les objets qu’il découvre et des vivants qui le fascinent. Il a lâché l’horizon de l’image de Dieu, pour se rêver comme une espèce animale supérieure, maître de lui comme de l’univers. Alors une force de mort s’est installée chez lui, à la place de la source de vie qui lui venait de la tendresse de Dieu : il mange de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et oublie l’arbre de vie. Cette inscription de la mort en nous, nous l’appelons Satan, l’accusateur, ou Diable, le diviseur. Mais Dieu poursuit sa création. Il insiste chez nous, il continue de nous conduire par la main, par notre état.
Quand l’heure est venue, il envoie son Fils, celui qui croit et obéit à la volonté de son Père. Et la chair de ce Fils est disponible à la Parole. Il déclenche chez nous un affrontement décisif. Il paye à Satan la rançon pour les hommes qui sont pris sous son emprise ; il la paye avec sa mort sur la croix. Mais il traverse cette mort par la puissance de son Père. Satan est trompé, plus radicalement que lorsqu’il a trompé Eve au commencement. La puissance de mort dont Satan avait fait son arme première, lui est enlevée.
Cette puissance de mort diabolique semble toujours là. Mais elle a perdu son aiguillon, sa puissance d’enfermement dans la peur. Le Christ ressuscité est désormais le vrai maître d’œuvre du désir de Dieu. Et de Lui nous recevons l’Esprit qui fait toutes choses nouvelles.
En cette fête de Pâques, pour nous, et pour tous les hommes, se lève le soleil qui vient nous visiter. A nous maintenant de marcher tant qu’il fait jour. Nous sommes désormais dans ce temps de la création où la lumière du Christ nous montre, jour après jour, ce que nous avons à entendre et à voir dans les Ecritures et dans le quotidien de nos existences, les initiatives de Dieu dans notre chair, et dans celle des hommes qui nous entourent. Car l’Esprit du Christ travaille en nous tous, quel que soit l’état de notre chemin.
Suivre le Christ aujourd’hui, c’est prendre le risque de résister aux modes, aux idées, aux constructions du monde. Dans le monde, nous aimons les hommes à l’image de l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit, et nous vivons rebelles aux pressions du monde.
Jean-Pierre Duplantier 

La louange pour célébrer la Pâque du Seigneur et dire notre action de grâce.


1-Pour la joie des chrétiens et de ceux qui s’associent aux prières de l’Eglise, chaque année la semaine sainte nous permet d’aborder de façon diversifiée le mystère de la Pâque du Seigneur ;- de Dieu qui passe au milieu de son peuple pour le sauver,- de Dieu qui envoie son Fils partager nos souffrances et nous manifester son amour jusqu’à la perfection,- du Christ qui passe de ce monde au Père pour nous ouvrir les chemins vers la demeure de Dieu.

2-A chaque étape de la célébration, des chants de louange nous introduisent dans le mystère qui unit le Père et le Fils, dans le mystère qui unit Dieu et les hommes à travers la mort et la résurrection de son Fils.
Je retiens le cantique tiré du chapitre 2 de la lettre aux Philippiens qui nous est proposé le dimanche des rameaux ; la figure du serviteur souffrant dans la première lecture du vendredi saint ;-la grande prière d’intercession de l’église lors du vendredi saint ; le chant de l’exultet proclamé la nuit de Pâques, lors de la célébration du cierge pascal ; et le cantique intitulé à la victime pascale le dimanche de Pâques, proclamé avant l’évangile.

3-Ces chants de louange prolongent la méditation des psaumes et nous aident à invoquer Dieu et son Fils. Ils ouvrent le coeur des chrétiens à la profession de foi et à l’action de grâces. A la suite de la conversion qui nous a été demandée pendant le temps de Carême, il s’agit pour nous, durant ces fêtes pascales de rendre grâce au Père. Il a envoyé son Fils manifester son amour et sa miséricorde. Il s’agit aussi de rendre grâce au Fils qui a donné sa vie pour nous introduire dans la vie de Dieu : une vie libérée de la corruption du péché et de la mort.

Que ces chants de louange de l’église nous aident à professer notre foi la nuit de Pâques. Qu’ils nous apprennent à rendre grâce à Dieu dans la liturgie et la prière de tous les jours. Qu’ils nous aident aussi à renouveler en nous l’espérance du salut, offert à tous les hommes.
Comme le suggère la grande prière du Vendredi Saint, que la fête de Pâques nous rappelle que le Christ est mort pour le salut de tous les hommes. Que cette prière universelle, tournée vers le salut du monde habite l’Eglise et le coeur de chaque chrétiens durant l’année qui vient !
Jean-Pierre RANGA
Curé

l'Aveugle né / Jn 9 1-41 / L' homélie

Aveugle de naissance ! Ce n'est pas normal. Chacun a le droit d'entrer dans la vie avec toutes ses chances. S'il est dans cet état, c'est que quelqu'un en est responsable. Il y a eu une faute quelque part. Et comme l'homme est crée bon, ce ne peut être une erreur de sa part, c'est donc forcément une faute des parents ou de lui-même. Voilà ce que pensent les disciples. Et nous sommes comme eux. Il y a la création, puis le péché et à la fin la rédemption.
Or Jésus refuse ce discours imaginaire. Ce n'est pas du côté du péché qu'il faut regarder, mais du côté de l'oeuvre de Dieu qui va se manifester chez cet aveugle. Le péché est ailleurs. Je vous invite ce soir à garder et à contempler cette révélation du Christ.
 
D'abord le geste de Jésus : de la terre et de la salive sur ses yeux. Une manière d'évoquer l'acte créateur de Dieu. Nous avons été modelés avec de la poussière et la parole de Dieu. Mais cet acte créateur ne s'arrête pas là. Jésus ajoute la piscine de Siloé, de l'envoyé : il faut y aller se laver. Comme l'écrit saint Irénée, «Dieu a modelé l'homme en vue de ses dons..., Il lui fallait encore habituer l'homme sur la terre à porter son Esprit, à vivre en communion avec Lui.» Il fallait que l'homme aille se laver de tout ce qu'il construisait à son propre compte qu'il apprenne à tenir compte pas à pas de ce que l'envoyé du Seigneur lui montrait, concernant le chemin qu'il devait suivre pour que s'accomplisse ce que Dieu désire pour lui. Il fallait qu'il puisse voir dans le cours de sa vie sur terre comment le Christ Jésus le conduit par la main.
 
Voilà ce que voit Jésus chez l'aveugle-né : au commencement, l'homme reçoit de Dieu tout ce qu'il faut pour qu'il devienne fils à son image et à sa ressemblance. Mais il ne peut pas devenir ce Fils par lui-même. Sa connaissance, sa volonté et sa force sont incomplètes. Il ne peut pas vivre sans la présence de l'Esprit, la Parole de Dieu en Jésus-Christ et la grâce du Père. Le péché, c'est résister, puis refuser l'oeuvre de Dieu au long cours, à chaque moment de son existence charnelle. C'est résisté maintenant.
 
Tous les acteurs du récit que nous venons d'entendre s'efforcent de ne pas voir ce qu'ils ont sous les yeux. Les voisins, les pharisiens, les parents ont tous de bonnes raisons de ne pas faire le lien avec la guérison de cet aveugle et leur propre situation. Alors ils le chassent. Et Jésus va retrouver l'aveugle. Il vient nous retrouver ce soir, maintenant. Crois-tu au Fils de l'homme ? Qui est-il ? C'est moi qui te parle. Viens te laver dans la piscine de l'envoyé. Tu as appris à nager plus ou moins bien dans les eaux du monde où tu vis. Comme beaucoup tu as peur de te noyer dans ces eaux tumultueuses et incontrôlables. Tu t'accroches à tout ce qui te semble flotter encore : Les habitudes, les convictions, le valeurs qui soutiennent le vie familiale, nos parcours professionnels, nos comportements sociaux. En eux-mêmes ces repères ne sont pas notre péché. Le danger réel vient de ce qu'ils nous enlèvent le temps et le goût de devenir familier au quotidien du travail que fait le Christ Jésus en nous et autour de nous, d'en prendre les moyens et d'obéir à ce qu'il nous montre.
 
Nous allons vivre deux gestes : celui de l'aveu et celui du pardon. L'aveu de l'état de notre relation avec le Christ, de notre prière, de notre capacité à voir ce qu'il fait en nous et autour de nous en ce moment. Le pardon qui nous est donné dans le geste du prêtre, afin de nous donner à voir sa miséricorde : le Seigneur se réjouit de ce que nous revenons à Lui.

Jean-Pierre DUPLANTIER